coups de couteau et d’insupportables silences
Julie Puzenat a été poignardée avec sauvagerie rue Lépante en 2017 par l’homme qu’elle avait quitté depuis peu. Une famille attend des explications. L’accusé, lui, a décidé de dormir
Lâche-moi », hurle Julie. «Ta gueule ! T’as appelé la police ? », questionne Youssef Chnina. Des appels au secours, un dernier cri, un râle… Une policière postée dans un étroit escalier près d’une bouche d’aération est le témoin auditif de l’agonie de Julie Puzenat, une assistante dentaire de 43 ans, mère d’un enfant de 13 ans.
Le 17 mars 2017, vers 23 heures, un nouveau féminicide vient de se dérouler dans un appartement de la rue Lépante. Orientée vers une mauvaise adresse (1), contrainte de passer par une fenêtre, la patrouille de police arrive trop tard et découvre le corps de la victime lardé de coups de couteau. Le légiste en dénombre 53 dont 28 perforants et 7 mortels. Des touffes de cheveux ont été arrachées.
Youssef Chnina est en train de barricader la porte quand il est interpellé. Il est sous l’influence de l’alcool et de la cocaïne. Il tente de se fracasser le crâne en garde à vue. Il reste hospitalisé quelques jours en psychiatrie avant d’être mis en examen pour meurtre aggravé et placé en détention.
« Votre attitude n’est pas respectueuse »
Youssef Chnina, 31 ans, comparaît depuis hier devant la cour d’assises des Alpes-Maritimes. Il refuse son procès. Il est absent des débats. Il dort dans le box malgré une escorte qui cherche, comme elle peut, à le maintenir éveillé alors qu’il s’affale à tout moment sur son banc. Comportement réel ou simulé ? Le président Didier Guissart s’agace : «Enlevez vos mains de vos poches. Ce procès est le vôtre, il sera ce que vous en ferez. Votre attitude n’est pas respectueuse vis-à-vis de la Cour et des parties civiles. » Chnina retombe dans sa torpeur. À chaque interrogatoire devant les enquêteurs de la brigade criminelle ou dans le cabinet du juge d’instruction, l’individu avait observé la même attitude. Un psychiatre, le Dr Jean-Jacques Benichou, rappelle que « l’accusé a du mal à assumer son geste meurtrier ». A-t-il sciemment absorbé une surdose de psychotropes ? Ou joue-t-il un rôle pour échapper à ses responsabilités ? Deux experts interrogés à la barre choisissent la seconde hypothèse. Ils évoquent « un passage à l’acte sur fond de polytoxicomanie ».
Seul le Dr Patrick Brossault pense que c’est un malade mental irresponsable aux yeux de la loi. Le médecin pose un diagnostic de schizophrénie et estime qu’il relève de l’hôpital psychiatrique, pas de la prison.
Déjà condamné pour des violences
L’accusé est énigmatique. Il a quitté la Tunisie à 20 ans, laissant ses parents sur place. Il a ensuite vivoté comme clandestin en Grèce, en Italie puis en France. Peintre en bâtiment travaillant au noir, petit trafiquant de cannabis, il est condamné en 2014 à Nice pour un recel de vol et une cession de drogue. En 2015, il agresse un vigile à coups de couteau devant un bar (sanction : un an ferme). L’une de ses anciennes compagnes, qu’il devait épouser, a subi sa violence. Julie Puzenat a-t-elle été frappée ? Ses proches se souviennent d’un tympan perforé, d’un oeil tuméfié peu de temps avant le drame. Harcelée, épiée par celui avec lequel elle avait rompu après avoir constaté le vol de sa carte bancaire et d’une tablette, elle restait néanmoins secrète. Par sécurité, elle avait demandé à ses ex-beauxparents d’héberger son fils début mars.
Le jour du drame, Julie, célibataire depuis quelques semaines, a eu l’ultime faiblesse d’ouvrir à son ancien amant. Une dernière concession fatale.
Cinq mois auparavant, Julie était tombée amoureuse. Lui, sans domicile fixe, s’est rapidement installé chez elle. Les proches de Julie, son fils surtout, s’inquiétaient de cette relation qui, au fil des mois, apparaissait toxique et dangereuse. Ils avaient malheureusement raison. (1) Une enquête est en cours sur l’attitude de l’opérateur de la salle d’information et de commandement le soir du drame après une plainte pour non-assistance à personne en danger.