Nice-Matin (Cannes)

Louis Maubert : « Au Brésil, c’est le flou total ! »

Employé par Vinci, cet habitant de Vallauris de 27 ans raconte la vie telle qu’elle se déroule à Belo Horizonte, troisième ville du pays, qui est en train de se reconfiner. Récit d’un expatrié...

- ÉRIC FAREL efarel@nicematin.fr

Soixante-six mille sept cent quarante et un morts, 1,6 million de cas... Après les ÉtatsUnis, le Brésil est le deuxième pays le plus touché au monde par la pandémie. Un état des lieux dramatique, jusqu’ici totalement dénié par le Président Jair Bolsonaro, qui pourrait bien cependant changer son fusil d’épaule après avoir révélé, avant-hier, que luimême avait été testé positif au virus...

À propos, les déclaratio­ns à l’emporte-pièce et les prises de position du dirigeant d’extrême droite ont-elles une influence réelle sur le comporteme­nt de la population brésilienn­e ? Surtout, font-elles autorité dans un pays dont le fonctionne­ment administra­tif est un peu calqué sur celui des ÉtatsUnis ? Pas si sûr, ainsi qu’en témoigne Louis Maubert.

Ce Vallaurien de 27 ans vit à Belo Horizonte, grande mégapole du Minas Gerais, à quelque 550 kilomètres au nord-ouest de Rio, depuis 14 mois. « Je suis responsabl­e administra­tif et financier d’une filiale de Vinci, précise-t-il. Au début pour moi, ça a été beaucoup de découverte­s. Mais sinon, la vie ici est assez cool, avec des gens sympas et un climat plutôt agréable. »

Et quid de la crise ? « Bien sûr, tout le monde est au courant de ce qui se passe. Tout au moins dans les villes. Par contre, il n’y a pas de vision d’ensemble au niveau du pays. Le ministère de la Santé, certes, assure une certaine communicat­ion mais les données qu’il fournit divergent de celles des États. De sorte qu’on ne sait pas trop où on en est et qu’on a du mal à obtenir des chiffres cohérents. »

« Au Brésil, ce sont les États qui décident »

Et il en va de même des mesures mises en place… « Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’au Brésil, les directives, les règles, sont décidées par les États. Ce sont les gouverneur­s qui ont toute latitude pour les fixer. De plus, chaque ville a sa propre politique de confinemen­t et de déconfinem­ent. Il est donc difficile de s’y retrouver. A Belo Horizonte par exemple, le port du masque est obligatoir­e dans les zones très fréquentée­s et les gens qui n’en mettent pas peuvent écoper d’une amende. Mais pas dans les villes voisines. Chaque maire fait un peu ce qu’il veut chez lui. Du coup, ça crée des disparités énormes et ça complique la communicat­ion. Pour résumer, on a les informatio­ns mais pas l’unificatio­n comme cela est le cas en France. »

Pour autant, Louis note que les Brésiliens sont assez discipliné­s. « C’est une réalité, les gens sont plutôt respectueu­x des consignes même si l’amende pour non-port du masque n’est que de 15 euros. Il faut dire qu’il existe ici un climat de délation : on dénonce volontiers ceux qui outrepasse­nt les règles. Et puis il y a beaucoup de police qui tourne et qui surveille. Ce qui est intéressan­t, c’est que dans les endroits les plus riches de la ville, le respect des mesures est quasi total.

Ailleurs, ce n’est pas la même chose et dans les quartiers défavorisé­s on rencontre beaucoup de SDF sans masque. »

« La cote de Bolsonaro est en baisse »

À Belo Horizonte, les transports en commun ont été remis en service. Mais la troisième agglomérat­ion du pays – après Sao Paulo et Rio de Janeiro – [2,4 millions d’habitants, ndlr], est en train de revoir sa politique. «Ilyaeuunpr­emier déconfinem­ent et ça a dégénéré, commente Louis Maubert. Une partie des commerces avait rouvert, les coiffeurs, les bars, etc., mais un gros pic de contaminat­ions a été enregistré et depuis cette semaine, les autorités ont pris la décision de reconfiner. Du coup, tout est à nouveau fermé : les parcs, les magasins, les lieux de loisirs, les restaurant­s, les bars... Certains se risquent à ouvrir quand même mais c’est à leurs risques et périls car ils sont passibles d’une très grosse amende. » Une consolatio­n pour le jeune homme : la crise, le virus, n’ont pas mis son emploi en danger. « Pendant le confinemen­t, l’usine [de fabricatio­n de compteurs électrique­s, ndlr] qui emploie 300 personnes, a continué de tourner, avec toutes les mesures de protection adéquates : masques, gel, distanciat­ion. Concernant les bureaux, 80 % du personnel environ est à l’arrêt. Moi-même, j’ai arrêté un mois. » Un moindre mal dans le contexte actuel qui voit la cote de Jair Bolsonaro décliner... «Elleest en baisse, c’est vrai. Mais il n’empêche qu’en me baladant récemment en ville, j’ai assisté à une manifestat­ion en sa faveur. Il a perdu des supporters mais il en a encore. Ça ressemble vraiment à ce qui se passe aux États-Unis avec Trump. » Louis ne rentrera pas en France dans les mois qui viennent. «Jele pourrais, car tout n’est pas encore fermé. Mais je me poserai la question d’ici un à deux ans. Au Brésil, je ne me sens pas spécialeme­nt en danger par rapport à mon âge et à ma condition physique. Et je sais que si je tombais malade, j’aurais accès aux soins dans les meilleurs hôpitaux de la ville. Je ne suis donc pas inquiet d’autant que je ne sors pas le week-end et que je vois très peu de gens. Cela d’ailleurs commence à me peser. Ce qui est dur, c’est qu’on ne voit pas le bout du tunnel. C’est le flou total et aucune prévision n’est fiable. » Comme, hélas ! dans beaucoup d’autres pays.

QUELLES RÉGIONS OU VILLES SONT RECONFINÉE­S ?

 ?? (DR) ?? Louis Maubert : « Ce qui est dur, c’est qu’on ne voit pas le bout du tunnel. »
(DR) Louis Maubert : « Ce qui est dur, c’est qu’on ne voit pas le bout du tunnel. »

Newspapers in French

Newspapers from France