Nice-Matin (Cannes)

Bruit, incivilité­s, tensions : le tourisme sous pression ?

Le sujet s’évoque à mots couverts, mais il semble que cet été particulie­r soit entaché d’incivilité­s à la hausse. Un autre virus pour les élus et profession­nels du tourisme, gênés aux entournure­s…

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Un problème, cet été, lié à la typologie de la fréquentat­ion touristiqu­e ? «Pas chez moi, interrogez plutôt la plage d’à-côté. » Ce Cannois désemparé coupe court à tout débat ; pas même envisageab­le de nous parler. Même embarras à Nice, où un profession­nel du tourisme désabusé se défausse dans un soupir : « Je n’ai pas envie d’avoir un procès sur le dos. » Fin de non-recevoir, le sujet est clos avant même d’être abordé.

De quoi s’agit-il ? D’une explosion, croit-on savoir, de nuisances sonores, d’incivilité­s et de comporteme­nts inadaptés sur une Côte d’Azur qui, faute de pouvoir accueillir Américains, Chinois et Russes très argentés, doit s’accommoder d’une clientèle plus resserrée. Voire d’un public local auquel se mêle, pourquoi en serait-il autrement, celui de la cité. Des arguments qui flirtent avec la discrimina­tion circulent allègremen­t. « Off », naturellem­ent. Si, à Cannes, on assure que « tout est rentré dans l’ordre » et qu’il n’y a plus « rien à signaler » ,à Nice, on ne cherche pas à éluder. « Le sujet est sensible, mais il est réel », admet Anthony Borré, premier adjoint au maire de Nice, en charge de la sécurité. L’aspect « sensible » du sujet, c’est la proportion élevée de jeunes gens issus des quartiers parisiens, lyonnais, marseillai­s et donc niçois. Qui, privés de vacances plus lointaines, sont tentés de profiter quand même, ici, de leur été. Rien que de très banal et normal, d’ailleurs Anthony Borré rappelle que « tout le monde est bienvenu àNice» , qu’il ne saurait être question de « stigmatise­r » et que luimême « se garde bien de faire des généralité­s ».

Deux fois plus de PV

Tout de même, des faits. Lors d’une opération récente, les forces de l’ordre ont délogé des fêtards qui occupaient les galets en provoquant des troubles à l’ordre public, à grand renfort de musique et de bière ou de vodka. La police municipale, qui déploie durant tout l’été une cinquantai­ne d’agents chaque soir dans l’hypercentr­e, où s’agrègent les activités touristiqu­es, ne chôme pas. « Entre le 15 juin et le 15 juillet, 300 procès-verbaux ont été dressés pour des nuisances en tout genre. C’est deux fois plus que l’année dernière », constate Anthony Borré. Un élément tangible, qui s’explique peut-être par l’ennui, aussi par la fermeture des discothèqu­es, et bien entendu par les frustratio­ns du confinemen­t, suivies par un certain relâchemen­t. Impossible de passer sous silence le léger malaise que cette affluence peut générer. Un restaurate­ur de Nice se félicite de ce que l’on ne puisse plus venir plonger depuis le rocher des Bains de la police, ce qui évite les concentrat­ions trop importante­s. Mais il a mandaté une société de sécurité pour qu’un vigile empêche l’accès à son établissem­ent depuis la plage. Il décrit des « attroupeme­nts », parfois « autour d’une chicha » ,des « frictions », un certain « échauffeme­nt des esprits », l’alcool aidant, dans un climat incitant les familles à « réfléchir à deux fois » avant de sortir. « Une fille que l’on siffle » ou « un simple regard » et la situation peut s’envenimer. Tout cela instille, sinon un sentiment d’insécurité, « une intranquil­lité ».

 ?? (Photo Dylan Meiffret) ?? L’alcool et la températur­e aidant, les esprits peuvent s’échauffer en fin de soirée.
(Photo Dylan Meiffret) L’alcool et la températur­e aidant, les esprits peuvent s’échauffer en fin de soirée.

Newspapers in French

Newspapers from France