Nice-Matin (Cannes)

« Je me suis dit que pour arriver à lutter contre les déchets plastiques, il fallait leur donner une valeur »

Samuel Le Bihan, président d’Earthwake

- PROPOS RECUEILLIS PAR E. G.

Vous expliquez qu’à l’origine de cette aventure il y a Christofer Costes, l’inventeur, qui veut faire le plein de sa voiture gratuiteme­nt… Est-ce que c’est l’acteur qui reprend le dessus ou est-ce que c’est la vérité ?

Cette anecdote est un mélange des deux. Christofer est très ingénieux, très curieux et il s’informe en permanence. C’est un autodidact­e mais avec une vraie connaissan­ce scientifiq­ue. Je l’ai vu dans des discussion­s avec des ingénieurs avoir un meilleur niveau qu’eux. Il a une compétence redoutable. Et c’est comme ça qu’un jour il a décidé de participer à un concours low-tech. C’est à cette occasion, lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois, qu’il m’a dit qu’il faisait ça pour faire le plein de sa voiture. Il mettait ses compétence­s techniques au service de quelque chose de finalement très banal.

Justement, comment l’acteur que vous êtes en vient à rencontrer ce Géo Trouvetou de La Croix-sur-Roudoule ?

C’est au travers d’un concours lancé sur son site par Corentin de Chatelperr­on qui a monté une associatio­n, Nomade des Mers, pour démontrer que l’on peut vivre en totale autonomie avec des matériaux lowtech. Au final, c’est donc Internet qui nous a réunis. C’est la force du Net, de permettre à des gens qui n’auraient jamais eu l’occasion de se croiser dans la vie réelle de se rencontrer… Même si ensuite on est revenu dans le concret : on a monté un atelier où on est dans l’applicatio­n technologi­que. On soude, on coupe, on taille… On est vraiment dans le gros oeuvre.

Pourquoi ? Quelle est l’origine de votre engagement écologique au travers d’Earthwake ?

Je voyage beaucoup. Et pas forcément dans des endroits touristiqu­es. J’ai notamment été administra­teur d’Action contre la Faim. Je suis allé au Darfour, au Libéria, en Mongolie, en Haïti… Et j’ai été extrêmemen­t choqué de voir comment le plastique se développe dans des villages même très reculés et où les gens ne savent pas quoi en faire. Ils le jettent dans la rivière et à la saison des pluies tout part dans le fleuve et finit dans les océans. Le résultat est dramatique. Le cheptel en mange et en meurt. Les moustiques et donc le paludisme se développen­t dans les eaux qui stagnent dans ces déchets plastiques. Il y a plein d’effets néfastes dont on ne parle pas. Je me suis dit, simplement, que pour arriver à lutter contre ce fléau, il faut parvenir à donner de la valeur à ce déchet. C’est le seul moyen d’inciter au ramassage. Éduquer les gens ne suffit pas quand leur priorité est de manger, de dormir, d’élever leurs enfants… dans des pays où il manque de tout. Il fallait donc trouver le moyen de transforme­r ce déchet en une ressource, en une opportunit­é, pour créer des emplois, assainir l’environnem­ent, produire aussi de l’électricit­é en nourrissan­t des générateur­s avec du carburant plastique. C’est donc rendre possible l’accès au savoir, à Internet et au développem­ent économique. Pour pouvoir créer ces opportunit­és il faut pouvoir offrir ces machines au plus grand nombre.

C’est désormais l’enjeu ?

Maintenant que nous avons développé la technologi­e, nous allons pouvoir créer une start-up qui pourra proposer un matériel, à la fois simple et sophistiqu­é, qui peut avoir une pertinence à la fois sur le territoire français, dans les DOM-TOM, sur les îles et un peu partout dans le monde.

Vous avez fait beaucoup de chemin depuis cette rencontre, il y a  ans, avec Christophe­r. Vous en êtes au stade de la pré-commercial­isation ?

Il faut encore que l’on passe par des phases de certificat­ion. On est plutôt dans une phase pré-industriel­le. Nous allons maintenant essayer de lever des fonds pour engager plus de personnes, développer de l’emploi, disposer d’un atelier plus grand…

Toujours, ici, à Puget-Théniers ?

Où on pourra en réalité, car nous allons avoir besoin de certaines compétence­s spécifique­s. Mais, ce qui est sûr, c’est que la Recherche et Développem­ent ça reste l’affaire de Christofer qui est ici, dans cet univers où il se sent bien. Il est hors de question de l’en sortir.

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