Nice-Matin (Cannes)

« S’il faut jouer à huis clos »

Hugo Lloris, capitaine de l’équipe de France et gardien de Tottenham, s’est confié depuis Londres

- VINCENT MENICHINI

L’incertitud­e plane toujours sur la reprise ou pas de la Premier League. A l’arrêt depuis plus de deux mois, Hugo Lloris n’est pas contre rejouer au football, à condition, bien sûr, que « les conditions sanitaires soient optimales ». Pour NiceMatin, le Niçois, totalement remis de sa blessure au coude (neuf matchs disputés depuis son retour à la compétitio­n le  janvier), a accepté de raconter ces semaines pas comme les autres, en compagnie de son épouse et de ses trois enfants, à Londres. S’il a apprécié ces moments de partage avec les siens, loin du tumulte des matchs tous les trois jours et de la pression que cela engendre, il lui tarde de retrouver la compétitio­n. «Ilmemanque quelque chose chaque matin, avance-t-il. J’ai encore envie de me lever pour relever des défis. Mon équilibre d’homme, c’est ça, la recherche constante de la performanc­e, l’adrénaline. »

Comment avez-vous vécu ces dernières semaines, où vous étiez confiné en famille, à Londres ?

C’est assez difficile car on est spectateur de tout ce qu’il se passe dans le monde. On a pris de plein fouet ce chaos. Cette crise sanitaire est arrivée très vite. Durant cette période, la seule chose à faire est de rester tranquille­ment confiné, de respecter les règles et d’appliquer les consignes des gouverneme­nts. En l’occurrence, pour nous, c’est celui d’Angleterre. Il a fallu rester patient.

Le confinemen­t était beaucoup moins strict au Royaume-Uni qu’en France...

Il n’y avait pas besoin d’attestatio­n. Ça misait sur la responsabi­lité des citoyens. On a pu parfois aller se balader un peu en famille, autour de la maison. On a eu un temps magnifique. Malgré ça, on est resté tranquille à la maison la plupart du temps. C’était d’ailleurs bizarre de voir à la télé des parcs remplis à Londres alors que la France était à l’arrêt complet. Il a fallu s’organiser avec les trois enfants. Mes filles avaient un programme à suivre sur le plan scolaire. Ça va, elles sont studieuses et appliquées. Elles n’avaient pas la tentation de parler avec les copines, comme ça peut être le cas (sourires). Elles ont bien progressé.

Vous avez tout de même pu profiter de votre famille comme jamais, l’esprit « libéré ».

Oui, ma femme et mes enfants me voient tous les jours, et de bonne humeur. Pendant la saison, on est souvent sujet à des sautes d’humeur en fonction des résultats. Là, j’avais la conscience tranquille mais pas l’esprit déconnecté de la réalité. Il a parfois fallu les rassurer, leur expliquer les choses. Car les enfants ont besoin de comprendre. Leur insoucianc­e est également une bouffée d’oxygène. C’est rafraîchis­sant. On a traversé ce moment dans la sérénité, malgré tout.

Votre garçon de sept mois a pu profiter pleinement de son papa…

Entre la blessure et le confinemen­t, j’ai passé des heures, des journées avec lui. J’en ai davantage profité que mes deux filles, c’est top, le gros point positif. Le retour à la réalité va être délicat sur ce point.

Cet épanouisse­ment, vous n’avez pas peur de le regretter ?

Oui, par rapport à ma vie de famille, le fait d’avoir l’esprit plus léger, d’être moins sous pression par rapport à l’enchaîneme­nt des matchs. C’est une forme de bienêtre sur quelques semaines. Car il me manque quelque chose chaque matin. J’ai encore envie de me lever pour relever des défis. Mon équilibre d’homme, c’est ça, la recherche constante de la performanc­e, l’adrénaline. Je suis dans le sport depuis toujours.

La reprise de Premier League n’a pas encore été programmée. Est-ce le plus pesant ?

