Une cartouche pyrotechnique qui démolit blocs et rochers
Génie civil, TP... La cartouche pyrotechnique P2 est utilisée partout dans le monde pour fragmenter la roche. À son origine, un ingénieur niçois qui, désormais, forme à sa bonne utilisation
Pudique, il déteste parler de lui. En revanche, Jean-Paul Campani, fondateur et dirigeant de Capral à Saint-André-dela-Roche, adore parler des cartouches pyrotechniques P2 utilisées pour faire éclater de la roche. Logique, c’est un peu son bébé. L’ingénieur Arts et Métiers a fait partie de l’équipe qui, il y a vingt-cinq ans en Afrique du Sud, a mis au point la molécule utilisée dans ce dispositif. Qui donc mieux que lui pour former les professionnels à la bonne utilisation de ces cartouches P2 et pour en assurer la distribution ?
Un dispositif plus sûr et plus efficace
Petit retour en arrière. Nous sommes en 1985 à Cape Town en Afrique du Sud. Réputé pour ses mines de diamants, le pays a un problème : pour extraire la pierre précieuse, il utilise des explosifs qui peuvent casser les gemmes et surtout qui génèrent des gaz dangereux dont il faut attendre l’évacuation avant de reprendre l’exploitation du site. Un risque et une perte de temps.
Le groupe sud-africain Denel Swartklip, spécialisé dans l’armement et le matériel explosif, demande alors à un groupe d’ingénieurs de différentes nationalités, dont Jean-Paul Campani, de plancher sur un système permettant d’avoir une pression plus lente et limi tant les gaz de combustion. C’est la naissance du Boulder Buster (littéralement éclateur de rocher), un matériel déroctage utilisant les hyperpressions. Avant de perfectionner le système quelques années plus tard en inventant le Py Roc : une cartouche constituée d’un dispositif de mise en route électrique et d’une poudre contenant de l’oxalate d’ammonium. « Cette molécule, explique Jean-Paul Campani, ne brûle qu’en anaérobie, c’est-à-dire, dans une atmosphère confinée, sans oxygène. » Une propriété qui se révèle extrêmement intéressante dans son utilisation car « Sans danger en cas de manipulation accidentelle du produit à l’air libre », reprend l’artificier.
En revanche, une fois enfoui, la roche ne lui résiste pas : à l’instar d’un airbag, la combustion de l’oxalate libère les gaz qui fragmentent la roche. Aucune projection, très peu de poussière et de vibrations, ce qui permet de l’utiliser près des fondations de bâtiments, de conduites d’eau ou de lignes électriques mais aussi pour des travaux sous-marins. Ce n’est pas pour rien que la Principauté de Monaco, soucieuse de préserver au maximum la vie marine, l’a utilisée pour son projet d’extension en mer.
Pour s’assurer de sa totale innocuité, le dirigeant de Capral, qui ne badine pas avec la sécurité, a « même envoyé il y a quelques années des cartons remplis de cartouches P2 au laboratoire national de la police à Toulouse
et à celui de la gendarmerie nationale pour que leurs artificiers tentent de faire un engin qui pourrait être utilisé à mauvais escient. En vain, sourit-il. Impossible de les utiliser pour faire un attentat ou pour se blesser. En plus, le produit est bon marché ! »
Formation obligatoire
Génie civil, travaux publics, terrassement, exploitation de carrière, ONF, SNCF, ponts et chaussées, SDIS... sont quelques-uns des secteurs où l’on utilise le P2 qui, « selon une directive de la Communauté européenne, n’appartient pas à la classe des explosifs », insiste le dirigeant de Capral.
Du coup, s’il doit obligatoirement être agréé CE, nul besoin d’avoir un véhicule spécifique pour son transport ou d’un stockage aménagé. En revanche, seuls les professionnels titulaires d’un examen peuvent utiliser ces cartouches qui viennent en différents diamètres et charges. « Ils doivent impérativement être formés, reprend Jean-Paul Campani qui, avec un autre ingénieur Thomas Garnier, assure au sein de Capral des formations sur deux jours. Nous sommes un centre de formation agréé de la Sprengschule (école d’explosifs) de Dresde en Allemagne. Nous nous déplaçons partout en France et, depuis 2010, nous avons formé près de 3 500 personnes venues de Slovénie, Croatie, Italie. Et même des commandos des Émirats arabes unis ! » Outre la formation, JeanPaul Campani est également distributeur pour toute l’Europe des cartouches suédoises Simplex, « sous l’entité Capral HD ». Ses deux sociétés emploient six collaborateurs pour un chiffre d’affaires qu’il tient secret. Quand on vous disait qu’il n’aimait parler que des cartouches P2...