L’Italie s’éloigne toujours un peu plus de l’Europe
« L’Europe est-elle en train de perdre l’Italie ? » s’interrogeait le Financial Times en avril. La crise accentue le fossé entre les membres de l’Union européenne. Notamment en terme de solidarité
Dans un sondage publié début mai par l’institut Demos, 68 % des Italiens plébiscitaient l’action de leur gouvernement dans la gestion de la crise du coronavirus. Ils n’étaient en revanche que 34 %, soit la moitié, à approuver le comportement de l’Union Européenne. Un constat pas vraiment surprenant. Les Italiens seraient désormais 67 % à penser qu’appartenir à l’Union européenne est un désavantage contre 47 % à la même date en 2018, selon un sondage de l’institut Tecné. Partout, donc, le constat est unanime : la crise du Covid-19 a mis à mal une relation déjà tendue entre la Péninsule et l’Union Européenne. Même le président de la République italien, le très mesuré Sergio Mattarella, a commenté : « J’espère que tout le monde comprend la gravité de la menace pour l’Europe, avant que cela ne soit trop tard. » Alors que l’Italie reprend lentement son activité économique, mise à mal par presque deux mois d’arrêt, la réponse européenne peine à satisfaire les autorités italiennes.
« Je n’accepterai pas de compromis au rabais »
Partisan de la création de Coronabonds, obligations permettant un emprunt européen commun pour lutter contre les conséquences de la crise économique, le président du conseil italien Giuseppe Conte se heurte au refus sur ce point de l’Allemagne et des Pays-Bas, deux pays avec lesquels les dissensions économiques ont toujours été vives, l’Italie étant souvent présentée comme un mauvais élève en la matière.
Le déblocage de 540 milliards d’euros d’aide financière, parmi lesquels 240 milliards dans le cadre du MES (Mécanisme européen de stabilité) n’a pas rassuré la Péninsule. Destiné à aider les états dans la gestion de la crise sanitaire et à faire face aux dépenses exceptionnelles liées à la crise du coronavirus, le MES est un outil qui avait déjà été utilisé dans le cadre de la crise de la dette de la zone euro. A l’époque, son recours s’était accompagné de mesures d’austérité très contraignantes.
Or, l’image d’une Grèce aux abois lors de la crise de 2008 a profondément marqué les Italiens.
La présidente de la Commission européenne présente ses excuses
« Je n’accepterai pas de compromis au rabais : soit nous gagnons tous, soit nous perdons tous ensemble au sein de l’UE » ,acommenté Giuseppe Conte devant les sénateurs italiens alors que le directeur général du mécanisme européen de stabilité, l’économiste allemand Klaus Regling assurait que le recours aux fonds du MES ne serait assorti d’aucune mesure contraignante.
« Nombreux sont ceux qui ont l’impression qu’on punit leur pays pour une situation sur laquelle ils n’avaient aucun contrôle », commentait le quotidien Il Giornale. « Depuis longtemps, écrit le professeur de sciences politiques Ilvo Diamanti dans les colonnes de La Repubblica, les Italiens sont Européens “malgré”. C’est à dire, malgré le fait qu’ils ne se fient plus vraiment de l’Union Européenne ». L’Europe de l’Euro, analyse le professeur, n’est plus seulement une source de revenus mais également une source de coûts croissants.
Ainsi, la phrase « Ce lo chiede l’Europa » (C’est l’Europe qui nous le demande) est devenue un leitmotiv ces huit dernières années pour justifier les mesures impopulaires destinées à permettre à l’Italie de respecter le Pacte de stabilité, une série de critères financiers que chaque pays s’engage à respecter vis-àvis de ses partenaires, parmi lesquels, un déficit budgétaire inférieur à 3 % du PIB. Des tensions, en cette période de crise sanitaire, qui n’ont échappé à personne. Même les ministres des affaires étrangères et des finances allemands ont fait leur mea culpa dans un éditorial publié par le quotidien La Stampa : «La réponse européenne n’a pas été convaincante dans un premier temps ». Et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a présenté officiellement ses excuses. Il n’empêche. La confiance des Italiens en l’Union européenne s’érode chaque jour un peu plus. Dans une grande étude lancée par le Cise (Centre italien d’études électorales) l’année dernière, il ressort que si les Italiens se sentent encore « européistes », ils ont tendance à se montrer de plus en plus critiques envers les politiques européennes. Ces critiques, peut-on lire dans l’étude, expriment un malaise notamment au regard du manque de solidarité concernant la politique économique et migratoire de l’UE. Un sentiment que la crise du Covid-19 n’aura pas manqué d’exacerber