Covid : guérison physique mais des bleus à l’âme
Le CHU de Nice a lancé une évaluation des malades 6 semaines après leur retour au domicile. Peu de séquelles physiques, mais un lourd poids psychique
Dans le cadre des téléconsultations qu’ils ont mises en place pour assurer le suivi des patients Covid-19 après la période d’hospitalisation, les infectiologues du CHU de Nice ont d’abord été alertés chez certains par un symptôme. « Une faible proportion de malades manifestait un essoufflement. On a alors jugé opportun de faire revenir tous les patients Covid qui avaient été hospitalisés pour une pneumonie, soit la plupart d’entre eux, dans un délai de 6 semaines (3 mois pour ceux qui ont séjourné en réanimation) pour une évaluation globale des séquelles, en s’appuyant sur tout ce qui a été jusqu’à présent décrit dans la littérature scientifique », explique le Dr David Chirio (lire interview page suivante). Chef de clinique en infectiologie, le médecin a porté cette démarche en partenariat avec le service de réanimation de l’Archet. Environ 25 malades ont à ce jour bénéficié de ce bilan – ils devraient être 100 au total. « L’évaluation est à la fois clinique, biologique, radiologique, fonctionnelle (capacité de souffle) et psychologique. Nous avons jusque-là été rassurés par les résultats : on a l’impression que la plupart des patients vont bien, voire très bien, alors que tous ont connu des formes de Covid suffisamment graves pour justifier une hospitalisation en unité Covid, voire en réanimation. Parmi les 25 personnes que nous avons évaluées, seules trois présentaient encore des paramètres perturbés six semaines après avoir quitté l’hôpital. » Des anomalies dont les médecins ne peuvent même pas affirmer qu’elles correspondent à des séquelles du Covid. « Lorsque l’on réalise un bilan respiratoire chez un fumeur ou une personne en surpoids, et qu’on note des difficultés à respirer, s’agit-il de séquelles du Covid ou d’un diagnostic de maladie préexistante ? »
Une difficulté à accepter que l’on est guéri
Si l’équipe hospitalière se réjouit de l’absence de séquelles physiques chez la plupart des malades graves du Covid, elle dépeint une tout autre situation concernant les séquelles psychiques. « Elles sont très fortes. Probablement en lien avec l’isolement physique que les malades ont connu pendant leur séjour à l’hôpital, privés des visites de leurs proches et avec, pour seuls contacts, des soignants entrant prudemment et masqués dans leur chambre. » Autre symptôme du malaise : la difficulté à s’installer dans le statut de « guéri ». « Même si ces personnes souffraient avant l’infection de pathologies comme une hypertension ou un diabète, elles ne se sentaient pas malades. La perte musculaire associée à l’alitement, les difficultés respiratoires, leur renvoient une image dégradée d’eux-mêmes dont ils ne se défont pas. » Des séquelles psychologiques palpables qui, à elles seules, justifient la nécessité de les revoir. « Certains vont jusqu’à se mettre en quarantaine dans leur propre foyer, sans plus quitter leur masque ou prendre dans leurs bras un proche. C’est important de leur dire en face-à-face : “Vous êtes guéri. À 4 ou 5 semaines d’évolution, vous n’êtes plus contagieux et depuis longtemps. La PCR nasopharyngée peut rester positive bien au-delà de la contagiosité, en rapport avec des fragments de virus, non infectant.” »
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