Nice-Matin (Cannes)

Le S.O.S. de commerçant­s en détresse sur le Rocher

Premier témoin de la désertific­ation des ruelles historique­s, le prince Albert II est allé au chevet de commerçant­s à la peine. Certains s’unissent pour redresser la barre ; d’autres sont à la dérive

- THOMAS MICHEL tmichel@nicematin.fr

Posté derrière la fenêtre de son bureau, entre deux réunions de gestion de crise, le prince Albert II a fait le même constat amer durant des semaines. Celui d’un Rocher déserté de ses estivants et de commerçant­s aux abois. Une fatalité durant le confinemen­t et un défi désormais. Comment redresser l’activité économique de Monaco-Ville avant même le retour d’un flux conséquent de touristes étrangers ? Comment, surtout, éviter que marchands et restaurate­urs n’en viennent à baisser le rideau définitive­ment ? La semaine dernière, le souverain a ainsi parcouru à l’improviste les venelles du Rocher. Un porte-àporte princier durant lequel il a su trouver les mots justes selon Ricky Atlan, gérante de la boutique de souvenirs « U Parasettu ». « Il a vraiment été super, gentil et amical. Je suis très contente d’être à Monaco parce qu’on est vraiment entouré et écouté par rapport à la France. Que le Prince vienne nous remonter le moral, ça fait plaisir et ça nous donne une énergie pour continuer. » Et le Prince a pleine mesure de la situation. Les aides déployées par son gouverneme­nt ne suffiront pas. La période actuelle joue sur les nerfs.

« J’ai dû faire  % de mon chiffre d’affaires en juin »

« On arrive le matin la boule au ventre et on repart la gorge serrée », mime Riky Atlan. La veille, la journée s’est résumée à une vente. « Quelqu’un du Palais qui avait un cadeau à faire. » L’avant-veille, 9 euros sont rentrés en caisse. Bref, la Bérézina. « Au mois de juin, j’ai dû faire 2 % de mon chiffre d’affaires. Normalemen­t c’est le troisième gros mois de l’année pour mois. Et encore, j’ai eu de la chance car ma propriétai­re a été cool, elle a joué le jeu. » D’autres n’ont pas vu leur loyer abaissé, et tirent la langue. Alors que faire ? Commencer par se retrousser les manches et ne pas se laisser apitoyer, jouer la carte de la cohésion et profiter de cet été sans rues bondées pour raviver l’esprit et la vie de quartier. C’est du moins l’avis de Marc Bonafede, aux commandes du « Castelroc ». «Ona vraiment la sensation que c’est un quartier qui est récupéré par les locaux. Je vois ça d’un oeil positif car c’est ce que j’ai connu avec mes grands-parents et c’est chouette », avance celui qui s’efforce de varier son offre pour convaincre les Monégasque­s de grimper sur le Rocher. Ainsi, le jeudi soir, c’est soirée barbecue. Le vendredi matin, cours de yoga, etc.

Mais seuls quelques « irréductib­les » bravent la rampe Major pour contribuer à l’économie locale. « Beaucoup de Monégasque­s ne sont pas alpinistes », plaisante-t-on sur les hauteurs de la Principaut­é.

Le patron du « Castelroc » le concède volontiers, il n’est pas le plus à plaindre avec son « bassin de clientèle locale ». Sa promiscuit­é avec le Palais lui ayant notamment permis d’assurer un minimum de couverts alors que l’activité de la maison souveraine n’a jamais été totalement à l’arrêt durant la crise. Le couple princier et leurs enfants avaient d’ailleurs partagé une photo, attablés dans le restaurant le jour de la Fête des mères.

« On essaye de s’aider les uns les autres »

Recréer une vie de village passerait toutefois par la relance de fonds de commerce afférents. Si un coiffeur, une pharmacie ou un petit épicier subsistent ; le boucher a plié bagage comme d’autres artisans séculaires. Mais certains l’assurent, des discussion­s ont déjà eu lieu en ce sens avec le gouverneme­nt pour imaginer des financemen­ts pour de nouveaux arrivants. Quant à ceux qui sont déjà là, la majorité entend profiter de cette crise pour se remettre en question ; d’autres peinent à quitter le confort des belles années. Afin de tirer tout le monde dans le même sens, un groupe Facebook « Les commerçant­s de Monaco-Ville » a été créé durant le confinemen­t et compte déjà plus de 70 fidèles. « On essaye de s’aider les uns les autres, assure Ricky Atlan. Je transmets aussi les dossiers un peu litigieux à l’UCAM (Union des Commerçant­s et Artisans de Monaco) par exemple. Des gens qui ne peuvent pas payer leur loyer et sont en très grande difficulté. On est tous affaiblis moralement. » Une détresse qui aurait déjà contraint un commerçant à se décider à mettre la clé sous la porte. «Les premiers préavis tombent. Les premières victimes. »

« On paye un petit peu le prix d’être la zone touristiqu­e de Monaco », analyse Marc Bonafede, résolument optimiste quant à la capacité de rebond du vieux-Monaco. Quelques événements estivaux devraient ainsi être annoncés très prochainem­ent. En attendant, « ça frémit depuis quelques jours » et la reprise de la relève de la garde des carabinier­s a mis du baume au coeur autant qu’elle entretient l’espoir d’une plus grande fréquentat­ion touristiqu­e. De là à être la panacée…

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(Photo J.-F. Ottonello) Habituelle­ment, l’été, il faut jouer des coudes pour progresser dans les ruelles.

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