Entre craintes et espoir
Comme tous les restaurateurs, qu’elle représente et dont elle fait partie, Alberte Escande, présidente de l’Association des industries hôtelières, attendait la possibilité de rouvrir ses portes à une clientèle qui lui manque. Elle expliquait dans nos colonnes il y a deux semaines, qu’il fallait compter une bonne dizaine de jours pour rouvrir un restaurant. Elle, qui ne le fera que dans plusieurs semaines, nous livre aujourd’hui un sentiment en demi-teinte.
Comment se sentent les restaurateurs à une semaine de la réouverture ?
Ils sont heureux de pouvoir rouvrir, mais nous craignons tous que la reprise ne soit pas au rendez-vous. Il n’y a pas beaucoup de monde dans les rues de Monaco. Beaucoup de salariés sont en télétravail. J’ai beaucoup de restaurateurs qui me disent que cette clientèle va beaucoup leur manquer. Et les touristes ne viendront pas cette année. Cela risque d’être compliqué.
La joie de rouvrir semble ternie par ces craintes…
Tous les jours, nous avons des nouvelles qui nous inquiètent. Certains médias parlent d’un hypothétique retour du coronavirus à l’automne, par exemple. La clientèle locale va partir en vacances, à la montagne, ou ailleurs à la plage. Il y a beaucoup de facteurs qui nous font rester un peu moroses. Ce sera difficile au moins jusqu’en septembre…
Quels retours avez-vous des professionnels du métier à propos des mesures prises par le gouvernement pour la réouverture des restaurants ?
Tout le monde fait son maximum pour les appliquer. Mais il y a des difficultés. Certaines personnes ne supportent pas le masque. Et si les clients ne sont pas obligés de le porter, le personnel le sera. Avec la chaleur estivale et les efforts physiques demandés en cuisine, qu’est-ce que ça va donner ? Nous risquons d’aller au-devant de problèmes que nous n’avions pas envisagés. Certains petits établissements de MonacoVille m’ont déjà dit qu’ils n’allaient pas rouvrir, puisqu’ils craignent qu’il n’y ait personne.
Comment pensez-vous que la profession peut se sortir de cette ornière ?
Il va y avoir une mutation de la profession, parce que je pense que le confinement a permis au consommateur de mieux manger, avec des produits de saison, et de qualité. Grâce à tous ces programmes culinaires, ces vidéos sur les réseaux sociaux, les consommateurs ont pris goût à la qualité. Nous avons une carte à jouer dans ce sens. J’en ai parlé avec mes homologues de la région, et ils ont le même ressenti.
Comment cela pourrait-il se traduire ?
Nous étions en train de travailler sur une charte avec des chefs étoilés et non étoilés, mais qui font de la cuisine de très grande qualité, et le gouvernement. Mais le Covid nous a coupé l’herbe sous le pied. Je pense que dès que tout ceci sera derrière nous, nous pourrons nous y remettre.
Il y a donc de la lumière au bout du tunnel ?
Vous savez, j’ai toujours entendu mes parents dire : « toute crise apporte ses malheurs et ses joies. »
Là, c’est très dur financièrement et moralement. Mais nous allons tous rebondir. Et j’espère que finalement, ce sera pour le mieux.