Abattage à la ferme et non à la chaîne ?
Des éleveurs espèrent mettre en oeuvre, courant 2021, des unités d’abattage mobile pour garantir un meilleur traitement des animaux et revitaliser des filières locales
De la Normandie à la Provence, des éleveurs ferraillent pour abattre leurs bêtes à la ferme plutôt que dans un abattoir. Le principe est accepté par les autorités mais la mise en route patine. Leur volonté : éviter aux animaux le stress d’être arrachés de leur environnement et des transports en bétaillères qui s’allongent à mesure que le nombre d’abattoirs se réduit, une centaine d’établissements ayant disparu depuis le début des années 2000. Il s’agit aussi de s’assurer que l’animal est « respecté jusqu’au bout », selon les mots de l’éleveur de LoireAtlantique Guylain Pageot, qui évoque le «choc» causé par les images d’animaux malmenés dans des abattoirs, diffusées par l’association L214.
« Ces violences qu’on fait aux animaux, on les fait aux éleveurs et aux consommateurs », tranche Emilie Jeannin depuis sa ferme de Bourgogne où elle élève 230 bovins avec son frère. Elle a choisi d’amener elle-même ses charolaises à l’abattoir dans un van attelé à son véhicule. Sans pour autant être rassurée sur la suite : « J’ai une boule au ventre à chaque fois. Le bouvier [qui les réceptionne, ndlr] peut être irréprochable, mais on n’est pas à l’abri que le bovin croise des cochons qui crient très fort et le stressent », décritelle.
« On ne peut plus considérer qu’il n’est pas possible de faire autrement », juge cette membre de la
Confédération paysanne, qui a découvert en 2016 en Suède un camion-abattoir qu’elle veut importer en France.
Son projet : un attelage de quatre remorques, dont deux réfrigérées, qui va de ferme en ferme. Des professionnels y tuent et mettent en carcasse – cuir et viscères sont retirés – les animaux qui seront commercialisés sous la marque Le Boeuf éthique. « Je me suis dit que soit je mettais cet abattoir en place, soit j’arrêtais d’être éleveuse », affirme Emilie Jeannin. Pour boucler une partie de son investissement à 1,8 M€, elle vient de réunir 250 000 € en quelques jours sur la plateforme de financement participatif Miimosa. Et espère une mise en service au premier semestre 2021 avec l’aval des services vétérinaires.
La Cour des comptes donne son aval
La mise à mort des animaux de boucherie (bovins, ovins, caprins, porcins, équidés) devant obligatoirement être réalisée dans un abattoir agréé, Emilie Jeannin pourrait ainsi être la première à faire tuer – légalement – une vache à la ferme depuis la promulgation fin 2018 de la loi Alimentation, qui acte l’expérimentation des abattoirs mobiles et leur évaluation.
En février, la Cour des comptes estimait que ce mode d’abattage pourrait se substituer aux abattoirs publics dont la gestion est jugée trop coûteuse.