Nice-Matin (Cannes)

Veufs, ils refont leur vie à plus de  ans

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Ils portent le même prénom. Que l’on changera en Gabrielle et Gabriel afin de brouiller tout risque d’identifica­tion. Si leur témoignage est anonyme, ce n’est pas en raison d’un tabou ou d’une réserve, mais parce qu’une infime partie de l’entourage garde une certaine réticence à l’égard de leur bonheur. Et ils en ont à revendre.

L’un et l’autre sont veufs. Après un demi-siècle de mariage pour lui, quarante-six ans pour elle. Gabriel avait 71 ans quand sa femme est partie. « J’ai perdu mon épouse brutalemen­t. Presque du jour au lendemain. » Voulant « absolument » éviter de se laisser anéantir par le malheur, il a contacté l’agence Fidelio de Cannes, qui l’a écouté sans juger. Deux mois s’étaient écoulés depuis le décès. « C’est mon tempéramen­t ; je voulais rebondir le plus vite possible pour ne pas m’enfermer dans le désespoir. » Compte tenu de son âge, seule « une volonté farouche » pouvait lui permettre de s’en sortir. Sa démarche est d’abord restée confidenti­elle. Aujourd’hui, ses enfants connaissen­t bien sûr son histoire, mais ils ignorent tout de la façon dont ce Gabriel a rencontré sa Gabrielle.

« Proposer des profils compatible­s »

Sur le principe, le fonctionne­ment de l’agence était limpide : « Proposer des profils compatible­s ». Sa demande était précise. « Je ne cherchais pas du tout l’aventure, je voulais construire une nouvelle étape de vie. Avec quelqu’un de très sérieux, qui partage mes objectifs et dont le mode de vie soit similaire au mien. Qu’il s’agisse des goûts, des activités sportives ou du niveau social. » Des « profils compatible­s », il y en avait beaucoup. «On m’en a présenté peut-être une quinzaine. » Gabriel n’a pas eu le temps de connaître toutes ces dames, dans la mesure où la certitude d’avoir trouvé la bonne personne a mis un terme à ses recherches. «Je n’ai pas essayé de poursuivre trente-six relations simultaném­ent », dit-il. Pour lui, Gabrielle était une évidence : « C’est difficile à expliquer, mais tout est allé très vite. En l’espace de quinze jours. »

Ils vivent ensemble depuis trois ans. Se seraient même mariés si des impératifs fiscaux ne les en avaient dissuadés. La cohabitati­on allait de soi : « Dans la mesure où nous avions la même volonté de construire quelque chose de nouveau, ce n’était pas très difficile. Et puis, il y a aussi l’amour qui est là », ajoute Gabriel. Que vit-on exactement, à plus de soixante-dix ans ? « C’est la même chose. On peut être aussi amoureux qu’à vingt ans. Même physiqueme­nt. »

« Nous parlons du passé »

Des sentiments qui, pour autant, n’effacent pas les précédents. « Ce qui est remarquabl­e, c’est qu’avec ma nouvelle compagne, nous parlons aussi de nos histoires d’avant. » Aucun des deux n’a demandé à l’autre de renier son passé. Les amis, passé un moment de surprise, ont « parfaiteme­nt compris » et même « adhéré ». Du côté de sa compagne aussi. A qui l’on demande à parler… « Trésor

? », lance Gabriel depuis son bureau. « Trésor » prend le combiné et acquiesce : « Oui, autour de nous, tout le monde a très bien accepté. » « Nous avons perdu nos conjoints dans les mêmes circonstan­ces et avons voulu refaire notre vie rapidement », reprend Gabrielle qui n’a éprouvé aucune gêne à pousser la porte d’une agence matrimonia­le. Après avoir rencontré « quelques » messieurs, elle a tout de suite senti que cela pourrait fonctionne­r. Avec le recul, tout va bien. « On ne regrette rien. Nous avions eu tous deux une vie de couple harmonieus­e. Sans imaginer que le drame pouvait arriver. Et quand c’est arrivé, on s’est dit qu’il était impossible que tout s’arrête comme ça. »

« Mon mari – je l’appelle mon mari – a été plus surpris que moi de constater que l’on peut encore tomber amoureux à notre âge », s’amuse Gabrielle. « Moi, non. Je trouvais ça naturel. »

« On est un vrai couple. Comme on avait l’habitude de l’être dans notre vie d’avant. Rien n’a changé, même si c’est en même temps très différent. La jeunesse en moins. Mais le bonheur total. Sinon, on se séparerait. »

‘‘ On peut être aussi amoureux qu’à vingt ans. Même physiqueme­nt.”

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