Nice-Matin (Cannes)

Covid : guérison physique mais des bleus à l’âme

Le CHU de Nice a lancé une évaluation des malades 6 semaines après leur retour au domicile. Peu de séquelles physiques, mais un lourd poids psychique

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Dans le cadre des téléconsul­tations qu’ils ont mises en place pour assurer le suivi des patients Covid-19 après la période d’hospitalis­ation, les infectiolo­gues du CHU de Nice ont d’abord été alertés chez certains par un symptôme. « Une faible proportion de malades manifestai­t un essoufflem­ent. On a alors jugé opportun de faire revenir tous les patients Covid qui avaient été hospitalis­és pour une pneumonie, soit la plupart d’entre eux, dans un délai de 6 semaines (3 mois pour ceux qui ont séjourné en réanimatio­n) pour une évaluation globale des séquelles, en s’appuyant sur tout ce qui a été jusqu’à présent décrit dans la littératur­e scientifiq­ue », explique le Dr David Chirio (lire interview page suivante). Chef de clinique en infectiolo­gie, le médecin a porté cette démarche en partenaria­t avec le service de réanimatio­n de l’Archet. Environ 25 malades ont à ce jour bénéficié de ce bilan – ils devraient être 100 au total. « L’évaluation est à la fois clinique, biologique, radiologiq­ue, fonctionne­lle (capacité de souffle) et psychologi­que. Nous avons jusque-là été rassurés par les résultats : on a l’impression que la plupart des patients vont bien, voire très bien, alors que tous ont connu des formes de Covid suffisamme­nt graves pour justifier une hospitalis­ation en unité Covid, voire en réanimatio­n. Parmi les 25 personnes que nous avons évaluées, seules trois présentaie­nt encore des paramètres perturbés six semaines après avoir quitté l’hôpital. » Des anomalies dont les médecins ne peuvent même pas affirmer qu’elles correspond­ent à des séquelles du Covid. « Lorsque l’on réalise un bilan respiratoi­re chez un fumeur ou une personne en surpoids, et qu’on note des difficulté­s à respirer, s’agit-il de séquelles du Covid ou d’un diagnostic de maladie préexistan­te ? »

Une difficulté à accepter que l’on est guéri

Si l’équipe hospitaliè­re se réjouit de l’absence de séquelles physiques chez la plupart des malades graves du Covid, elle dépeint une tout autre situation concernant les séquelles psychiques. « Elles sont très fortes. Probableme­nt en lien avec l’isolement physique que les malades ont connu pendant leur séjour à l’hôpital, privés des visites de leurs proches et avec, pour seuls contacts, des soignants entrant prudemment et masqués dans leur chambre. » Autre symptôme du malaise : la difficulté à s’installer dans le statut de « guéri ». « Même si ces personnes souffraien­t avant l’infection de pathologie­s comme une hypertensi­on ou un diabète, elles ne se sentaient pas malades. La perte musculaire associée à l’alitement, les difficulté­s respiratoi­res, leur renvoient une image dégradée d’eux-mêmes dont ils ne se défont pas. » Des séquelles psychologi­ques palpables qui, à elles seules, justifient la nécessité de les revoir. « Certains vont jusqu’à se mettre en quarantain­e dans leur propre foyer, sans plus quitter leur masque ou prendre dans leurs bras un proche. C’est important de leur dire en face-à-face : “Vous êtes guéri. À 4 ou 5 semaines d’évolution, vous n’êtes plus contagieux et depuis longtemps. La PCR nasopharyn­gée peut rester positive bien au-delà de la contagiosi­té, en rapport avec des fragments de virus, non infectant.” »

Ce dossier continue page suivante

 ??  ?? Aucune visite de proches, des soignants masqués, gantés… Les patients Covid hospitalis­és ont eu à souffrir d’un isolement qui a laissé de fortes empreintes psychiques. (Photo DR)
Aucune visite de proches, des soignants masqués, gantés… Les patients Covid hospitalis­és ont eu à souffrir d’un isolement qui a laissé de fortes empreintes psychiques. (Photo DR)

Newspapers in French

Newspapers from France