Charlotte Bonnet : « Qu’on fasse confiance aux sportifs »
Chaque jour, un sportif de la région nous a raconté son quotidien dans cette période de confinement. Désormais déconfiné, chacun nous livrera un ultime témoignage. Aujourd’hui, la nageuse de l’Olympic Nice Natation, Charlotte Bonnet.
« C’est appréciable de ne plus avoir besoin d’attestation de sortie dérogatoire pour prouver qu’on va faire ses courses.
Il m’arrivait parfois de l’oublier. Malgré le déconfinement, je n’ai pas envie de parler de libération. Il faut y aller tranquille et j’espère que tout le monde ne va pas se ruer dans les centres commerciaux ou les magasins. Nous sommes déconfinés parce que ça devenait compliqué sur le plan économique, mais le virus est toujours là. J’espère qu’on ne nous dira pas : ‘‘Ça s’est mal passé, on vous reconfine.’’ Je m’attends à tout donc je ne crie pas victoire trop vite. Lundi, j’ai vu les images dans le métro parisien. Ça m’a un peu inquiétée. Je comprends que certains soient pressés ou reprennent le boulot, mais quand tu es collé serré avec quelqu’un, c’est le meilleur moyen de tout foutre en l’air et voir la courbe des malades remonter de façon exponentielle. Je ne trouve pas ça très intelligent. Ils n’ont peut-être pas le choix mais je pense qu’ils pourraient faire autrement. Je suis peut-être pessimiste en disant ça, mais on n’est pas à l’abri d’une deuxième vague.
J’ai milité dès dimanche sur les réseaux sociaux pour sensibiliser les gens à porter un masque quand ils sortent. J’ai récupéré le mien vendredi, parmi ceux distribués par la Ville. Je n’en avais pas jusque-là. Je faisais les courses très prudemment avec un petit foulard. C’était ridicule, je n’étais pas protégée, mais c’était surtout pour ma conscience. J’ai fait des courses lundi et j’ai vu que globalement tout le monde en portait, à l’exception de cinq-six personnes.
Le décret voté lundi qui permet aux sportifs de haut niveau de reprendre l’entraînement dans des établissements couverts ? On est sur le bon chemin mais je ne comprends pas qu’on ait attendu deux semaines (après la présentation du plan de déconfinement par le Premier ministre Edouard Philippe, NDLR) pour dire aux sportifs ‘‘Allez-y’’. Qu’on nous fasse confiance. On est capables de respecter les règles. Pendant deux mois, on a été exemplaires. Je n’en ai pas vu un seul faire n’importe quoi. Pour reprendre, il va falloir encore attendre l’accord du maire.
On va également passer des tests physiques, un électrocardiogramme. J’espère que ça se fera vite et qu’on pourra reprendre sans emmerder personne d’ici - jours. On serait encore confinés, j’aurais fermé ma bouche. Là, on n’en peut plus. Le président de la Fédération (Gilles Sezionale) et notre DTN (Julien Issoulié) ont bien fait bouger les choses.
J’avais été très énervée par les propos tenus par Roxana Maracineanu il y a quelques semaines. Je n’ai pas envie de faire de polémique mais une ministre des Sports qui explique « que le sport ne sera pas prioritaire lors du déconfinement », c’est un problème. Ces derniers jours, j’ai trouvé aberrant qu’on laisse des gens prendre le métro et se monter dessus, quand les sportifs de haut niveau n’étaient toujours pas autorisés à reprendre leur métier, n’étaient pas une priorité. Nager, c’est mon gagne-pain. Au bout d’un moment, il fallait arrêter avec ce discours. Je me suis longtemps cachée mais je n’ai pas peur aujourd’hui de dire que son comportement m’a déçue comme pour beaucoup de sportifs. Et encore plus quand on sait que c’est une ancienne nageuse… Elle s’est excusée dès le lendemain sur les réseaux sociaux et c’est là que son discours ne tient pas. Elle était perdue. Elle est ministre et je comprends qu’elle ne doit pas dépasser un certain cadre, mais elle aurait pu s’imposer davantage. Tu dois défendre tes valeurs, celles d’une ancienne sportive.