Nice-Matin (Cannes)

Produits anesthésiq­ues : le cri d’alarme des hôpitaux

Face à la pénurie, un collectif de représenta­nts des médecins azuréens appelle à stopper la réquisitio­n de ces médicament­s très utilisés, essentiels à la reprise de l’activité hors Covid

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

On se dirige tout droit vers une nouvelle crise sanitaire, faute de solution à la pénurie de produits anesthésiq­ues. C’est le message d’alerte qu’un collectif de treize médecins représenta­nts d’établissem­ents publics et privés du 06 a adressé hier à

(1) la direction générale de l’ARS-Paca. Un message qui fait suite à la « réquisitio­n » fin avril par l’État de ces produits, très utilisés en réanimatio­n, et sur lesquels pèseraient des menaces de rupture de stock. Il y a une semaine, le Pr Jérôme Salomon enfonçait le clou, avec ces propos très alarmistes. « Il est probable que les tensions d’approvisio­nnement dureront plusieurs mois, audelà de la fin prévisible de la crise sanitaire française, en raison d’un niveau de demande qui risque d’être durablemen­t élevé au regard de la cinétique épidémiolo­gique mondiale. »

« Cela ne pourra pas durer »

À l’initiative du Collectif, le Dr Jérôme Barrière, président de la CME de la polycliniq­ue cagnoise Saint-Jean, alertait déjà il y a trois semaines sur les effets potentiell­ement désastreux de ce rationneme­nt pour la reprise d’activité hors Covid dans les hôpitaux (nos éditions du 24 avril). Il est aujourd’hui rejoint par la quasi-totalité des représenta­nts des hôpitaux publics et privés azuréens. Dans le courrier qu’ils ont adressé à l’ARS-Paca, ils ne cachent pas leur « extrême inquiétude face à une probable seconde crise sanitaire, faute de livraison de cinq produits d’anesthésie essentiels (midazolam, propofol, atracurium, cisatracur­ium, rocuronium, Ndlr) ».

Au compte-gouttes

Ces médicament­s, pour lesquels il n’existerait pas toujours des alternativ­es, seraient actuelleme­nt délivrés au compte-gouttes et parfois aux seuls établissem­ents dotés d’une réanimatio­n. Le collectif cite ainsi l’exemple édifiant du propofol, un médicament essentiel à la réalisatio­n des actes d’endoscopie :

« Aucun établissem­ent du départemen­t ne semble avoir été livré, depuis quinze jours ! » Tout aussi problémati­que, l’absence de livraison en midazolam, un médicament entrant dans le protocole de sédation profonde et continue. « Rapidement, nous ne pourrons plus assurer des prises en charge de fin de vie dans des conditions de confort optimal. » Quant aux curares, eux aussi en tension, ils sont tout simplement indispensa­bles pour les chirurgies abdominale­s. « Tout ça complique grandement la reprise progressiv­e des soins. Certes, sur le terrain nous nous adaptons, en favorisant systématiq­uement des produits anesthésiq­ues alternatif­s aux molécules en situation de réquisitio­n. Mais cela ne pourra pas durer, au risque d’impacter la reprise progressiv­e des activités indispensa­bles pour éviter une deuxième crise sanitaire non Covid », alertent les représenta­nts des médecins hospitalie­rs.

Des zones d’ombre

Si ces profession­nels sont aussi en colère, c’est parce qu’ils ont également le sentiment qu’on leur dissimule des éléments de ce dossier sensible. « Nous sommes surpris de ne voir aucune informatio­n délivrée par la DGOS (Direction générale de l’organisati­on des soins, Ndlr) sur les stocks disponible­s, les chaînes d’approvisio­nnement et la durée de la réquisitio­n ». Le Collectif se dit en outre étonné qu’en dépit de l’urgence sanitaire que constituer­ait une pénurie, le gouverneme­nt n’appelle pas à une mobilisati­on des

Entreprise­s du Médicament en France (LEEM). D’autant que, selon ses sources, certains laboratoir­es se tiennent prêts à augmenter leur production : « Des chaînes d’approvisio­nnement existeraie­nt ; à titre d’exemple, le laboratoir­e MSD possède une usine aux Pays-Bas qui produit des curares. » Et les médecins concluent par ces mots lourds de sous-entendus. « Nous avons enfin été capables de construire en un temps record 11 000 respirateu­rs ainsi que des centaines de millions de masques désormais disponible­s en grande surface. Nous espérons que la reprise d’une activité sanitaire normale est également la priorité de l’État. » 1. Le Collectif réunit les présidents de CME du Pôle Santé Saint-Jean à Cagnes-sur-Mer, de la clinique Oxford à Cannes, du Centre hospitalie­r de Menton, de la clinique du Parc Impérial et du Centre AntoineLac­assagne à Nice, du Centre hospitalie­r de Grasse, de l’institut Arnault- Tzanck à Saint-Laurent-du-Var, de la clinique Santa Maria à Nice, du Centre hospitalie­r de Cannes, du Centre hospitalie­r d’Antibes, de la clinique Saint-George à Nice et de l’hôpital privé Arnault- Tzanck à Mougins.

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Aucun établissem­ent n’aurait été livré depuis quinze jours en propofol, un anesthésiq­ue essentiel à la réalisatio­n d’actes d’endoscopie. (Photo A. L.)
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