Spondylarthrite ankylosante et Covid : les méfaits de la peur
Elles sont les victimes collatérales – tristement attendues – de l’épidémie de Covid-19. Très tôt, en effet, des professionnels de santé ont alerté sur les risques de voir des malades chroniques s’aggraver, faute de suivi (un certain nombre a fui les hôpitaux, voire les cabinets médicaux par peur de la contamination), par non-respect de certaines règles d’hygiène de vie. Ou encore faute d’observance à leurs traitements. C’est le cas en particulier des personnes souffrant de spondylarthrite ankylosante, une maladie inflammatoire chronique qui touche les articulations du rachis et du bassin et évolue par poussées douloureuses. « Les principaux traitements contre cette maladie sont les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les immunosuppresseurs (biothérapies). Or, on se souvient que dans les premiers temps de l’épidémie en France, des mises en garde avaient été émises concernant la prise d’AINS, suspectée d’aggraver l’infection à SARSCoV2 (virus responsable du COVID19). Certains avaient aussi fait part de leurs inquiétudes vis-à-vis des médicaments immunomodulateurs », rappelle le Pr Christian Roux, rhumatologue au CHU de Nice. Submergé, comme la plupart de ses confrères, d’appels de malades très inquiets, le spécialiste a alors souhaité, en plein coeur de la crise, évaluer dans cette période de fortes incertitudes, l’impact du confinement sur les spondylarthrites. En partenariat avec l’association de malades ACS présidée par Franck Gérald, il adressait le 21 avril un questionnaire très complet à l’ensemble des adhérents. « En quelques jours, nous avons reçu plus de 600 réponses de malades répartis partout en France. En les analysant, on a découvert que 43 % des patients avaient tout simplement interrompu leur traitement, AINS ou biothérapie injectable, le plus souvent sans l’aval de leur médecin. » Triste confirmation des méfaits d’une communication très anxiogène sur les risques potentiels (et finalement infirmés) liés à la prise de ces deux types de médicaments. « Dès la diffusion de la mise en garde très alarmiste, et largement médiatisée des risques associés aux AINS en particulier, ça a été vraiment l’affolement parmi nos adhérents », confirme Franck Gérald. Il se souvient des oppositions fermes entre ceux qui appelaient à la raison, et les autres, nombreux, qui appelaient à suspendre leurs traitements. «Ces arrêts intempestifs ont des répercussions sur l’évolution de la maladie, sur la douleur ; ils augmentent le risque de décompensation. Les patients ne répondent plus aux traitements classiques, on est contraint de chercher des alternatives… regrette le Pr Roux qui vient de voir son étude publiée dans une revue importante (1). Confirmant ses craintes, un autre phénomène préoccupant a pu être mis en évidence par cette étude : l’aggravation de leur maladie dans 63 % des cas. « Ces patients décrivent en particulier plus de poussées douloureuses. La modification du traitement peut expliquer en partie cette évolution péjorative, mais il est probable que le stress et l’angoisse y ont contribué, de même que la sédentarité. » La sédentarité, un fléau contre lequel chacun sait qu’il faut lutter. Mais en temps de peur on oublie tout.
1. Cette étude a aussi impliqué le CHPG à Monaco (Dr Brocq) et le département de santé publique du CHU de Nice (Pr Pradier et Dr Bailly).