Nice-Matin (Cannes)

La semaine de Roselyne Bachelot

- SIGNÉ ROSELYNE

Lundi

Effroi et sidération : à Angers, une petite fille a été assassinée par sa mère le jour de son premier anniversai­re. Cette dernière souffrant de troubles psychiatri­ques importants, l’enfant avait été confiée aux services de l’Aide sociale à l’enfance, service qui relève du conseil départemen­tal.

Les travailleu­rs sociaux avaient néanmoins jugé qu’il fallait conserver à cette femme un droit de visite qu’elle exerçait sans surveillan­ce. Il n’a fallu que quelques heures, après l’annonce de l’affreuse nouvelle, pour que les polémiques surgissent impliquant l’administra­tion départemen­tale du Maine-et-Loire. Cette mise en cause est injuste tant le psychotiqu­e est habile à se construire toutes les apparences d’une « normalité » apaisée pour tromper la vigilance de l’entourage tout en poursuivan­t secrètemen­t ses funestes desseins. Au-delà de cet assassinat monstrueux, on peut s’interroger horresco referens sur la primauté donnée à la parentalit­é biologique, parfois contre tout bon sens. On arrache des enfants à des familles d’accueil qui les élèvent depuis plusieurs années pour les restituer à des parents gravement défaillant­s, tout est fait pour empêcher l’adoption au motif qu’il faut préserver la possibilit­é d’un retour hypothétiq­ue dans la famille biologique, des petits sont laissés sous la coupe de parents maltraitan­ts avérés, les tortures et les meurtres exercés dans le cadre familial bénéficien­t d’une inexcusabl­e loi du silence. Me revient en mémoire la phrase terrible que m’avait assénée un travailleu­r social alors que je siégeais dans une commission d’agrément et que je m’indignais de l’incroyable flicage imposé aux candidats à l’adoption : «Lapire des familles biologique­s vaut mieux que la meilleure des familles adoptantes »… C’est sans doute à une remise en cause en profondeur de la protection de l’enfance que nous invite cet abominable fait divers.

Jeudi

Édouard Philippe reçoit ce matin les partenaire­s sociaux sur le dossier embourbé de la réforme des retraites.

Lors du point presse qui suit la multilatér­ale, le Premier ministre semble confiant et annonce, guilleret, que des avancées ont été effectuées. À voir l’air grognon des camarades syndiqués sur le perron de Matignon, on se demande s’il ne prend pas ses rêves pour des réalités. Visiblemen­t, les syndicats de salariés ont réalisé qu’ils étaient trop divisés sur l’aspect systémique du passage au régime par points et ont décidé d’enfourcher une autre monture beaucoup plus consensuel­le : la pénibilité. Sauf que ce dossier est une affaire encore beaucoup plus compliquée à manier que la réforme systémique ! La définition des critères est complexe, l’impact financier considérab­le, la tenue des dossiers individuel­s horribleme­nt compliquée, s’y ajoutent la nécessité de privilégie­r la prévention des troubles psychosoci­aux et l’arrivée massive de la robotisati­on, tout cela est ingérable dans le laps de temps réduit voulu par le gouverneme­nt. S’il est un dossier qui mérite que le calendrier soit desserré, c’est bien celui de la pénibilité.

Vendredi

Les chaînes d’info sont en édition

spéciale, les responsabl­es politiques clament leur indignatio­n, les sociologue­s et les politologu­es analysent et s’interrogen­t, les plaisanter­ies douteuses fusent autour de la machine à café… La décision de Benjamin Griveaux de renoncer à se présenter à la mairie de Paris à la suite de la diffusion d’une vidéo sexuelle tournée il y a deux ans n’est pas vraiment de nature à redorer le blason d’une classe politique déconsidér­ée. Les plus acides dénoncent la légèreté de l’intéressé, procès irrecevabl­e qui consiste à faire porter le poids de la faute sur la victime. Finalement, l’affaire est simple : pour des motifs politiques, un complot a été ourdi pour se procurer des images et des copies de conversati­on qui relevaient de la vie intime d’une personne. L’article -- du Code pénal prévoit de punir ce genre d’agissement de  ans de prison et   euros d’amende.

Si ces images ont été procurées par « piratage », cela constituer­a un autre délit susceptibl­e également de poursuites. Au passage, petit rappel : si vous vous amusiez à diffuser ces images pour « rigoler » entre amis, vous risqueriez les mêmes peines.

Ce n’est pas d’aujourd’hui que tous les coups sont permis dans les luttes de pouvoir et ceux qui parlent savamment d’américanis­ation de la société ou de menaces sur la démocratie pourraient utilement relire leurs manuels d’histoire. Chaque époque utilise les techniques mises à sa dispositio­n : le poison chez les Borgia, les réseaux sociaux aujourd’hui. À l’évidence, la personnali­té et le passé de l’auteur de cette bassesse délictueus­e désignent aisément la cible qu’il poursuit à travers Benjamin Griveaux, et c’est bien Emmanuel Macron. Par ailleurs, on ne pouvait en ce vendredi s’empêcher de juxtaposer la sinistre conférence de presse donnée par monsieur Griveaux et l’indécent entretien accordé hier soir dans sa luxueuse maison de campagne par le sieur Balkany à peine sorti de prison. D’un côté un homme à terre qui ne se relèvera sans doute pas de la balle médiatique qu’on lui a tirée en plein front, de l’autre, un délinquant multi-condamné par la justice qui parade avec la bienveilla­nce de l’opinion publique. Encore une chance qu’il ait été frappé d’inéligibil­ité, sinon je vous fiche mon billet que les citoyens de Levallois-Perret l’auraient réélu ! Le pire pour Benjamin Griveaux est que dans ce déballage infect où il n’a commis ni crime ni délit, il apparaît comme un personnage ridicule et qu’en France, c’est bien connu, le ridicule tue…

« Le pire pour Benjamin Griveaux est que dans ce déballage infect, il apparaît ridicule, et en France, le ridicule tue. »

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