Nice-Matin (Cannes)

« L’augmentati­on de la températur­e décuple l’agressivit­é »

Docteur Jérôme Palazzolo, psychiatre à Nice

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Psychiatre à Nice, le docteur Jérôme Palazzolo répond à nos questions sur la corrélatio­n entre le climat et notre agressivit­é. Non, ce n’est pas une légende.

Quelle est l’incidence de la chaleur sur notre comporteme­nt ?

C’est quelque chose qui est assez connu au niveau psychologi­que. Avec, à mon sens, deux points essentiels à relever. Déjà, quand il fait plus chaud, par définition les gens sortent plus et ont, par conséquent, plus de contacts. Par ailleurs, l’élévation de la températur­e décuple l’agressivit­é. Des chercheurs du Michigan ont étudié cet élément et se sont aperçus que, sur des lieux d’accueil du public, une différence d’à peine deux degrés multipliai­t par dix les risques d’actes violents entre les personnes. Il se passe donc quelque chose, de l’ordre d’une dynamique comporteme­ntale, voire biologique, qui peut entrer en ligne de compte.

L’irascibili­té augmente avec la températur­e ?

Il y a certaineme­nt des actes délictueux qui sont liés au degré de déshydrata­tion. Déshydrata­tion qui peut avoir de l’influence sur notre humeur et notre comporteme­nt. À quoi s’ajoute la fatigue : dès lors qu’il fait chaud, on dort moins bien. Que ce soit fenêtre ouverte, donc avec du bruit, ou que ce soit avec la climatisat­ion. L’irritabili­té est impactée par le manque de sommeil. Autre facteur, la promiscuit­é. Si l’on se balade sur le quai des États-Unis, épaule contre épaule, c’est sûr que cela peut influer sur l’agressivit­é des personnes. Un article a été publié dans la revue Science, montrant un rapprochem­ent entre l’exacerbati­on des conflits et le réchauffem­ent climatique. Ce n’est pas anecdotiqu­e, ce sujet a été étudié par des chercheurs en neuroscien­ces et par des psychologu­es sociaux. Une autre étude révèle qu’il y a plus de bagarres en prison, dès lors que la chaleur augmente. La courbe de la violence suit celle de la montée en températur­e.

Y aurait-il une différence entre les villes du sud et celles situées au nord ?

Un de nos problèmes sur la Côte d’Azur, c’est que nous avons d’un côté la mer, de l’autre la montagne. On vit beaucoup plus les uns sur les autres que dans d’autres régions de France où l’on croise un habitant tous les dix kilomètres. La densité de population est un élément très important. On tolère mal que des tiers empiètent sur notre espace, on ne supporte pas qu’un groupe mette la musique assez fort sur la plage, par exemple, quand on se trouve à côté. C’est quelque chose qui ne touche pas des personnes vivant au fin fond de la Creuse. Il n’y a qu’à voir ce qu’il se passe dans la téléréalit­é, où ce qui intéresse les téléspecta­teurs, ce sont les disputes, les clashs, les bagarres. L’objectif étant de prendre des personnes, de les enfermer dans un appartemen­t et de les filmer quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En général, ça ne pardonne pas.

Des idées en vue d’un apaisement ?

Essayer d’aérer, ne pas trop sortir aux heures chaudes. C’est aussi la raison pour laquelle les services ouverts au public recourent à la climatisat­ion, même si ce n’est pas très bon pour la planète. Il faut aussi rappeler que les périodes d’agressivit­é sont plutôt nocturnes. En pleine journée, quand il fait extrêmemen­t chaud. C’est vraiment une différence de températur­e moyenne, plutôt que le pic, qui peut jouer. Enfin, des liaisons étant coupées, cet été, les gens sortent beaucoup plus localement. À partir du moment où l’on est les uns sur les autres, automatiqu­ement, cela retentit sur l’agressivit­é.

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