« On distribuera des plaids », « on mettra des doudounes » pour pallier la fin des terrasses chauffées
La fin des terrasses chauffées ? Une annonce qui contrarie Sylvain Joannides, cogérant du Bistrot de Jennifer, cours Saleya, à Nice. Sa terrasse est équipée de trois chauffages d’extérieur, qu’il allume de novembre à fin février/début mars. Ce qui lui permet de faire vingt couverts supplémentaires, la salle étant limitée à 40 couverts. « L’hiver, cours Saleya, c’est très dur de bien travailler, souffle le jeune homme. Qu’on interdise les champignons chauffants au gaz parce qu’ils sont dangereux, ok. Mais là... je ne comprends pas trop en fait » admet Sylvain à qui on explique que c’est en raison de l’impact écologique de ces appareils qui consomment énormément d’énergie. « En tant que citoyen je me dis qu’ils ont raison de faire ça. Le réchauffement climatique nous impactera dans 10 ans ou ça impactera mon fils. En tant que commerçant je me dis que ça me fait perdre de l’argent... »
«Ça ne dissuadera pas les gens d’aller au restaurant »
Sa « voisine » de terrasse, Marion Boyadjis, gérante du restaurant CaSaleya, en convient : « d’un point de vue écologique, c’est aberrant de chauffer le ciel. Les gens aiment bien manger en terrasse toute l’année mais si tout le monde est logé à la même enseigne, les clients n’auront pas d’autres choix que de dîner à l’intérieur. Si c’est juste un report de clientèle de l’extérieur vers l’intérieur, ça va. Car je ne pense pas que ça dissuadera les gens d’aller au restaurant. Ici nous avons beaucoup de places à l’intérieur. Le problème se pose peut-être davantage pour les établissements qui ne travaillent quasiment qu’avec leur terrasse. Pour l’extérieur on trouvera autre chose. On distribuera des plaids par exemple. On a un peu le temps d’y réfléchir. Et pour le moment ce n’est pas le sujet qui nous préoccupe le plus... » ajoute-t-elle en repositionnant son masque chirurgical.
Pour Clémence Ciftci, responsable du Topaze, bar restaurant situé quai de Etats-Unis, face à la mer, cette nouvelle interdiction est une mauvaise nouvelle pour l’établissement qui s’est doté, en janvier, de trois radiateurs d’extérieur. « On s’est dit que serait bien pour chauffer la terrasse, parce que l’hiver dernier, même si la terrasse était fermée, il faisait froid, on n’a pas eu beaucoup de monde. On passe notre temps à faire des choses puis à défaire... regrette-t-elle. Mais pour l’écologie c’est bien ».
« Une action sparadrap »
Attablée cours Saleya, à la terrasse du Pop ô Thym, devant un Perrier rondelle, Béatrice Ghorra réagit : « pour moi c’est une action sparadrap. On s’en prend à une catégorie professionnelle qui souffre déjà beaucoup de la crise mais il y a tellement d’autres moyens d’agir. Ça va faire parler, jaser, mais le vrai sujet pour moi c’est plutôt comment on se déplace demain ? Que vont mettre en place les entreprises pour réduire leur empreinte carbone ? Est-ce que le tourisme de masse a toujours une raison d’être ? Faut-il continuer d’acheter des tomates d’Espagne quand on sait le trajet qu’elles font pour arriver jusqu’à nous alors qu’il y a des petits producteurs locaux ? Si on a froid en terrasse l’hiver on mettra une grosse doudoune ».
« Ou on boira plus » plaisante le patron Jean-Marie Nohra. Interdire aux restaurateurs d’utiliser des chauffages d’extérieur pour sauver la planète ? « Chacun définit ses propres priorités » ironise-t-il. « En hiver nous posons une cloison mobile rigide (vitrée, avec un cadre en aluminium) pour fermer la terrasse et au-dessus notre bâche est imperméable et étanche, l’air ne passe pas. Si bien que quand nous sommes pleins, on coupe le chauffage car avec la crêpière il fait trop chaud » ajoute, serein, celui qui pense être bien préparé.