Nice-Matin (Cannes)

En route vers le Point sublime

Les Alpes-Maritimes ont aussi leur « petit Colorado ». Dans la haute vallée du Var, les gorges de Daluis et leurs teintes rouges sont à découvrir, en partant de bonne heure

- JIMMY BOURSICOT jboursicot@nicematin.fr PHOTOS : ÉRIC OTTINO

On n’a pas pensé à faire rugir Born to Be Wild, classique du groupe Steppenwol­f, au moment d’enchaîner les derniers lacets de bitume. On n’a pas non plus dévoré la route depuis Nice au guidon d’un chopper rutilant, comme les héros d’Easy Rider. Malgré cela, le sentiment d’évasion, de liberté retrouvée, loin de la ville et de sa frénésie estivale à marche forcée, était bien présent.

Le « Colorado niçois ». Voilà le sobriquet dont ont hérité les gorges de Daluis. Une référence à la couleur de la roche, dans laquelle une route sinueuse serpente, avec ses tunnels taillés dans la pierre. Ocre à certains endroits. Lie-de-vin, brune ou rouge orangée à d’autres (lire ci-dessous). Dans le premier tiers du XXe siècle, un tramway, censé doper l’attrait économique et touristiqu­e du secteur, y circulait.

Pour s’offrir cette escapade vers le bien nommé Point sublime, située sur le territoire de Guillaumes, moins coûteuse qu’un billet pour l’État de l’Ouest américain, il faut opérer une légère incursion dans les Alpes-de-Haute-Provence, en admirant la citadelle d’Entrevaux, qu’on laisse (pour aujourd’hui) filer dans le rétro. Après avoir passé la commune de Daluis et aperçu le rocher de la Tête de femme, le pont de Cante, point de départ de notre rando, n’est plus très loin.

Au menu, une escapade d’un peu moins de quatre heures démarrant à 771 mètres d’altitude, longue d’environ huit kilomètres, avec un dénivelé positif de 500 mètres. Une « aventure » de niveau moyen, à débuter de bonne heure pour éviter les trop fortes chaleurs, même si certains passages s’effectuent à l’ombre.

Changement de décor

Entre les pins, les fraisiers et les buis, on prend rapidement de la hauteur. Dans notre dos, le panorama se dessine par petites touches successive­s, de plus en plus spectacula­ires. On se dit que le meilleur reste à venir. En atteignant le plateau de la Saussette, après avoir suivi un sentier parfaiteme­nt fléché, on change de décor. Au milieu de la garrigue, une ferme abandonnée est plantée là, avec son accueillan­t écriteau indiquant « maison piégée » en lettres rouges, un antique tracteur et une vénérable Peugeot 203 mordus par la rouille. Autre curiosité, l’ancienne chapelle SaintJean, avec ses bancs de bois tenant encore debout, devant laquelle un point d’eau a été installé. Le chemin poursuit en descente, on allonge le pas en direction du pont de Berthéou. Le soleil tape bien comme il faut, mais ce n’est pas le moment de relâcher l’effort. D’autres avant nous ont sué à plus grosses gouttes sur cette voie de la haute vallée du Var, empruntée par les bergers en période de transhuman­ce depuis toujours, mais aussi « haut lieu de la Résistance », comme nous l’indiquera plus tard un panneau explicatif.

Belvédère vertigineu­x

Un chemin, large et peu pentu, nous guide vers notre Graal du jour, ce Point sublime permettant d’admirer les merveilles façonnées en l’espace de 250 millions d’années, au coeur de cette réserve naturelle régionale.

On contourne les mud cracks, ces craquelure­s de boue argileuses fossilisée­s et, depuis une plateforme sécurisée, on en prend plein les yeux. Face à nous, un canyon impression­nant, où le Var ne semble être qu’un filet d’eau s’échappant d’un robinet mal fermé. Jusqu’au début du XXe siècle, des mineurs risquaient leur vie dans ce décor de carte postale pour extraire du cuivre, de l’argent, de l’or et une soixantain­e d’autres minéraux. Tandis que des familles réglaient leur compte à un casse-croûte bien mérité, on entamait la dernière partie de notre boucle, la plus facile de la journée. De retour à la voiture, après avoir laissé derrière nous le célèbre pont de la Mariée, très prisé des amateurs de saut à l’élastique, on s’accordait une halte à Guillaumes pour reprendre quelques forces. Dure journée, n’est-ce pas ?

D’anciennes mines de cuivre

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