Nice-Matin (Cannes)

Dans la légende

Joueur des Sharks depuis 2012, Tim Blue a annoncé, hier, la fin de son aventure azuréenne à 36 ans. L’Américain aux dreadlocks aura marqué le club par son talent et sa bonhomie

- VIVIEN SEILLER

Il a tout juste eu le temps de souffler sa trentesixi­ème bougie qu’il a fallu siffler la fin de la partie. Hier matin, la nouvelle tant redoutée est tombée. Un post Instagram, quelques photos et une légende sans équivoque. Tim Blue a fait dans la sobriété pour officialis­er la fin de son bail antibois le jour de son anniversai­re. Une sortie à son image. Avec classe et simplicité. Le club, lui, n’a réagi que quelques heures plus tard pour confirmer l’informatio­n par un communiqué. À la rentrée, l’AzurArena perdra un bout de son âme et les Sharks devront faire sans leur intérieur aux dreadlocks. Celui qui les a si longtemps portés par son talent. Demandez donc aux nombreux joueurs passés par Antibes ces dernières années, tous vous chanteront le même refrain teinté d’honnêteté. Cet ailier fort faussement nonchalant était une perle. Un élément dominant en Pro B comme en Pro A.

« C'est clairement l'un des joueurs les plus talentueux avec lequel j'ai joué » , assure Isaia Cordinier, ancien coéquipier aujourd’hui à Nanterre. « C'est presque un arrière dans un corps d'ailier fort, lâche Julien Espinosa, ancien coach des Sharks aujourd’hui à Chalon-sur-Saône. Il a un niveau de maîtrise et de coordinati­on qui est le même, voire meilleur que ce qu'on peut retrouver chez des arrières qui font 20 cm de moins. » Tim Blue, c’est avant tout une patte gauche de velours. Une douceur dont il est conseillé d’abuser.

« Il a une main exceptionn­elle, lâche

‘‘ Vincent Collet, sélectionn­eur de l’Équipe de

France et ancien entraîneur de Strasbourg. Une capacité à scorer très au-dessus de la moyenne. Ce n’est pas facile de défendre face à lui. On sait qu’il est gaucher et c’est toujours gênant. C’est difficile de stopper des joueurs de ce niveau. » Pourtant, peu de monde connait le garçon lorsqu’il débarque sur la Côte d’Azur à l’été 2012. Originaire de Floride, Blue évolue à cette époque-là dans le championna­t finlandais et le directeur sportif Jacques Stas, flaire la bonne affaire.

« Après coup, j’ai entendu beaucoup de monde dire qu'ils l’avaient repéré, sourit Julien Espinosa. La réalité, c'est ce que c'est à Antibes qu'il s'est engagé et projeté. » Huit longues années, couronnées de coups d’éclat flamboyant­s et de trophées soulevés. Avec l’OAJLP, le n°4 a remporté le titre de champion de France de Pro B en 2013, la finale d’accession en Pro A en 2015 et un titre en Leaders Cup la même année. L’intérieur a même traîné son double mètre (2m05) à deux reprises sur le parquet de Disney pour goûter aux joies du All Star Game en 2015 et 2016. Ajoutez-y quelques titres de MVP et de joueur du mois, pour assimiler le talent d’un garçon qui mériterait bien sa statue à l’entrée de l’antre antiboise. Tombé amoureux de la cité des Remparts, le natif de Palm Beach Gardens a préféré miser sur la stabilité quitte à se priver d’une carrière encore plus dorée.

« Il est resté malgré les deux descentes, c’est énorme ce qu'il a fait pour la ville et l'organisati­on », appuie Cordinier. « Il n’a jamais douté sur ce qu'on venait faire en Pro B, enchaîne Espinosa, dithyrambi­que sur un garçon qu’il a longtemps dirigé. Il fait partie de ces joueurs qui avaient une vision très nette de la façon dont cette saison devait se dérouler. Il avait une haute estime du club d'Antibes et de ce qu'on pouvait y faire. »

Survenu au bord du parquet en décembre 2017, son Accident Vasculaire Cérébral a jeté un froid dans l’entourage du club et laissé planer un doute sur la suite de sa carrière.

Mais le destin lui a souri, ‘‘Timmy’’ s’en est remis et la machine est repartie. Jamais un joueur US ne sera resté aussi longtemps dans un club français. Fidèle parmi les fidèles, Blue n’a pas abandonné le navire même par temps de pluie. Avec lui, le club tenait un général loyal et les joueurs un camarade fiable malgré ses lacunes défensives.

« C’est un gars qui a toujours fait passer l'équipe en premier, loue Espinosa. Il pouvait me dire de le laisser sur le banc parce qu'il estimait qu'un coéquipier faisait le job. C'est aussi une des raisons qui le rendait si attachant pour ses coéquipier­s. Il les traitait tous de la même manière, il n'allait jamais prendre un gamin de haut. Tu ne trouveras personne pour te dire un truc négatif sur sa personnali­té. C’est la grande classe. »

Auteur d’un carton face à Pau-Orthez un soir de novembre 2018 (33 points, 9 rebonds et 3 passes pour 39 d’évaluation), ‘‘Bluezay’’ a longtemps régalé le public qui le lui rendait bien.

Il n’y avait qu’à le voir manoeuvrer dans la peinture, travailler son adversaire au corps et déposer le cuir dans le cercle, des dizaines de fois par match, pour rentabilis­er son droit d’entrée. Mais il paraît que toutes les belles histoires ont une fin et les Sharks ont décidé de stopper la partie avant la reprise.

Le joueur, lui, en fin de contrat, aurait bien prolongé le plaisir pour rentrer un peu plus dans l’histoire de son club de coeur (voir ci-contre).

Dans les couloirs de l’AzurArena, il s’est longtemps murmuré que l’entraîneur Nikola Antic n’était pas fan du profil de son intérieur américain. Il ne sera donc pas retenu et l’avenir se chargera de donner (ou non) du crédit à ce choix. En attendant, les hommages se bousculent sur les réseaux sociaux pour saluer la carrière d’un joueur rentré dans la légende. Reste à savoir si sa carrière se poursuivra chez les pros ou dans un club local pour finir en douceur. A Antibes, il y a eu Lee Johnson, Micheal Ray Richardson ou encore Robert Smith. Il y aura désormais Tim Blue derrière les portes du panthéon.

En huit ans à Antibes, Tim Blue a tout connu et s’est imposé comme un joueur majeur de l’histoire du club. Retour en chiffres sur ce brillant parcours.

Ce qu’il a fait pour la ville est énorme”

 : Il ne lui manquera donc que treize points. Treize petites unités pour devenir le meilleur scoreur des Sharks d’Antibes. Avec  points inscrits sous les couleurs azuréennes, Tim Blue pointe au deuxième rang des meilleurs scoreurs du club derrière Stéphane Ostrowski (). Foutu virus…

 : S’il ne trône pas en tête du classement des meilleurs marqueurs, le numéro  est bien le meilleur rebondeur de l’histoire du club antibois avec  prises. Tim Blue en a cueilli  de plus que Stéphane Ostrowski.

‘‘

Il n’allait jamais prendre un gamin de haut”

 : Comme son nombre de participat­ions au All Star Game ( et ). Le Floridien avait également été retenu en  mais n’avait pu y participer en raison d’un petit AVC.

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(Photo Frantz Bouton)

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