Produits anesthésiques : le cri d’alarme des hôpitaux
Face à la pénurie, un collectif de représentants des médecins azuréens appelle à stopper la réquisition de ces médicaments très utilisés, essentiels à la reprise de l’activité hors Covid
On se dirige tout droit vers une nouvelle crise sanitaire, faute de solution à la pénurie de produits anesthésiques. C’est le message d’alerte qu’un collectif de treize médecins représentants d’établissements publics et privés du 06 a adressé hier à
(1) la direction générale de l’ARS-Paca. Un message qui fait suite à la « réquisition » fin avril par l’État de ces produits, très utilisés en réanimation, et sur lesquels pèseraient des menaces de rupture de stock. Il y a une semaine, le Pr Jérôme Salomon enfonçait le clou, avec ces propos très alarmistes. « Il est probable que les tensions d’approvisionnement dureront plusieurs mois, audelà de la fin prévisible de la crise sanitaire française, en raison d’un niveau de demande qui risque d’être durablement élevé au regard de la cinétique épidémiologique mondiale. »
« Cela ne pourra pas durer »
À l’initiative du Collectif, le Dr Jérôme Barrière, président de la CME de la polyclinique cagnoise Saint-Jean, alertait déjà il y a trois semaines sur les effets potentiellement désastreux de ce rationnement pour la reprise d’activité hors Covid dans les hôpitaux (nos éditions du 24 avril). Il est aujourd’hui rejoint par la quasi-totalité des représentants des hôpitaux publics et privés azuréens. Dans le courrier qu’ils ont adressé à l’ARS-Paca, ils ne cachent pas leur « extrême inquiétude face à une probable seconde crise sanitaire, faute de livraison de cinq produits d’anesthésie essentiels (midazolam, propofol, atracurium, cisatracurium, rocuronium, Ndlr) ».
Au compte-gouttes
Ces médicaments, pour lesquels il n’existerait pas toujours des alternatives, seraient actuellement délivrés au compte-gouttes et parfois aux seuls établissements dotés d’une réanimation. Le collectif cite ainsi l’exemple édifiant du propofol, un médicament essentiel à la réalisation des actes d’endoscopie :
« Aucun établissement du département ne semble avoir été livré, depuis quinze jours ! » Tout aussi problématique, l’absence de livraison en midazolam, un médicament entrant dans le protocole de sédation profonde et continue. « Rapidement, nous ne pourrons plus assurer des prises en charge de fin de vie dans des conditions de confort optimal. » Quant aux curares, eux aussi en tension, ils sont tout simplement indispensables pour les chirurgies abdominales. « Tout ça complique grandement la reprise progressive des soins. Certes, sur le terrain nous nous adaptons, en favorisant systématiquement des produits anesthésiques alternatifs aux molécules en situation de réquisition. Mais cela ne pourra pas durer, au risque d’impacter la reprise progressive des activités indispensables pour éviter une deuxième crise sanitaire non Covid », alertent les représentants des médecins hospitaliers.
Des zones d’ombre
Si ces professionnels sont aussi en colère, c’est parce qu’ils ont également le sentiment qu’on leur dissimule des éléments de ce dossier sensible. « Nous sommes surpris de ne voir aucune information délivrée par la DGOS (Direction générale de l’organisation des soins, Ndlr) sur les stocks disponibles, les chaînes d’approvisionnement et la durée de la réquisition ». Le Collectif se dit en outre étonné qu’en dépit de l’urgence sanitaire que constituerait une pénurie, le gouvernement n’appelle pas à une mobilisation des
Entreprises du Médicament en France (LEEM). D’autant que, selon ses sources, certains laboratoires se tiennent prêts à augmenter leur production : « Des chaînes d’approvisionnement existeraient ; à titre d’exemple, le laboratoire MSD possède une usine aux Pays-Bas qui produit des curares. » Et les médecins concluent par ces mots lourds de sous-entendus. « Nous avons enfin été capables de construire en un temps record 11 000 respirateurs ainsi que des centaines de millions de masques désormais disponibles en grande surface. Nous espérons que la reprise d’une activité sanitaire normale est également la priorité de l’État. » 1. Le Collectif réunit les présidents de CME du Pôle Santé Saint-Jean à Cagnes-sur-Mer, de la clinique Oxford à Cannes, du Centre hospitalier de Menton, de la clinique du Parc Impérial et du Centre AntoineLacassagne à Nice, du Centre hospitalier de Grasse, de l’institut Arnault- Tzanck à Saint-Laurent-du-Var, de la clinique Santa Maria à Nice, du Centre hospitalier de Cannes, du Centre hospitalier d’Antibes, de la clinique Saint-George à Nice et de l’hôpital privé Arnault- Tzanck à Mougins.