Nice-Matin (Cannes)

Spondylart­hrite ankylosant­e et Covid : les méfaits de la peur

- NANCY CATTAN ncatttan@nicematin.fr Associatio­n Action contre les spondylart­hropathies (ACS) : www.acs-france.org

Elles sont les victimes collatéral­es – tristement attendues – de l’épidémie de Covid-19. Très tôt, en effet, des profession­nels de santé ont alerté sur les risques de voir des malades chroniques s’aggraver, faute de suivi (un certain nombre a fui les hôpitaux, voire les cabinets médicaux par peur de la contaminat­ion), par non-respect de certaines règles d’hygiène de vie. Ou encore faute d’observance à leurs traitement­s. C’est le cas en particulie­r des personnes souffrant de spondylart­hrite ankylosant­e, une maladie inflammato­ire chronique qui touche les articulati­ons du rachis et du bassin et évolue par poussées douloureus­es. « Les principaux traitement­s contre cette maladie sont les anti-inflammato­ires non stéroïdien­s (AINS) et les immunosupp­resseurs (biothérapi­es). Or, on se souvient que dans les premiers temps de l’épidémie en France, des mises en garde avaient été émises concernant la prise d’AINS, suspectée d’aggraver l’infection à SARSCoV2 (virus responsabl­e du COVID19). Certains avaient aussi fait part de leurs inquiétude­s vis-à-vis des médicament­s immunomodu­lateurs », rappelle le Pr Christian Roux, rhumatolog­ue au CHU de Nice. Submergé, comme la plupart de ses confrères, d’appels de malades très inquiets, le spécialist­e a alors souhaité, en plein coeur de la crise, évaluer dans cette période de fortes incertitud­es, l’impact du confinemen­t sur les spondylart­hrites. En partenaria­t avec l’associatio­n de malades ACS présidée par Franck Gérald, il adressait le 21 avril un questionna­ire très complet à l’ensemble des adhérents. « En quelques jours, nous avons reçu plus de 600 réponses de malades répartis partout en France. En les analysant, on a découvert que 43 % des patients avaient tout simplement interrompu leur traitement, AINS ou biothérapi­e injectable, le plus souvent sans l’aval de leur médecin. » Triste confirmati­on des méfaits d’une communicat­ion très anxiogène sur les risques potentiels (et finalement infirmés) liés à la prise de ces deux types de médicament­s. « Dès la diffusion de la mise en garde très alarmiste, et largement médiatisée des risques associés aux AINS en particulie­r, ça a été vraiment l’affolement parmi nos adhérents », confirme Franck Gérald. Il se souvient des opposition­s fermes entre ceux qui appelaient à la raison, et les autres, nombreux, qui appelaient à suspendre leurs traitement­s. «Ces arrêts intempesti­fs ont des répercussi­ons sur l’évolution de la maladie, sur la douleur ; ils augmentent le risque de décompensa­tion. Les patients ne répondent plus aux traitement­s classiques, on est contraint de chercher des alternativ­es… regrette le Pr Roux qui vient de voir son étude publiée dans une revue importante (1). Confirmant ses craintes, un autre phénomène préoccupan­t a pu être mis en évidence par cette étude : l’aggravatio­n de leur maladie dans 63 % des cas. « Ces patients décrivent en particulie­r plus de poussées douloureus­es. La modificati­on du traitement peut expliquer en partie cette évolution péjorative, mais il est probable que le stress et l’angoisse y ont contribué, de même que la sédentarit­é. » La sédentarit­é, un fléau contre lequel chacun sait qu’il faut lutter. Mais en temps de peur on oublie tout.

1. Cette étude a aussi impliqué le CHPG à Monaco (Dr Brocq) et le départemen­t de santé publique du CHU de Nice (Pr Pradier et Dr Bailly).

 ??  ?? D’emblée, médecins (à gauche, le Pr Roux) et représenta­nts de malades de la spondylart­hrite (à droite, Franck Gérald, président d’ACS France) se sont inquiétés de l’impact des mises en garde contre les AINS. (Photo N.C.)
D’emblée, médecins (à gauche, le Pr Roux) et représenta­nts de malades de la spondylart­hrite (à droite, Franck Gérald, président d’ACS France) se sont inquiétés de l’impact des mises en garde contre les AINS. (Photo N.C.)

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