Andraud tire sa révérence
La Niçoise, recordwoman de France, a décidé de mettre un terme à sa carrière le 24 mai dernier. A 31 ans, elle va se consacrer pleinement à son métier de kinésithérapeute
Sa décision est « mûrement réfléchie ». Pendant des mois, Mathilde Andraud a sondé son corps et son esprit. Dans cette introspection, l’athlète de 31 ans a pesé le pour et le contre, cherché à savoir s’il lui restait suffisamment de carburant pour envoyer à nouveau son javelot au-delà des 60 mètres. Fallait-il, au contraire, dire stop. Après dix-huit longues années de sacrifices, dans une discipline où gagner sa vie reste une anomalie et la médiatisation une rareté, la seconde option l’a emportée. Le 24 mai, l’officialisation tombait. Sur sa page Facebook, dans un long post retraçant son parcours, la Niçoise d’adoption tournait la page. Elle se réserve un tour d’honneur l’année prochaine lors des Interclubs avec ses copains du Nice Côte d’Azur Athlétisme (NCAA) mais, désormais, elle se consacrera entièrement à la kinésithérapie, profession qu’elle exerce depuis 2014.
Elle espérait se retirer à Paris
« Depuis que je me suis fait opérer de l’épaule (en août 2018, NDLR), j’ai fait de mon mieux pour retrouver mon meilleur niveau et j’en ai chié (rire). Je suis arrivée au bout de ce que je peux donner comme temps et énergie à la recherche de performance. Je n’ai jamais été rémunérée pour mon sport. J’ai même perdu de l’argent en le favorisant parfois au détriment de la kinésithérapie. Je n’ai pas pu
Une trace indélébile qu’elle gardera toute sa vie dans son coeur. Le mai , Mathilde Andraud devenait recordwoman de France. A Halle (Allemagne), avec , m à son premier essai, la pensionnaire du Nice Côte d’Azur Athlétisme effaçait les , m de Sarah Walter datant de . A ans, elle atteignait le sommet de sa carrière, dans un pays où les lanceurs sont rois. « Je me souviens de tout (rire), lance d’emblée la Niçoise d’adoption. C’était un concours réservé aux lancers, il y avait du monde et le contexte était particulier. Quand ma performance est annoncée, j’ai entendu m. J’attendais les centimètres pour savoir si j’avais réalisé , m et les minima pour les Jeux Olympiques de Rio. Au lieu de penser au record de France, je me demandais si j’allais encore passer à côté d’un grand championnat pour quelques centimètres (comme en et , NDLR). Au final, ça a été un grand moment. Je me souviens du sentiment de facilité que j’ai ressenti. Sans mes blessures, je pense que j’aurais pu faire mieux. Il restera une petite frustration. » Alexie Alaïs pourrait bientôt lui chiper son record. La Guyanaise a expédié son engin à , m l’année passée. « Elle va le battre, pose Andraud. Quand ça arrivera, j’aurai un petit pincement au coeur mais je serai contente pour le javelot français.»
investir ou mettre de l’argent de côté. Il était temps de préparer l’avenir. J’ai envie de sécurité et de me projeter », confie la recordwoman de France qui avait prévu, initialement, de se retirer en fin de saison. « Ma décision a été accélérée par l’annulation des championnats d’Europe de Paris (2530 août). Je me disais que si les Jeux étaient trop loin pour moi, il restait les championnats d’Europe. Les minima étaient de 58 m et il suffisait d’un déclic pour mon épaule pour m’y qualifier. Finir à Paris, ça aurait été top. » Andraud tire sa révérence avec un record de France (63,54 m) réalisé en mai 2016. « Le meilleur moment de ma carrière », dit-elle (lire ci-dessus). Alliage de puissance et de souplesse, grâce à la gym,
son premier amour, la native de Montpellier a régné sur sa discipline entre 2012 et 2016 avec cinq titres de championne de France et une participation aux Jeux Olympiques de Rio il y a quatre ans.
« Rio, un rêve de petite fille »
Et dire qu’un coup de foudre n’avait pas marqué sa première rencontre avec le javelot, « ce truc de bourrin ». Ila fallu « un concours de circonstances » et « un talent pour le geste » pour changer la donne. Fini la perche, porte d’entrée dans l’athlétisme, le javelot devenait le prolongement de son bras.
A chaud, la pensionnaire du NCAA n’oublie pas les chances qui sont passées ou qu’on ne lui a pas données. « J’ai
raté les championnats d’Europe en 2014 pour 20 cm. La Fédération a fait le choix de ne pas m’y amener. J’aurais eu une première expérience internationale. Pareil l’année d’après, je passe à 40 cm des minima pour les Mondiaux… » Des regrets qu’elle doit encore « digérer » mais qui se dissiperont d’ici peu, quand la montagne de bons souvenirs prendra toute sa place.
« J’ai des frissons rien qu’en me remémorant mon record de France, vibre l’Azuréenne. Et même si je n’ai pas été très performante et qu’ils n’ont pas été le tremplin médiatique que j’espérais, les Jeux de Rio ont été la réalisation d’un rêve de petite fille. Quand on arrive là-bas, on a les yeux écarquillés. Défiler dans le stade avec la flamme olympique, c’était grandiose. »
Elle ne risque pas d’oublier, non plus, les quatre années passées en Allemagne où elle s’est entraînée avec les champions du monde Christina Obergföll (2013) et Johannes Vetter (2017). A leur contact, elle s’est enrichie. Ces souvenirs rangés, elle planifiera l’avenir.
« Je vais quitter Montpellier pour travailler deux mois en Corse cet été et passer du temps avec mon grand-père. Ensuite, je ne sais pas où je travaillerai. Ouvrir un cabinet pluridisciplinaire me plairait. »
Après le javelot, Andraud aimerait mettre la réathlétisation des sportifs amateurs au centre de sa vie. Un nouveau défi.