Nice-Matin (Cannes)

Parfumeurs de Grasse : effluves de reprise ?

Les maisons historique­s de parfum, fleurons touristiqu­es du patrimoine local, sont très inquiètes pour la saison d’été. Deux sur trois ont rouvert leurs boutiques. Pas les usines-musées

- GAËLLE ARAMA garama@nicematin.fr

Comment sentir la délicatess­e d’une fragrance, visiter une usine à parfums ou confection­ner son propre jus, un masque sur le nez ? Un paradoxe auquel sont confrontée­s les grandes maisons de parfums grassoises. Ces fleurons touristiqu­es du patrimoine local n’ont pas toutes la même stratégie de déconfinem­ent. Mais toutes sont des entreprise­s qui souffrent.

Galimard : « gros choc »

Hier, Galimard, créé en 1747, a rouvert ses boutiques de Grasse et d’Èze mais n’a accueilli qu’une poignée de clients. Employées masquées, accès limité, gel hydroalcoo­lique. En revanche, l’usine-musée reste fermée au public. « Pendant le confinemen­t, la production a continué en effectif réduit car on a fait un peu de vente en ligne », indique Stéphane Roux, directeur adjoint de cette maison familiale. La crise est subie de plein fouet. « C’est un gros choc car nous fonctionno­ns beaucoup avec la clientèle étrangère. Certaines agences de tourisme ont fait un trait sur 2020. On va miser sur le tourisme local. Difficile de se projeter mais cela va être assez difficile. » Certains projets, comme l’ouverture d’une nouvelle boutique au coeur du centre-ville de Grasse, ont dû être reportés à juillet. Si la pérennité n’est pas en péril, le chef d’entreprise, qui gère 70 employés, milite pour que «le chômage partiel soit maintenu jusqu’à l’année prochaine pour les entreprise­s de tourisme. On va essayer d’éviter de se séparer de certains salariés ».

Fragonard : production encore à l’arrêt

Chez Fragonard, c’est la première fois, depuis sa création en 1926, que les lignes de fabricatio­n sont à l’arrêt. « La production n’a pas repris car nous avons du stock pour fournir nos boutiques qui ont toutes rouvert », déclare Agnès Webster Costa, présidente du conseil d’administra­tion de la parfumerie grassoise. Soit une vingtaine de points de vente à Grasse, Nice, Cannes, Marseille, Paris ou Milan qui ont adopté les mesures sanitaires idoines. En revanche, les exposition­s estivales prévues au musée Fragonard sont reportées en 2021 et 2022. Économique­ment, l’inquiétude prédomine : « 50 % de notre chiffre d’affaires vient des touristes étrangers. On va mettre toutes nos forces à sauver notre entreprise. »

La carte à jouer ? Le made in France, l’éthique écologique et sociale. Un engagement qui s’est concrétisé durant le confinemen­t. Outre son stock d’alcool, Fragonard a offert 29 000 produits – crèmes pour les mains – aux soignants des hôpitaux de Paris et de Cannes, dont 13 000 savons et gels douche au Secours populaire. « On reverse aussi 10 % des ventes en ligne d’avril et de juin à l’Assistance publique et Hôpitaux de Paris. C’est normal pour nous de participer à l’effort national », estime Agnès Webster Costa.

Molinard joue la prudence

Une solidarité qui a aussi été le choix de Molinard, fondé en 1849, qui a donné ses réserves d’alcool et offert savons et crèmes aux soignants. Mais l’entreprise d’une quarantain­e de collaborat­eurs n’a pas rouvert ses boutiques de Grasse, Nice et Paris. « Je préfère jouer la prudence » annonce Célia Lerouge-Bénard, 5e génération de dirigeant. Cela coûte plus cher d’ouvrir que de rester fermer. On s’attend au pire pour cet été. Observons ce qu’il se passe. On ouvrira quand on sera prêts. »

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Chez Galimard (à gauche) comme chez Fragonard (à droite), les boutiques ouvertes depuis hier, ont accueilli leurs premiers mais rares clients. (Photos Gaëlle Arama)
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