« Si les centres commerciaux ouvrent, pourquoi pas nous ? »
Estimant que les restaurateurs sont les laissés pour compte du déconfinement, un couple d’exploitants de crie à « l’injustice » et écrit au Premier ministre
C’est une injustice ! » Sophie et Nicolas ne voient pas d’autres mots pour exprimer ce qu’ils ressentent. Ce couple de restaurateurs possède, depuis un an, un restaurant labellisé cuisine niçoise, La passion des mets, dans le centre de Saint-Laurent-duVar. Comme tous leurs confrères, ils ont dû fermer le 15 mars à cause de la crise sanitaire. Récemment, ils ont vu « tout le monde rouvrir, sauf [eux] » : « Les restaurateurs ont vraiment l’impression d’être les laissés pour compte du déconfinement », partage Sophie. Quand le couple laurentin a appris que le centre commercial Cap 3 000 avait de nouveau le droit d’accueillir du public, il a donc décidé d’écrire au premier ministre, Edouard Philippe.
« C’est illogique ! »
« Cap 3 000 a une capacité d’accueil de plus de 40 000 m2. Comment peut-on tolérer que les centres commerciaux puissent générer une énorme affluence de personnes et nous interdire d’accueillir une vingtaine de clients dans notre restaurant ? », interrogent Sophie et Nicolas dans leur missive.
Pour appuyer leur argumentaire, ils prennent d’autres exemples : « Les coiffeurs et les esthéticiennes, entre autres, qui peuvent toucher leurs clients. »
« C’est illogique ! », commente en aparté Sophie. Les deux professionnels ne souhaitent « pas passer pour des râleurs », mais ils veulent « alerter ». « Les restaurateurs sont dans une situation économique catastrophique ! Nous, nous avons déjà perdu 50 % de notre chiffre d’affaires. La vente à emporter ne nous sauvera pas, on va mettre la clé sous la porte, on va tout perdre », confie Sophie, la gorge serrée. Elle se reprend aussitôt, remontée : « On est tous dans la merde, alors soit on ouvre tous, soit tout le monde ferme. Mais si Cap 3 000 peut accueillir du public en appliquant les gestes barrières sur une si grande surface, je ne vois pourquoi un petit restaurateur ne le pourrait pas ! D’autant plus qu’on sait travailler dans une hygiène exemplaire. »
Des règles d’hygiène trop strictes ?
Cet argument, de nombreux restaurateurs laurentins (et de partout) le mettent en avant. Christophe est propriétaire du restaurant italien San Lorenzo. Il soutient « à mille pour cent » , la démarche de ses confrères, Sophie et Nicolas : « Tous les restaurateurs laurentins ont vécu la réouverture de Cap 3 000 comme une injustice. Dans notre métier, on nous a toujours imposé des conditions d’hygiène très strictes. Nous saurions être irréprochables si on nous laissait faire. »
Au Bistro Quai, sur le port, Franck appréhende la suite des évènements : «J’aiété surpris que le centre commercial puisse ouvrir mais ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus. Ce que je redoute, ce sont les conditions qu’on nous imposera à nous. Si elles sont trop drastiques, nous risquons de rester improductifs. » Une peur partagée : «Sion nous ampute de la moitié de nos tables, nous ne nous en sortirons pas », tranche Christophe.
« Un mètre de distance, du plexiglas sur les tables, ça nous paraît difficilement réalisable », modère Sophie. Mais dans un premier temps, de son côté, elle réclame : « Qu’on nous laisse déjà rouvrir ! »