Nice-Matin (Cannes)

Twin Peaks, la série qui a tout changé

Diffusée pour la première fois en 1990, la série phénomène de David Lynch a révolution­né de A à Z la production télévisée

- MATHIEU FAURE

Attention, mythe en approche. Série révolution­naire, parfois envoûtante et difficile d’accès, Twin Peaks aura marqué la production télévisée comme jamais. En jargon juridique, on appelle ça une jurisprude­nce.

Fin des années 1980, ABC connaît une érosion de son audience et souhaite inverser la courbe. C’est alors que les dirigeants de la chaîne rencontren­t David Lynch et Mark Frost. Le duo débarque avec un concept de série, celui d’un agent du FBI qui se retrouve dans une ville imaginaire du Nord-Ouest à la frontière du Canada pour enquêter sur un meurtre, celui de Laura Palmer. Lynch et Frost n’ont qu’une demande : une liberté totale et absolue. En gros, que la cinéma. La narration est ambitieuse avec un nombre récurrents de personnage­s principaux qui sont tous, plus ou moins, reliés les uns aux autres. Une technique subtile et innovante en 1990 que l’on reverra par la suite dans Lost. Lynch, c’est aussi un regard. Un style. Alors il se permet des choses jusqu’ici inédites à la télévision Pour la suite, Lynch est moins : images léchées, bande-son heureux car il résout l’intrigue rapidement travaillée puisqu’après avoir signé mais, surtout, il doit la bande originale de Blue Velvet faire face aux audiences monstrueus­es... Angelo Badalament­i retrouve le du journal télévisé qui réalisateu­r pour composer les thèmes est en pleine guerre du Golfe. musicaux envoûtants de la Même si la série série, scénario à tiroirs. termine dans Le choc est à l’anonymat le plus la fois visuel et culturel. total avant de connaître Le téléspecta­teur une surprenant­e est sorti de troisième sa zone de confort. saison en 2017, son arrivée sur les L’unité de lieu n’empêche pas de écrans au début des années 1990 mettre en scène des décors somptueux a tout renversé sur son passage. : la chambre rouge, la porte David Lynch, le réalisateu­r américain secrète de Catherine Packard, la d’Elephant Man, Dune et Blue loge noire, sans oublier les bois Velvet, débarque à la télévision qui entourent la ville de Twin “avec ses codes et son oeil issu du Peaks. Fils d’un ingénieur des eaux Twin Peaks, trois saisons, disponible sur MyCanal. Déconfinés déchaînés sur le site de la ville (cannes.com). Pour , euros, vous pourrez voir des comédies, des films cultes mais aussi des avant-premières de Et ouiiiiiiii­ii, c’est reparti ! Merci qui ? Merci la Buli ! La Bundesliga, le championna­t longs-métrages qui sortiront dans quelques mois. de football de première division chez nos voisins allemands, a recommencé hier. Voici le programme : Plus de deux mois sans ballon rond à la télé : le bon temps des reprises de volée et

Le  mai : E. T. de Steven Spielberg. Le  mai : autres contrôles orientés paraissait si loin... De mon côté, j’avais tout prévu. Exit l’idée L’Appel de la forêt de Chis Sanders. Le  mai : de la classique soirée pizzas-bières entre potes pour deux raisons : la première étant

La Daronne de Jean-Paul Salomé, comédie en que je bossais et la deuxième que le match opposant le Borussia Dortmund avant-première (avec Isabelle Huppert). Le  mai : et Schalke , dans l’ouest de l’Allemagne, démarrait à...  h . Et puisqu’à

Le voyage du Dr Dolittle de Stephen Gaghan. l’impossible nul n’est tenu, j’ai pu regarder la première mi-temps dans mon salon

Le  mai : The Singing Club de Peter Cattaneo, en décalant de deux bonnes heures ma pause déjeuner. Ah, les joies du télétravai­l ! comédie en avant-première (avec Kristin Scott Une parenthèse particuliè­re malgré le combo : bière de soif (derby de la Ruhr oblige) Thomas). Attention, les séances débutent à  h  et vieilles pantoufles (offertes par ma femme) aux mythiques inscriptio­ns « Foot et les places sont limitées. Seuls  véhicules de toi » avec un coeur sur chaque pied. Malgré tant d’efforts pour maintenir un peuvent être accueillis. semblant de folklore, une rencontre sans spectateur­s demeure sans saveur. V. B. chaîne n’intervienn­e sur aucun aspect du projet. Car Lynch et Frost veulent produire quelque chose d’unique. Une série qui oscille entre le polar, le fantastiqu­e, le drame et le soap, mais avec aussi une bonne dose d’humour, de mystère et d’audace. Mieux, l’idée est d’égratigner l’Amérique à une heure de grosse audience. C’est osé. Quasiment jamais-vu. Séduite par le pilote, ABC commande une première saison, celle-ci fera un carton dans la case très demandée du dimanche soir (35 millions de téléspecta­teurs) avant de migrer le jeudi soir où son audience est subitement divisée par trois. Malin, le duo Lynch et Frost a tout prévu pour revenir pour une deuxième saison, ne résoudre aucune énigme et terminer la première saison par un cliffhange­r gigantesqu­e. C’est la première fois dans l’histoire de la télévision américaine qu’une intrigue se déroule sur plusieurs épisodes. Ce qui semble naturel en 2020 était une véritable révolution en 1990.

X-Files, The Killing...

et forêts, Lynch a grandi dans le Nord-Ouest et passait son enfance dans les bois. La légende raconte qu’il mâchait la sève des pins d’Oregon dans son adolescenc­e. La série tient aussi beaucoup à Kyle MacLachlan, parfait en agent du FBI Dale Cooper et sa raie impeccable sur le côté. C’est autour de lui et de sa passion pour les tartes du RR Diner que la légende Twin Peaks va grandir. Surtout, la série peut se vanter d’avoir fait naître des vocations ici et là. Souvent moquée à l’époque, la télévision est alors devenu un formidable laboratoir­e pour les showrunner­s ambitieux. C’est ainsi que Damon Lindelof, le papa de Lost et de The Leftovers, n’a jamais caché son admiration pour l’oeuvre de Lynch. D’autres mastodonte­s du petit écran se revendique­nt également de l’héritage Twin Peaks : X-Files, Desperate Housewives, Top of the Lake, Fargo ou The Killing. Excusez du peu.

Lynch, l’oeil de lynx

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