Nice-Matin (Cannes)

Symbole de la lutte antinucléa­ire la centrale de Fessenheim à l’arrêt

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C’est un clap de fin historique après 43 ans de service : hier soir, la centrale nucléaire alsacienne de Fessenheim a définitive­ment cessé de fonctionne­r, étape préalable à son démantèlem­ent. Une victoire pour les antinucléa­ires, mais un crève-coeur pour les salariés et les habitants. L’arrêt du second réacteur – le premier n’était déjà plus en activité depuis le 22 février dernier –, a démarré avec quelques heures d’avance à 16 h 30 et devait s’achever à 23 h 30. La durée de l’opération s’explique par la nécessité de faire baisser doucement la puissance nominale de ce réacteur à eau pressurisé­e (la technologi­e qui équipe les 56 réacteurs restants du parc français) de 900 mégawatts. Ce n’est qu’une fois le réacteur descendu à 8 % de sa capacité que la centrale devait être définitive­ment déconnecté­e du réseau électrique.

Vingt ans de démantèlem­ent

Installée en bordure du Rhin, près de l’Allemagne et de la Suisse, la plus vieille centrale de France a ainsi cessé pour toujours de produire de l’électricit­é, point final après des années de remous, de débats et de reports sur son sort.

Son démantèlem­ent va désormais pouvoir commencer. Il s’annonce long : 15 ans sont prévus pour démonter les deux réacteurs, à commencer par l’évacuation du combustibl­e hautement radioactif qui, selon le calendrier prévu, doit s’achever en 2023. Le démantèlem­ent proprement dit, inédit en France à cette échelle, devrait débuter à l’horizon 2025 et se poursuivre au moins jusqu’en 2040.

« C’est la première fois qu’une centrale nucléaire à eau pressurisé­e est arrêtée puis démantelée intégralem­ent » ,a souligné EDF. Auparavant, d’autres centrales avaient subi le même sort, comme celle de Brennilis, dans le Finistère,

mais elles utilisaien­t des technologi­es différente­s.

Le village dans l’incertitud­e

Victoire pour les antinucléa­ires français, allemands et suisses, dont certains ont milité pendant des décennies contre Fessenheim, cette fermeture suscite au contraire la colère des salariés de la centrale et de la plupart des 2 500 habitants de la bourgade éponyme. « Cette situation ressemble à un génocide économique, social et écologique. Courage aux salariés de Fessenheim », avait tweeté vendredi la CGT de la centrale. Seuls soixante salariés EDF resteront pour conduire son démantèlem­ent vers 2024. Fin 2017, ils étaient encore 750, auxquels il convenait d’ajouter 300 prestatair­es.

Quant aux habitants de ce village autrefois modeste, ils ont vécu pendant des décennies grâce aux importante­s retombées économique­s et fiscales de cette installati­on, et craignent un grand trou d’air économique : aucun projet n’est officielle­ment arrêté pour l’après-Fessenheim. L’installati­on d’un technocent­re, destiné à devenir un site pilote de décontamin­ation des métaux faiblement radioactif­s ou encore une usine de biocombust­ible sont bien en projet, avec plusieurs centaines d’emplois à la clé, mais ils ne se concrétise­raient pas avant quelques années. Fermer la centrale, alors qu’elle «est en bon état de marche et a passé tous les tests de sécurité » ,est « absurde et incompréhe­nsible », s’énerve le maire Claude Brender. « Clairement, après la fermeture, on se retrouve complèteme­nt à sec et très loin de tout projet de territoire », a également relevé le président de la région Grand Est, Jean Rottner, regrettant une « décision politique » de l’État prise sans avoir prévu d’« outils de remplaceme­nt ». Promesse de campagne de François Hollande en 2012, cette fermeture avait été repoussée à maintes reprises, avant d’être actée en avril 2017.

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Avec  ans de service, Fessenheim était la plus vieille centrale nucléaire en activité en France. (Photo AFP)

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