Nice-Matin (Cannes)

Rappelez-vous... les pistes du Studio  à la Fontonne

Disparu fin décembre, le Niçois Jean-Pierre Massiera, compositeu­r, producteur et ingénieur du son avait créé le site en 1972. Des pointures sont passées par là. Luc Pefau ressuscite l’histoire

- M.-C.A mabalain@nicematin.fr

Jean-Pierre Massiera a quitté définitive­ment la scène fin décembre. Il aurait eu 79 ans le 10 juillet prochain. Une sortie de piste discrète bien différente de cette personnali­té qui, à partir des années soixante, à Nice, puis sur la Côte d’Azur et enfin à Paris, a vibré pour une seule chose : la musique. Il était musicien, compositeu­r, producteur d’albums et surtout ingénieur du son remarquabl­e et inventif. Il n’a pas fait fortune mais a vécu sa passion jusqu’au bout. Le célèbre jazzman André Ceccarelli et Tony Bonfils, contrebass­iste durant vingt ans de Charles Aznavour – deux Niçois – et dans un autre registre, Chantal Lauby, Julien Lepers et encore beaucoup d’autres qui l’ont côtoyé dans les années soixante à 80, se sont émus de sa disparitio­n. Car ils sont nombreux à avoir travaillé, un jour, avec Jean-Pierre Massiera, ou « JPM » comme tous l’appellent. Ils ont fréquenté l’un de ses studios d’enregistre­ment créés à Nice puis à Antibes, en 1972. À la Fontonne, plus précisémen­t. Au « Studio 16 ». Dans ce qui aujourd’hui, ironie du destin, est devenu un service de pompes funèbres, des pointures ont exercé leur talent : John MacLaughin, Bill Wyman... Didier Lockwood et son frère Francis. Excusez du peu !

« Allez les Verts ! »

On y a aussi enregistré, en 1977, l’hymne des supporters de l’équipe de foot de Saint-Etienne : « Allez les Verts ! » Passionné par l’histoire de la Fontonne, son quartier, Luc Pefau, créateur du Facebook « Mémoires de la Fontonne », devenue depuis une associatio­n, rêvait depuis longtemps de retrouver l’histoire du fameux « Studio 16 ». Seize comme le nombre de pistes d’enregistre­ment disponible­s, ce qui à l’époque en faisait l’un des studios les plus modernes. Bizarremen­t, même s’il a accueilli de 1972 à 1979, de nombreux musiciens, peu de Fontonnois s’en souviennen­t. Certains, les plus jeunes, l’ignorent complèteme­nt. Luc se souvient que le « Studio 16 » était installé dans l’ancien cinéma du quartier, « Le Fontonnia ». « J’étais encore petit. Et l’endroit avait une réputation un peu sulfureuse. Nous, les gamins, ça nous fascinait ce lieu interdit. »

En fait, le studio d’enregistre­ment n’était évidemment pas un lieu public. Les profession­nels venaient y travailler.

Il reste de cette époque peu de documents et de photograph­ies. Luc Pefau est parti à la chasse. Notamment grâce à son ami Gérard Belan, dont le frère Bernard, aujourd’hui disparu, était musicien dans un groupe et a fréquenté le studio. « Il m’a fourni des photos qui étaient restées dans la famille. »

David Niven « himself »

Des vues extérieure­s et intérieure­s du studio, une photo en noir et blanc où Jean-Pierre Masseria et Bernard Belan posent avec David Niven... L’acteur y a enregistré en 1979 un texte lu sur une musique : « David Niven and the National Philarmoni­c Orchestra ». Luc n’a pas hésité à solliciter Tony Bonfils qui lui a gentiment répondu. Autre époque, autres moeurs, sur certaines photos d’époque, on aperçoit JPM en plein travail, une bouteille de rosé à portée de main ! Ou une autre, dans son coffre de voiture, en train de boire au goulot. JPM était du genre prolifique. À 18 ans, le Niçois avait fondé avec deux copains un groupe de rock, « Les Milords ». « Il était soliste guitariste et jouait bien. J’étais plus jeune, mordu de musique anglaise et j’ai eu un choc en entendant le groupe, se souvient Tony Bonfils. J’adorais leur look avec des vestes pailletées et une grosse chevalière au doigt ! » Le trio se produit dans une boîte de strip-tease de l’avenue Jean Médecin qui l’aprèsmidi ouvre la scène à des groupes d’amateurs. « À l’époque, tous les jeunes Niçois jouaient de la musique. Il y avait le meilleur et aussi le pire ! » sourit André Ceccarelli. Lui aussi se souvient avoir admiré « Les Milords ». Puis, le groupe évolue et devient « Les Monégasque­s ».

De  à 

Aidé par Bernard Torelli, son beau-père, qui possédait un magasin d’équipement de salles de bains, boulevard Joseph-Garnier, JPM fonde en 1967 son premier studio d’enregistre­ment, le Studio SEM. Un lieu attractif pour les jeunes musiciens, dont Dédé et Tony, devenus amis. Le premier sera le batteur des « Chats sauvages », le second rejoindra « Les Piranhas ». Bien avant de connaître les belles et longues carrières qu’on leur connaît aujourd’hui.

« Puis, un jour, toute la famille Torelli est soudain partie au Canada, c’était la mode à l’époque ! » se remémore Tony Bonfils.

La famille reviendra quelques années plus tard sur la Côte d’Azur et JPM ouvrira son « Studio 16 » en 1972, à la Fontonne avec son frère Bernard. Jusqu’en 1979. Puis ce sera, Paris, avec le « Studio Jaurès » pour Philips Records.. Mais, c’est une autre histoire.

 ??  ?? Le discret « Studio  » animé par le maître des lieux Jean-Pierre Massiera a accueilli jusqu’en  de nombreuses célébrités, dont Bill Wyman, John MacLaughin, Dédé Ceccarelli, les frères Lockwood, etc. (DR)
Le discret « Studio  » animé par le maître des lieux Jean-Pierre Massiera a accueilli jusqu’en  de nombreuses célébrités, dont Bill Wyman, John MacLaughin, Dédé Ceccarelli, les frères Lockwood, etc. (DR)

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