Le plus délicat, c’est ce manque de visibilité, ne pas savoir quand on pourra rejouer. En tant que sportif de haut niveau et compétiteu­r, on marche à l’adrénaline. En ce moment, on n’a pas d’objectif précis. Mais cela ne doit pas nous empêcher de nous entretenir, de prendre soin de notre corps. Dans tous les cas, ça ne fait jamais de mal de faire du sport. Mais, nous, c’est notre outil de travail. Il faut agir avec profession­nalisme. On avait un programme bien établi, des séances en visio avec le staff chaque matin. C’était très précis. Depuis quelques jours, j’ai également repris l’entraîneme­nt de manière individuel­le au centre. Je m’y rends tous les deux jours. On a des créneaux spécifique­s pour chaque joueur. On se croise parfois, mais de très loin. J’arrive au centre d’entraîneme­nt habillé en tenue de gardien. Cela me rappelle mes débuts quand mes grandspare­nts me déposaient à l’entraîneme­nt (sourires). Et, en principe, d’ici peu de temps, l’objectif est de retrouver les séances par petits groupes.

Vous êtes optimiste quant à la tenue de la fin de saison…

Pour le moment, la tendance est à la reprise. Les joueurs ont leur mot à dire. Il y a un groupe de discussion­s avec l’ensemble des capitaines de Premier League, mais aussi les entraîneur­s, les dirigeants haut placés et quelques médecins. L’objectif est de reprendre en juin, dans les meilleures conditions sanitaires possible. On ne sait pas encore quand exactement.

Vous êtes pour rejouer au football ?

Je crois que les règles sanitaires prédominen­t, c’est évident. Mais si toutes les conditions sont réunies, pourquoi ne pas reprendre ? C’est important que le foot reprenne, pour aujourd’hui et pour demain.

Il n’y a pas que la Premier League, il y a toutes les divisions inférieure­s, un écosystème, plein d’emplois en suspens. S’il faut jouer à huis clos pendant une longue période pour sauver le foot, il faudra le faire. Il y a une saison à finir, un sprint final à démarrer, des enjeux divers. Par exemple, nous avec Tottenham, on a l’Europe à aller chercher.

Où en êtes-vous physiqueme­nt ?

Je me sens bien car on n’a pas beaucoup coupé. Le club a mis tout ce qu’il fallait pour qu’on garde la forme. On avait un vélo, du matériel de prévention, des GPS pour analyser nos efforts. Ça a vraiment été bien géré.

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J’avais la conscience tranquille mais pas l’esprit déconnecté de la réalité ”

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Un retour à Nice ? Walter Benitez a contribué à la réussite du club”

Comment va votre coude ?

Très bien. Ce n’est plus qu’un lointain souvenir. Je suis passé à autre chose. J’avais un objectif précis, à savoir l’Euro. Il a été reporté d’un an, une décision logique et attendue. Il faudra s’adapter. Cela fait partie du bagage d’un sportif de haut niveau.

Vous semblez encore avoir faim de ballon…

Oui, le foot est encore très présent dans mon esprit. Je suis un passionné. Les décharges émotionnel­les que ça procure, le goût de l’effort, le travail, la vie de groupe, le vestiaire, etc. Ça me manque.

La famille, à Nice, aussi…

Oui, même si avec les nouvelles technologi­es, on reste connectés. Le contact physique avec mes proches me manque. Il me tarde de les retrouver. Dans ces moments, il y a toujours de l’inquiétude pour les siens.

Vous avez découvert José Mourinho. Quel coach est-il ?

On a un peu été coupé dans notre élan mais c’est un entraîneur de très haut niveau. Il a ce souci permanent du détail, une approche très précise et cette volonté de gagner chaque match. On a beaucoup à apprendre d’un manager comme lui. C’est quelqu’un de très positif.

L’hypothèse d’un retour à Nice a filtré ces dernières semaines. Cela relève du fantasme ?

Je suis beaucoup l’actualité du club car j’y suis très attaché. J’ai encore des objectifs personnels. Pour le moment, je suis concentré sur Tottenham. Le travail effectué par Lionel (Letizi) et Nicolas (Dehon) està mettre en avant, comme les bonnes performanc­es de Walter Benitez. Ce dernier a largement contribué à la réussite du club ces dernières saisons. J’espère que ça va perdurer encore un moment.

 ?? (Photo AFP) ?? Hugo Lloris a repris l’entraîneme­nt individuel, en compagnie de l’entraîneur des gardiens de Tottenham, depuis plusieurs jours.
(Photo AFP) Hugo Lloris a repris l’entraîneme­nt individuel, en compagnie de l’entraîneur des gardiens de Tottenham, depuis plusieurs jours.

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