« Un mode d’organisation qui prend tout son sens »
Éric Pauget, 49 ans, est député les Républicains de la 6e circonscription (Antibes). Ce chef d’entreprise dans le civil a déposé en 2018 une proposition de loi tendant à faciliter le développement du télétravail.
Comment votre idée a-t-elle été accueillie ?
Ma proposition de loi avait pour objectif de favoriser et développer le télétravail en cas de grève – nous sommes en plein dans l’actualité – en permettant aux salariés de bénéficier d’un droit au travail à distance. Notamment en l’absence de transports en commun. En accord, bien sûr, avec son employeur. Entretemps, le gouvernement, parmi une série d’ordonnances, a également mis en avant le télétravail, mais plutôt en cas de pic de pollution, ce en quoi les Alpes-Maritimes sont pleinement concernées. D’autres aspects étant liés aux zones peu desservies par les transports collectifs ou aux événements climatiques. Ma proposition n’a pas fait l’objet d’un débat parlementaire. Mais je dois dire que, depuis, le sujet a fortement prospéré. Il est, aujourd’hui, largement plus populaire.
Les exemples d’entreprises se font pourtant rares…
Malheureusement. Le télétravail n’est pas encore forcément bien ancré dans les us et coutumes des chefs d’entreprise en France, mais c’est en train de venir. Tout dépend du type d’activité dont on parle. Dans les domaines des services ou de la recherche, c’est particulièrement adapté. Le site de Sophia Antipolis s’y prête plutôt bien. On ne va évidemment pas demander à des entreprises du BTP de s’y mettre. J’ajoute qu’en parallèle du cadre législatif visant à favoriser le télétravail par des accords salariaux, il faut parler des espaces de coworking, tels qu’il en existe à Châteauneuf ou Opio. Des espaces souvent créés par la puissance publique et qui permettent aux salariés de rejoindre un lieu qui ne soit pas nécessairement le siège de leur entreprise.
La réticence vient-elle des salariés ou des employeurs ?
Peut-être que les mentalités ne sont toujours pas prêtes. Pour le salarié, c’est surtout un problème de génération. Pour l’employeur, c’est un type d’organisation où il faut accepter que, physiquement, on ne se trouve pas sur le lieu géographique de l’entreprise. Il y a de moins en moins de réticence, mais il subsiste une difficulté à l’échelle du management. Qui est en train d’évoluer. Dans les périodes de grèves et d’inondations que nous traversons, le télétravail prend tout son sens. Et d’une façon générale, c’est un mode d’activité qui va se développer de plus en plus.
Comment favoriser son essor ?
Un amendement que j’avais déposé et sur lequel je me suis fait retoquer proposait que, dans le cadre de la négociation des accords d’entreprise, un chapitre soit dédié au télétravail. De telle sorte qu’il y ait une obligation d’aborder ce thème. Je souhaitais que l’on institutionnalise et rende obligatoire une concertation sur le principe du télétravail. Le jour où l’on réussira à l’intégrer dans le Code du travail, on popularisera le sujet de manière très forte.
Voyez-vous des signes encourageants ?
Des entreprises importantes appliquent ce type d’organisation. Pas seulement lors de difficultés de transport liées aux conflits sociaux, mais aussi sous l’angle de la congestion du trafic autoroutier. Avec les problèmes que l’on connaît pour accéder à Sophia comme à Nice. C’est une raison de plus qui prouve l’intérêt du télétravail.
D’autres éléments plaident en faveur du télétravail ? N’y a-t-il pas aussi des contraintes ?
Le tout-télétravail, à mon avis, n’est ni possible ni souhaitable. Le salarié a besoin d’être confronté à ses collègues et à sa hiérarchie. Je ne suis pas sûr que le télétravail à % soit positif, du point de vue de l’épanouissement personnel. Par contre, un équilibre, en fonction des activités, entre la présence physique et une capacité de télétravail, me paraît une bonne chose. La société évolue, les élus aussi, je pense que ma proposition de loi aurait, aujourd’hui, une plus grande adhésion. Si je préconise le télétravail, si j’en parle au niveau de l’Assemblée nationale, c’est bien que je le considère comme une bonne solution. Non pas comme un outil pour empêcher la grève ou les manifestations, mais un moyen moderne d’organisation du travail. Aujourd’hui, aux États-Unis, dans la plupart des immeubles, un étage est dédié au coworking. Un peu à l’image des zones dédiées dans les aéroports. Une chose est certaine : c’est un sujet d’avenir.