Meurtre de Lépante : « La finalité de six mois d’enfer »
Youssef Chnina a écopé hier de trente ans de réclusion pour la mort de Julie Puzenat. Théo, 16 ans, le fils de la victime, bouleversant, a décrit l’emprise qu’a subie sa mère avant le drame
Julie Puzenat a été poignardée à 53 reprises le 17 mars 2017 avant de succomber sur le carrelage de sa salle de bains, dans un appartement de la rue Lépante. Au deuxième jour du procès de Youssef Chnina, 31 ans, jugé pour meurtre aggravé (NiceMatin d’hier), les amies de la victime, son voisin, sa soeur aînée… décrivent «une femme rayonnante », «solaire », « généreuse », «une mère aimante »… Sur les écrans apparaît un gilet si ensanglanté qu’on ne peut en deviner la couleur. Hier soir, la Cour l’a entendue. Elle a condamné Youssef Chnina, 31 ans, à trente ans de réclusion dont deux tiers de sûreté. Une interdiction définitive du territoire a été prononcée. La sanction est conforme aux réquisitions de l’avocat général, David Coullaud.
« Il a volé les sous que j’avais eus à Noël »
Julie Puzenat était une femme fragile depuis son divorce. Octobre 2016, elle tombe sous le charme de Youssef Chnini, un Tunisien sans papiers, sans domicile, peintre en bâtiment, cocaïnomane.
Chnini s’installe aussitôt dans l’appartement de sa conquête et se montre rapidement brutal. Julie est prise au piège de ce qu’elle pensait être une passade. La relation ne durera que six mois mais se termine dans un bain de sang. Théo, 13 ans, à l’époque du drame, fils unique de la victime, s’approche de la barre hier en fin de matinée. Chemise blanche, jean, baskets, l’adolescent se présente mâchoires serrées, teint pâle. Il fixe longuement le regard du tueur avant de prendre la parole. Il s’exprime avec une maturité sidérante devant les jurés. « Je pense que vous êtes là pour juger un crime d’un soir mais ce crime est la finalité de six mois d’enfer, contextualiset-il en préambule. Leur relation s’est très vite dégradée avec des violences, des insultes… »
À peine sorti de l’enfance, il est le témoin du cauchemar de Julie : « Ma mère ne roulait pas sur l’or mais très vite, il lui a volé sa carte bancaire. Elle ne voulait pas lui donner le code. Les violences ont commencé. Elle essayait de dissimuler ses bleus. Il a volé les sous que j’avais eus à Noël et à mon anniversaire. »
« Je ne le souhaite à personne »
Dans le box, l’accusé fait mine d’être assoupi. Il a choisi d’être absent de son procès. L’adolescent poursuit, clairvoyant : « Il l’a vraiment isolée. Il lui volait son téléphone, sa tablette, il la surveillait constamment. C’est un grand manipulateur au point que je commençais à douter de ma propre mère. Je me suis même disputée avec elle à cause de lui. Elle avait peur, elle ne voulait pas me dire la vérité, peutêtre pour me protéger. » Théo raconte un énième incident. Le jeune homme force l’admiration par la clarté de son propos : «Il l’insultait dans la cour, tapait à la porte. On a refusé de lui ouvrir. Il a fini par la casser et par entrer. On a réussi à le calmer. Il est reparti. Ce soir-là, ma mère m’a emmené chez mes grands-parents après avoir porté plainte au commissariat. »
Un couteau sous l’oreiller
« Elle a préféré affronter le danger toute seule pour te préserver. Te mettre à l’abri », observe le président, Didier Guissart. Théo est rattrapé par l’émotion : « Je n’ai pas vu ma mère les deux semaines qui ont précédé sa mort… Ce qui est arrivé, je ne le souhaite à personne. » « Avais-tu caché un couteau de cuisine sous l’oreiller ? », interroge Didier Guissart. « Oui. On ressentait le danger. Quand on entend sa mère se faire battre, qu’on se sent impuissant… En dernier recours, je n’aurais pas hésité à m’en servir. » « Théo attend des explications qui ne sont jamais venues », déplore son avocat, Me Tina Colombani, face à un accusé toujours aussi apathique et amnésique. Me Houdé Khadraoui, pour la défense, le concède : « Mon plus redoutable adversaire aujourd’hui, c’est M. Chnina. »
Alors que l’accusé reste les yeux clos, son avocate tente de le bousculer : « Votre attitude nous a donné envie de vous haïr. » La seule planche de salut pour la défense est le rapport d’un des experts psychiatres estimant que Chnina est un malade mental. Quatre autres experts, l’avocat général et la Cour ont la conviction, au contraire, que la responsabilité pénale de l’accusé est totale.
Théo avait clos sa déposition en fin de matinée par une requête adressée aux jurés : « J’espère que vous prendrez les mesures nécessaires pour qu’il ne refasse plus de mal à personne. » L’adolescent a été entendu.