Le nouveau dégagisme
de
La cote d’alerte a été franchie : % des Français ne se sont pas déplacés pour apporter leurs voix aux maires sortants, pas plus qu’à leurs concurrents. On a vu tout au long de la Ve République l’abstention monter, inexorablement, d’une élection à l’autre. Mais, cette fois, c’est le record depuis . Il faut craindre que ce soit significatif. Évidemment, la situation sanitaire explique en partie que nombre d’électeurs, les plus âgés en tout cas, n’aient pas jugé utile de trouver le chemin des urnes. Et comme les jeunes sont connus pour voter moins que le reste de la population, cela n’a pas arrangé les choses. Mais la crise sanitaire n’explique pas tout. Et on peut s’inquiéter, pour la démocratie, tout simplement, de ce que si peu de gens aient jugé bon d’oublier le chemin des urnes. Comment interpréter la faible participation autrement que comme un refus, tout simplement, de s’occuper de politique, même au moment, où, justement, la France entre dans une période particulièrement difficile ? C’est, en tout cas, une preuve supplémentaire que les électeurs ne font pas confiance à leurs élus : sans doute jugent-ils que leur influence est marginale dans le cours que prennent les choses, ou pensent-ils que, de toute façon, aucun ne fait mieux que l’autre, et que personne n’a d’influence sur le cours des évènements et sur les impulsions à apporter au pays ? Terrible constat, surtout après les espérances placées en sur celui qui devait tout changer, faire passer la France d’un ancien à un nouveau monde. Force est de conclure, qu’ancien ou nouveau, ce mondelà a cessé de passionner les Français. Dans ce désastre démocratique, car c’en est un, les Verts ont réussi une percée indéniable. Lyon, Bordeaux, Marseille, trois des plus grandes villes de France ont été arrachées par les écologistes aux maires sortants. Le maire de la cité phocéenne, Jean-Claude Gaudin, a vu ainsi mettre fin à ses vingt-cinq années de mandat ininterrompu, Gérard Collomb a dû abandonner la mairie dont il s’était longtemps cru inexpugnable depuis . Et le successeur d’Alain Juppé, allié in fine a La République en marche, ne régnera plus sur Bordeaux.
Comme s’il s’agissait, à quelques exceptions près, d’un nouveau dégagisme.
En , l’élection d’Emmanuel Macron avait marqué la volonté d’une majorité de Français de condamner les « vieux » partis politiques dont ils n’attendaient plus rien. C’est une réaction du même ordre qui, hier, explique la victoire des Verts aux municipales.
Même si Édouard Philippe a gardé, haut la main, la mairie du Havre, même si Louis Aliot, en provenance du Rassemblement national, a conquis celle de Perpignan, même si Anne Hidalgo a gardé Paris, la montée des Verts est d’ampleur nationale. Beaucoup des têtes de listes vertes avaient recueilli, sur leurs listes, socialistes, communistes ou Insoumis qui derrière eux s’étaient faits discrets.
En ce sens, le mouvement écologiste apparaît désormais comme le principal parti de l’opposition de gauche à Emmanuel Macron. Nouvelle équation difficile a résoudre pour le président de la République, au moment où il entend incarner lui-même une nouvelle écologie, plus propre à l’air du temps.
« Dans ce désastre démocratique, car c’en est un, les Verts ont réussi une percée indéniable. »