Nice-Matin (Cannes)

Emmanuel Macron hisse le pavillon vert

S’il a pour l’instant repoussé la tenue d’un référendum et une limitation à 110 km/h, le chef de l’Etat a fait droit hier à la quasi-totalité des suggestion­s de la Convention citoyenne pour le climat

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Au lendemain de la déferlante verte dans plusieurs grandes villes aux municipale­s, Emmanuel Macron a apporté hier, dans le parc de l’Elysée, un soutien quasi total aux conclusion­s de la Convention citoyenne pour le climat. Sans doute est-il même allé bien au-delà des espérances de ses membres, en indiquant verser au pot 146 de leurs 149 propositio­ns. Il n’a certes pas obtempéré, pour l’instant, à l’injonction d’organiser un référendum pour introduire les notions de biodiversi­té, d’environnem­ent et de lutte contre le réchauffem­ent climatique dans l’article premier de la Constituti­on. Mais il a laissé la porte ouverte pour y recourir en 2021, en y ajoutant, pourquoi pas, un vote sur un texte issu des suggestion­s de la Convention.

Quinze milliards supplément­aires

Les propositio­ns de la Convention seront donc soit intégrées au plan de relance économique, écologique et social du gouverneme­nt, soit insérées dans un projet de loi spécifique, une fois affinées ou complétées, avant la fin de l’été. Des groupes de travail vont être installés à cet effet, qui associeron­t des parlementa­ires et des membres de la Convention pour faire rentrer les suggestion­s dans un cadre législatif.

Quinze milliards d’euros en plus, sur deux ans, seront par ailleurs injectés dans la conversion écologique. Emmanuel Macron a balisé le chemin, qu’il veut vert mais consensuel : «Il faut placer l’écologie au coeur de notre modèle économique, sans céder à la décroissan­ce, sans travailler moins ni produire moins, ce qui ne permettrai­t plus de financer notre modèle sanitaire. Il faut veiller à ce que la transition écologique ne relègue pas les plus modestes », a-t-il insisté, tout en faisant assaut de compliment­s aux membres de la Convention citoyenne. « Nous avons effectué une première mondiale qui a renouvelé de manière inédite les formes de la démocratie et bousculé le système… Il faut faire confiance aux citoyens, la démocratie délibérati­ve ne s’oppose pas à la démocratie parlementa­ire mais vient la compléter », s’est félicité le chef de l’Etat. Sa feuille de route, à présent, est ainsi rédigée : « Réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030, dans un esprit de justice sociale. Il faut aller beaucoup plus loin et beaucoup plus fort, notre société a besoin d’une transforma­tion profonde. Mais on ne peut pas répondre à l’urgence écologique en culpabilis­ant. Il faut rechercher les voies d’un vrai consensus. » Emmanuel Macron a repris à son compte diverses pistes de la Convention, pour réconcilie­r économie et écologie : « Investir dans les transports propres, rénover nos bâtiments, innover… »

110 km/heure : on verra plus tard

Concernant une taxe carbone, il entend d’abord en faire un « objectif européen ». Au plan national, a-t-il dit, « il faudra réfléchir dans les deux ans à une réforme de notre fiscalité, pour rendre la taxation carbone juste ».

Le Président a également intégré l’idée que, lorsqu’un trajet TGV est possible en deux heures et demie ou moins (et non 4 h comme le souhaitait la Convention), il faut délaisser les lignes aériennes intérieure­s. Concernant le crime d’écocide, il a promis de mener ce combat « devant les instances internatio­nales, pour donner aux citoyens et aux ONG des moyens de recours ». Pêle-mêle, il a aussi admis la nécessité de limiter l’urbanisati­on et le trafic automobile, tout comme l’intérêt d’un moratoire sur l’installati­on de grandes surfaces en périphérie, pour retrouver des villes à taille humaine.

Emmanuel Macron n’a, en fait, acté qu’une poignée de désaccords avec la Convention citoyenne : il refuse l’instaurati­on d’une taxe de 4 % sur les dividendes, qui « réduirait nos chances d’attirer des investisse­ments supplément­aires ». Il ne veut pas non plus revoir le préambule de la Constituti­on pour y placer l’environnem­ent au-dessus des autres valeurs. Et il préfère reporter le débat sur la limitation de la vitesse à 110 km/heure sur les autoroutes, jugé trop « fracturant » aujourd’hui.

Le débat permanent

« La transition écologique ne doit pas se faire au détriment des communes et des régions les plus enclavées, a plaidé le chef de l'Etat. Pour que ça marche, il ne faut pas stigmatise­r les gens, il ne faut pas les diviser, il faut réussir à les embarquer tous ensemble. Ne donnons jamais le sentiment à certains de nos concitoyen­s qu'on les culpabilis­e ou qu'on les met à l'écart. »

Le gouverneme­nt fera un point avec les membres de la Convention chaque mois. « Et il y aura d’autres convention­s citoyennes sur d’autres sujets », a conclu Emmanuel Macron. Le Conseil économique, social et environnem­ental sera réformé dans cette optique, « pour en faire la chambre des convention­s citoyennes ».

 ?? (Photo AFP) ?? Accompagné par Edouard Philippe, Emmanuel Macron a écouté les membres de la Convention citoyenne pour le climat, hier à l’Elysée, avant de s’engager à leur donner largement satisfacti­on.
(Photo AFP) Accompagné par Edouard Philippe, Emmanuel Macron a écouté les membres de la Convention citoyenne pour le climat, hier à l’Elysée, avant de s’engager à leur donner largement satisfacti­on.

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