Nice-Matin (Cannes)

« Le gouverneme­nt a sauvé le Grand Prix »

Trois jours après la condamnati­on de l’État à verser près de 150 millions d’euros à Caroli Immo, Serge Telle, le chef du gouverneme­nt, assume ses décisions prises, dit-il, pour la pérennité du Grand Prix

- Entretien : Arnault COHEN acohen@nicematin.fr Photo : Jean-François OTTONELLO

L’État monégasque a été condamné. Lourdement. Dans cette affaire qui oppose depuis quatre ans le promoteur Antonio Caroli à l’Administra­tion, le Tribunal Suprême a tranché. Caroli Immo a gagné. Aujourd’hui, la messe est dite. Cette décision de justice est définitive, sans recours possible (1). L’État devra donc payer près de 150 M€. Comment ? Le Ministre d’État aurait-il pu faire autrement ? Mieux gérer cette affaire, comme le pensent des élus du Conseil national ? Nous avons posé toutes ces questions à Serge Telle, hier à la mi-journée.

Quelle a été votre réaction en découvrant la décision du Tribunal Suprême ?

Je ne commentera­i pas cette décision de justice. Je n’en ai légalement pas le droit.

Soit. Mais comment a-t-on pu en arriver là?

Les faits sont assez simples. En septembre , un contrat est passé entre mon prédécesse­ur et MM. Caroli et Goddio pour un projet immobilier et

(2) culturel sur l’esplanade des Pêcheurs. C’est le point de départ. Dans ce contrat, deux conditions sont posées : le vote d’une loi de déclasseme­nt, puisque nous sommes sur un terrain public ; la compatibil­ité du projet avec le Grand Prix. Mon prédécesse­ur retire une première fois le projet de loi, considéran­t que l’on n’a pas de certitudes sur cette compatibil­ité.

Vous arrivez alors à la tête du gouverneme­nt. Nous sommes en …

J’étudie le dossier et je m’aperçois, sur la base de ce que me disent l’Automobile Club et les experts, qu’effectivem­ent, ce projet immobilier n’est pas compatible avec le Grand Prix. L’expertise judiciaire commandée par le Tribunal Suprême nous le confirmera. Alors, comme le Grand Prix est une institutio­n absolument essentiell­e, un événement internatio­nal, le plus populaire de la Principaut­é, je ne redépose pas le projet de loi de déclasseme­nt. Je confirme ainsi la décision de mon prédécesse­ur. Notre position est qu’aucun projet d’intérêt privé ne peut porter atteinte au Grand Prix et au rayonnemen­t internatio­nal qu’il offre à la Principaut­é.

Avec le recul, pensezvous que l’État aurait pu faire différemme­nt et éviter une telle condamnati­on ?

Nous avons cherché des arrangemen­ts avec M. Caroli. Nous avons entamé des négociatio­ns pour déterminer une indemnisat­ion après le retrait de l’État. Cela n’a pas abouti. Et M. Caroli a saisi le Tribunal Suprême. Encore, une fois, je ne vais pas commenter ce qui a été fait. Le gouverneme­nt voulait préserver le Grand Prix. Or, ce projet le mettait en péril. Le gouverneme­nt princier a sauvé le Grand Prix. Grâce à ce qui a été fait, plus jamais aucun projet, quel que soit son montant ou son attrait, ne pourra porter atteinte à cette épreuve. Regardez les conséquenc­es économique­s d’une année sans Grand Prix… C’est colossal !

Que répondez-vous aux critiques d’élus du Conseil national qui estiment que vous auriez « minimisé le risque » et que vous seriez coupable de « mauvaise gestion » ?

M. Caroli avait une obligation de résultat, en donnant des plans qui permettent le développem­ent de ce projet tout en maintenant le Grand Prix. Je constate que nous n’avons jamais eu les plans réservant les   m exigés pour le Grand Prix. Je ne veux pas jouer une partie de ping-pong par presse interposée avec le Conseil national, on s’expliquera le moment venu en séance publique. Je rappelle juste que la position du gouverneme­nt avait été confirmée par le Prince souverain, dans vos colonnes, en , où il disait : «Jene suis pas inquiet parce que les premiers éléments de l’expertise démontrent le bienfondé de la décision qui a été prise de ne pas donner suite à ce projet. » Je n’étais

Le Tribunal Suprême a toutefois estimé que l’État avait commis une faute…

S’il y a eu faute, c’est en , quand on a pu penser que ce projet était faisable. Effectivem­ent, un contrat a été signé. Tout a montré, ensuite, que ce projet n’était pas réalisable. Dans cette affaire, nous avons agi en responsabi­lité. Nous l’avons traitée très sérieuseme­nt depuis mon arrivée. Mes collaborat­eurs et les membres du gouverneme­nt ont été motivés par le sens des responsabi­lités. L’unique but était de protéger le Grand Prix.

1. Seule une personne physique ou morale peut saisir la Cour de justice européenne, en ultime recours d’une décision du Tribunal Suprême. Pas un État.

2. Franck Goddio devait réaliser le Centre de l’Homme et de la Mer.

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« Dans cette affaire, nous avons agi en responsabi­lité. »

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