Bruit, incivilités, tensions : le tourisme sous pression ?
Le sujet s’évoque à mots couverts, mais il semble que cet été particulier soit entaché d’incivilités à la hausse. Un autre virus pour les élus et professionnels du tourisme, gênés aux entournures…
Un problème, cet été, lié à la typologie de la fréquentation touristique ? «Pas chez moi, interrogez plutôt la plage d’à-côté. » Ce Cannois désemparé coupe court à tout débat ; pas même envisageable de nous parler. Même embarras à Nice, où un professionnel du tourisme désabusé se défausse dans un soupir : « Je n’ai pas envie d’avoir un procès sur le dos. » Fin de non-recevoir, le sujet est clos avant même d’être abordé.
De quoi s’agit-il ? D’une explosion, croit-on savoir, de nuisances sonores, d’incivilités et de comportements inadaptés sur une Côte d’Azur qui, faute de pouvoir accueillir Américains, Chinois et Russes très argentés, doit s’accommoder d’une clientèle plus resserrée. Voire d’un public local auquel se mêle, pourquoi en serait-il autrement, celui de la cité. Des arguments qui flirtent avec la discrimination circulent allègrement. « Off », naturellement. Si, à Cannes, on assure que « tout est rentré dans l’ordre » et qu’il n’y a plus « rien à signaler » ,à Nice, on ne cherche pas à éluder. « Le sujet est sensible, mais il est réel », admet Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice, en charge de la sécurité. L’aspect « sensible » du sujet, c’est la proportion élevée de jeunes gens issus des quartiers parisiens, lyonnais, marseillais et donc niçois. Qui, privés de vacances plus lointaines, sont tentés de profiter quand même, ici, de leur été. Rien que de très banal et normal, d’ailleurs Anthony Borré rappelle que « tout le monde est bienvenu àNice» , qu’il ne saurait être question de « stigmatiser » et que luimême « se garde bien de faire des généralités ».
Deux fois plus de PV
Tout de même, des faits. Lors d’une opération récente, les forces de l’ordre ont délogé des fêtards qui occupaient les galets en provoquant des troubles à l’ordre public, à grand renfort de musique et de bière ou de vodka. La police municipale, qui déploie durant tout l’été une cinquantaine d’agents chaque soir dans l’hypercentre, où s’agrègent les activités touristiques, ne chôme pas. « Entre le 15 juin et le 15 juillet, 300 procès-verbaux ont été dressés pour des nuisances en tout genre. C’est deux fois plus que l’année dernière », constate Anthony Borré. Un élément tangible, qui s’explique peut-être par l’ennui, aussi par la fermeture des discothèques, et bien entendu par les frustrations du confinement, suivies par un certain relâchement. Impossible de passer sous silence le léger malaise que cette affluence peut générer. Un restaurateur de Nice se félicite de ce que l’on ne puisse plus venir plonger depuis le rocher des Bains de la police, ce qui évite les concentrations trop importantes. Mais il a mandaté une société de sécurité pour qu’un vigile empêche l’accès à son établissement depuis la plage. Il décrit des « attroupements », parfois « autour d’une chicha » ,des « frictions », un certain « échauffement des esprits », l’alcool aidant, dans un climat incitant les familles à « réfléchir à deux fois » avant de sortir. « Une fille que l’on siffle » ou « un simple regard » et la situation peut s’envenimer. Tout cela instille, sinon un sentiment d’insécurité, « une intranquillité ».