Un glacier accusé de servir des « desserts racistes »
Depuis ce week-end, le Poussin Bleu à Saint-Raphaël est la cible d’une polémique en raison de deux coupes de glace dont les noms, selon certains, véhiculeraient des préjugés racistes. Explications
Les fameuses glaces du Poussin Bleu, établissement inauguré en 1947 sur le front de mer du Veillat à Saint-Raphaël, se sont dégustées au fil des générations sans aucune modération. Le “Clown”, le “Volcan”, la “Tulipe” : depuis 70 ans, la carte du glacier raphaëlois regorge de couleurs et de parfums. Parmi toutes ces appellations, un consommateur avait déjà relevé, l’été dernier, le nom d’une glace originellement baptisée “L’Africaine”. Il s’agit d’une glace au chocolat garnie de crème chantilly, agrémentée d’une tête en meringue chocolatée et d’un filet de pâte d’amande rouge en guise de bouche. Il est vrai pulpeuse… pour ne pas dire gourmande. Photo à l’appui, cette petite tête glacée servie dans une coupe a, de nouveau, provoqué de nombreux commentaires indignés sur les réseaux sociaux. À l’instar de celui envoyé, ce week-end, par un consommateur de passage : « Je vous demanderai de bien vouloir boycotter le “Poussin Bleu” à Saint-Raphaël qui sert des desserts sous des noms et des dressages parfaitement racistes… »
Et si “L’Africaine” est restée en travers de la gorge de ce client, il a bien failli s’étouffer lorsque, une rangée plus bas, il a découvert un sorbet au citron… alias “Le Chinois” pour les gourmands. Tant et si bien qu’il a décidé de saisir le député de la circonscription. Philippe Michel-Kleisbauer s’est adressé, dimanche soir, au préfet Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la lutte anti-LGBT, en lui faisant suivre le lien afin qu’il puisse lire l’ensemble des commentaires acerbes suscités par ces deux desserts.
« À notre époque, cela n’a plus sa place… »
« Permettez-moi de vous solliciter dans le cadre d’un signalement, sur Twitter, concernant un établissement à Saint-Raphaël sur ma circonscription, écrit le parlementaire au représentant de l’État (1). Avec votre conseil, je souhaite mener une action, ouvrir un dialogue et même organiser un débat à ce sujet. ».
Un débat pour deux glaces au chocolat et au citron ? Les temps et les mentalités ont bien changé, ricaneront certains.
Pour d’autres, il est visiblement grand temps de tirer un trait définitif sur des moeurs et coutumes qui rappellent une lointaine période coloniale – qui, il est vrai, n’est plus d’actualité en ce IIIe millénaire. « Je comprends très bien que les patrons du Poussin Bleu n’ont pas voulu blesser quiconque, réagit le député. Mais à notre époque, ce genre de chose n’a plus sa place. Je ne veux culpabiliser personne, mais il existe aujourd’hui une fracture dans notre société et parfois, sans le vouloir, on peut être blessant. Je me suis toujours battu contre toutes les discriminations et je veux désormais développer une certaine pédagogie afin de reconnaître l’autre comme son semblable. En présence du préfet, je souhaite, peut-être en fin de saison, organiser un débat dans ce même établissement, afin que chaque partie puisse librement s’exprimer et démontrer sa bonne foi. En revanche, je ne partage pas l’idée de boycott ou les propos haineux qui visent les patrons de cet établissement. Je veux juste rétablir un dialogue. »
« Quelque part, ces gens desservent leur cause »
Du côté de l’hôtel de ville, le maire n’a pas manqué de sourire lorsqu’il a découvert cette affaire. « Effectivement, cela peut prêter à sourire. D’autant que connaissant personnellement cette famille, je peux vous affirmer qu’elle est tout sauf xénophobe ou raciste, assure Frédéric Masquelier. Cela fait sept décennies que ces glaces sont au menu ! Moi-même, lorsque j’avais 10 ans, je me délectais de cette fameuse glace au chocolat. Alors oui, aujourd’hui ce n’est plus dans l’air du temps. Mais de la à en faire toute une histoire, appeler au boycott… non ! Quelque part, je pense que ces gens desservent la cause pour laquelle ils agissent… »
Hier, à l’heure du goûter, les fins gourmets du Poussin Bleu n’ont eu d’autre choix que de se rabattre sur l’incontournable coupe “vanille-fraise” ou l’indémodable chocolat liégeois. Car les coupes incriminées, elles, ont bel et bien été rayées de la carte. 1. Hier, Frédéric Potier n’a pas souhaité réagir.