Nice-Matin (Cannes)

La saga des Azuréens : René Vietto

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Avec près de 50 Tours de France à son actif, Pierre Chany fut pendant longtemps la plume de L’Equipe pour la petite reine. Alors quand Chany devait décrire l’Azuréen René Vietto, décédé en 1988 d’une attaque cérébrale, la punchline était toute trouvée : « Il grimpait comme personne et parlait comme Raimu ». Surnommé « Le Roi René » pour ses jugements péremptoir­es et son autorité naturelle, René Vietto restera ce roi maudit qui, par deux fois, aurait dû s’imposer sur le Tour (1939 et 1947) mais que le destin a choisi de sacrifier. Maudit, René ? Un peu. Vietto, c’est avant tout un pur produit azuréen. Son père, Jean, est issu d’une famille de laitiers cannois avant de devenir camionneur. Sa mère, Laurence, a grandi au Plan-de-Grasse et a tout de suite baigné dans la culture du parfum. A 12 ans, le petit René est renvoyé de l’école et le voilà dans les champs de jasmin avant de trouver un petit boulot de garagiste puis de groom dans les palaces cannois, le Majestic puis le casino du Palm Beach.

Mais la vraie passion du jeune René est ailleurs, il rêve de vélo. D’autant que le gamin est doué. Alors, il va s’inscrire à l’Etoile Sportive de Cannes, le vélo club de son ami Charles Ceppi. Dans la région, il truste tout : Grand Prix Sigrand, Grand Prix Walsdorff et le Grand Prix de SaintRapha­ël mais aussi le Prix de Vallauris et le derby de l’ES Cannes, avant d’obtenir son premier succès de renom sur les Boucles de Sospel. Dans la foulée, il s’impose sur Nice-PugetThéni­ers puis au Mont Agel en 1932 et au Mont Faron en 1933. C’est une évidence, le Tour est fait pour lui. Alors à 20 ans et au sein d’une équipe de France 5 étoiles (Georges Speicher, Roger Lapébie, Raymond Louviot, Antonin Magne, Charles Pélissier), Vietto va découvrir le Tour.

Pur grimpeur

Une édition novatrice avec la création d’un challenge inédit, officielle­ment appelé le Prix du meilleur grimpeur, qui semblait être fait pour lui, le pur grimpeur qui aimait raconter qu’il « freinait dans les virages », par facilité. Son début de Tour est d’ailleurs parfait : victoires d’étape à Grenoble, à Digne et à Cannes, où la foule manque de l’étouffer. Bien placé au général et à l’aise en montagne, Vietto s’imagine en jaune à Paris. Mais Antonin Magne, son coéquipier et leader, chute dans les lacets du Puymorens pendant que son plus sérieux rival pour le classement général, Martano, profite de l’incident pour le distancer. « René, passe-moi ton vélo », lui implore Magne. Loyal, Vietto donne sa roue et va perdre du temps au classement général pendant que Magne sauve son maillot. Le lendemain, dans la descente du Portet d’Aspet, Magne connaît un autre incident mécanique - bris de chaîne - alors que Vietto file vers la victoire d’étape. Averti par un motard, l’Azuréen rebrousse chemin et tend son vélo à son leader, se sacrifiant une deuxième fois en deux jours. Vietto est là, sur un muret, attendant d’être dépanné à son tour. Assis en pleurs, le cliché fait de lui un chouchou des foules.

 ??  ?? René Vietto, considéré par ses pairs comme le plus grand coureur de son époque, ne remporta jamais le Tour malgré des qualités incroyable­s.
René Vietto, considéré par ses pairs comme le plus grand coureur de son époque, ne remporta jamais le Tour malgré des qualités incroyable­s.

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