« Le gouvernement a sauvé le Grand Prix »
Trois jours après la condamnation de l’État à verser près de 150 millions d’euros à Caroli Immo, Serge Telle, le chef du gouvernement, assume ses décisions prises, dit-il, pour la pérennité du Grand Prix
L’État monégasque a été condamné. Lourdement. Dans cette affaire qui oppose depuis quatre ans le promoteur Antonio Caroli à l’Administration, le Tribunal Suprême a tranché. Caroli Immo a gagné. Aujourd’hui, la messe est dite. Cette décision de justice est définitive, sans recours possible (1). L’État devra donc payer près de 150 M€. Comment ? Le Ministre d’État aurait-il pu faire autrement ? Mieux gérer cette affaire, comme le pensent des élus du Conseil national ? Nous avons posé toutes ces questions à Serge Telle, hier à la mi-journée.
Quelle a été votre réaction en découvrant la décision du Tribunal Suprême ?
Je ne commenterai pas cette décision de justice. Je n’en ai légalement pas le droit.
Soit. Mais comment a-t-on pu en arriver là?
Les faits sont assez simples. En septembre , un contrat est passé entre mon prédécesseur et MM. Caroli et Goddio pour un projet immobilier et
(2) culturel sur l’esplanade des Pêcheurs. C’est le point de départ. Dans ce contrat, deux conditions sont posées : le vote d’une loi de déclassement, puisque nous sommes sur un terrain public ; la compatibilité du projet avec le Grand Prix. Mon prédécesseur retire une première fois le projet de loi, considérant que l’on n’a pas de certitudes sur cette compatibilité.
Vous arrivez alors à la tête du gouvernement. Nous sommes en …
J’étudie le dossier et je m’aperçois, sur la base de ce que me disent l’Automobile Club et les experts, qu’effectivement, ce projet immobilier n’est pas compatible avec le Grand Prix. L’expertise judiciaire commandée par le Tribunal Suprême nous le confirmera. Alors, comme le Grand Prix est une institution absolument essentielle, un événement international, le plus populaire de la Principauté, je ne redépose pas le projet de loi de déclassement. Je confirme ainsi la décision de mon prédécesseur. Notre position est qu’aucun projet d’intérêt privé ne peut porter atteinte au Grand Prix et au rayonnement international qu’il offre à la Principauté.
Avec le recul, pensezvous que l’État aurait pu faire différemment et éviter une telle condamnation ?
Nous avons cherché des arrangements avec M. Caroli. Nous avons entamé des négociations pour déterminer une indemnisation après le retrait de l’État. Cela n’a pas abouti. Et M. Caroli a saisi le Tribunal Suprême. Encore, une fois, je ne vais pas commenter ce qui a été fait. Le gouvernement voulait préserver le Grand Prix. Or, ce projet le mettait en péril. Le gouvernement princier a sauvé le Grand Prix. Grâce à ce qui a été fait, plus jamais aucun projet, quel que soit son montant ou son attrait, ne pourra porter atteinte à cette épreuve. Regardez les conséquences économiques d’une année sans Grand Prix… C’est colossal !
Que répondez-vous aux critiques d’élus du Conseil national qui estiment que vous auriez « minimisé le risque » et que vous seriez coupable de « mauvaise gestion » ?
M. Caroli avait une obligation de résultat, en donnant des plans qui permettent le développement de ce projet tout en maintenant le Grand Prix. Je constate que nous n’avons jamais eu les plans réservant les m exigés pour le Grand Prix. Je ne veux pas jouer une partie de ping-pong par presse interposée avec le Conseil national, on s’expliquera le moment venu en séance publique. Je rappelle juste que la position du gouvernement avait été confirmée par le Prince souverain, dans vos colonnes, en , où il disait : «Jene suis pas inquiet parce que les premiers éléments de l’expertise démontrent le bienfondé de la décision qui a été prise de ne pas donner suite à ce projet. » Je n’étais
Le Tribunal Suprême a toutefois estimé que l’État avait commis une faute…
S’il y a eu faute, c’est en , quand on a pu penser que ce projet était faisable. Effectivement, un contrat a été signé. Tout a montré, ensuite, que ce projet n’était pas réalisable. Dans cette affaire, nous avons agi en responsabilité. Nous l’avons traitée très sérieusement depuis mon arrivée. Mes collaborateurs et les membres du gouvernement ont été motivés par le sens des responsabilités. L’unique but était de protéger le Grand Prix.
1. Seule une personne physique ou morale peut saisir la Cour de justice européenne, en ultime recours d’une décision du Tribunal Suprême. Pas un État.
2. Franck Goddio devait réaliser le Centre de l’Homme et de la Mer.
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Tout a montré que ce projet n’était pas réalisable”