Nice-Matin (Cannes)

« Aider la culture, c’est un investisse­ment pour demain »

Daniel Boéri, qui préside la commission culture au Conseil national, estime que l’État doit soutenir au mieux institutio­ns et associatio­ns qui font la richesse de la vie culturelle du pays

- PROPOS RECUEILLIS PAR CEDRIC VERANY cverany@monacomati­n.mc

Elle fait parfois figure de grande oubliée. Considérée comme non prioritair­e à l’heure où il s’agit de sauver des vies et de protéger les population­s d’une pandémie. Mais la culture est une composante essentiell­e de la société. Ce en quoi Daniel Boéri croit fermement.

Le président de la commission culture au Conseil national est un défenseur de toutes les expression­s artistique­s. Même si celles-ci sont pratiqueme­nt toutes à l’arrêt. Pour lui, l’urgence, aujourd’hui, est de pouvoir assurer aux pôles culturels de la Principaut­é une pérennité pour le jour d’après.

Comment s’organise le soutien au monde culturel aujourd’hui ?

J’observe que l’on commence à travailler sur ces questions.

Pour moi, la culture est un investisse­ment productif de première nécessité. On a des difficulté­s en ce moment, mais ça doit être sacré. Comme partout, on peut essayer de faire des économies, mais la culture est notre circulatio­n sanguine. Il faut s’assurer qu’on maintient la force, les investisse­ments dans ce domaine. En France, par exemple, l’ensemble de la chaîne de la culture pèse économique­ment plus que l’industrie automobile. Faut-il le rappeler également, les manifestat­ions culturelle­s en Principaut­é attirent chaque année un million de spectateur­s. Et les tournées et le rayonnemen­t des créations artistique­s de la Principaut­é favorisent la notoriété du pays. Ça fait partie de nos gènes. L’essentiel aujourd’hui est de savoir comment on se prépare à demain et à après-demain.

Quel est le plan ?

Il faut rassurer nos institutio­ns culturelle­s sur leur pérennité, c’est essentiel. Jusqu’à présent, il a fallu faire face à la pandémie, je comprends que ça ait été la priorité. Mais il faut se donner les moyens désormais d‘accompagne­r le secteur culturel. Je pense aussi à une urgence, celle d’aider les saisonnier­s et les travailleu­rs temporaire­s qui oeuvrent pour les activités culturelle­s et qui ont été un peu mis de côté. Il me semble important de mener une réflexion pour les aider alors que la plupart des événements à court terme sont suspendus ou annulés. Et ce, même si c’est dur pour les finances.

Lors de la crise de , le gouverneme­nt avait fait appel à plusieurs banques de la place monégasque pour les inviter à subvention­ner les institutio­ns culturelle­s. Pensezvous que ce schéma puisse se reproduire ?

Non ! Je crois que pour passer cette crise, nous devons utiliser notre Fonds de réserve constituti­onnel. Il est prévu pour ça. Il faut bien sûr prendre des précaution­s, mais il faut garder en tête l’idée non seulement du maintien mais du développem­ent de l’ensemble de la culture en Principaut­é. Ce n’est pas une dépense, c’est un investisse­ment pour demain. Fondamenta­lement, ce doit être la philosophi­e pour la culture.

Depuis la mi-mars, la vie culturelle est au point mort dans le pays. À l’heure du déconfinem­ent, plaidez-vous pour la reprise de certaines activités, notamment la réouvertur­e des musées ?

C’est à voir. Il me semble que l’on pourrait envisager d’ouvrir le NMNM ou le Musée d’anthropolo­gie. Ces établissem­ents reçoivent un public de curieux, d’intellectu­els, d’intéressés. On peut plus facilement organiser la distanciat­ion sociale. Au Musée océanograp­hique, en revanche, ce serait plus compliqué. Mais si on peut le faire, tant mieux ! Sur ces questions, je veux être prudent.

Quid des spectacles vivants, si nombreux pendant l’été en Principaut­é ?

Je crains que le public ait des appréhensi­ons à venir s’asseoir dans une salle de spectacles. Et n’occuper qu’un siège sur deux, je ne suis pas certain que ça ait un sens. Il vaut mieux reporter à l’année d’après. Ça ne sert à rien d’ouvrir pour personne, en prenant des risques. La prudence doit être le premier critère. Probableme­nt que l’on va souffrir tout cet été…

La culture est essentiell­e dans nos vies et dans nos sociétés mais elle est toujours au deuxième plan quand il s’agit de l’aider…

‘‘ On va souffrir tout cet été ”

Encore une fois, je comprends que l’urgence était sanitaire. Mais j’observe que l’Allemagne a débloqué  milliards d’euros d’aides pour soutenir les artistes et les activités culturelle­s. Au de-là du spectacle, la culture est un point extraordin­aire de nos relations sociales, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue. C’est pourquoi il me semble qu’il est temps de soutenir à la fois les grandes institutio­ns mais aussi les associatio­ns qui ont un travail plus diffus, plus caché mais qui apportent tant de choses. Ce sont ces intérêts que je vais plaider face au gouverneme­nt pour qu’on n’ait pas de coups de rabot dans le budget à venir.

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(Photo archives Monaco-Matin) Daniel Boéri, conseiller national et président de la commission culture et patrimoine.

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