Embarqué au coeur de la nuit avec la municipale
Au coeur du week-end du 15 août, reportage avec la police municipale de Nice, entre prévention, répression, guerre du masque, consommation d’alcool excessive et drame de fin de nuit
Tire, j’ai rien à perdre ! » C’était mercredi dernier devant le poste de police municipale Saëtone. Les agents interpellaient avec courage, et un sangfroid exemplaire, une déséquilibrée qui venait de les pointer avec une arme et de tirer trois fois en l’air. municipaux patrouillent à l’année dans les rues de Nice. Dans la foulée de cette intervention saluée par tous, nous avons suivi des équipages, dans la nuit de samedi à dimanche, soir de août.
h Masques et ballon rond
Terrasses bondées, regards rivés sur les écrans de télé : le Cours Saleya bouillonne. Dans deux minutes la fin du match de Ligue des Champions va être sifflée. Avec une qualif’ historique en demi-finale à la clé pour Lyon.
La patrouille débarque comme un cheveu sur la soupe, en pleine retransmission. La foule en fusion se shoote à l’ivresse collective footballistique. Faisant fi du Covid ? Pas complètement. La distanciation sociale s’apparente grosso modo à celle d’une boîte de sardine mais une grande majorité des supporters porte le masque. En cet été post-confinement, chacun cherche à relâcher la pression. « Assis ! Vous déconnez là ! », s’agace la foule. Voir dix-sept gaillards en gilets pare-balles se planter par mégarde - devant les écrans, les fait râler. Face à la bronca, la patrouille tente poliment
‘‘ de s’effacer. Mais adresse tout de même un rappel au patron du bar qui se défend de ne pas respecter les gestes barrières. Quelques supporters non masqués obtempèrent sans barguigner. Un ou deux, récalcitrants, se prennent une prune. « C’est abuser ! » :
les jeunes rappelés à l’ordre ne comprennent pas vraiment.
Semaine après semaine, le port du masque semble pourtant progresser dans le Vieux-Nice. Sur la Prom’ en revanche, si le Covid-19 se transmettait par le bras, la pandémie serait terminée : ici le masque s’arbore au poignet comme un chouchou. Certains l’ont en poche, peu sur la bouche. À la vue de la police en revanche, chacun l’enfile, signe que l’obligation est assimilée. « C’est soir de match, une grosse affluence, avec beaucoup de jeunes, tempère Jean-Christophe Flament, responsable opérationnel de la police municipale. En nombre on ne pourrait pas verbaliser tout le monde. Nous sommes plus sur de la pédagogie. Mais les récalcitrants font l’objet d’une verbalisation systématique. » Le tarif est dissuasif : 135 euros d’amende. 37 procèsverbaux ont été dressés ce samedi soir, et 600 rappels à la réglementation effectués. L’Olympique Lyonnais l’emporte finalement. Le cours Saleya chavire de bonheur, engloutissant le bleu de l’uniforme dans une marée de bras levés. Ça chante « On est en demi, on est en demi ! » offrant au Cours un faux air de place Bellecour (1).
h Bagarre pour une place
D’un coup les municipaux piquent un sprint. Des automobilistes en sont venus aux mains dans le parking Sulzer. L’uniforme permet le retour au calme. Les identités sont relevées.
h Chasse à l’alcool
Du litron, de la binouze, du whisky, des mélanges indéterminés : sur la plage, l’alcool est partout. Frappant. Certains sirotent tranquillement un rosé frais entre amis, accompagné d’une pizza. D’autres éclusent de la vodka comme on sifflerait une bouteille d’eau. Un peu partout, des packs de bière éventrés. Beaucoup planquent l’alcool dans des bouteilles anodines. Il y a du monde, mais sans plus. Sur les galets, les groupes sont bien séparés. C’est festif sans excès. Pourtant, en cet été 2020, les législations pleuvent : interdiction de boire de l’alcool, de rester sur la plage au-delà de 22 heures, obligation de port du masque. Pas facile pour la municipale de tout faire respecter. « Nous appliquons une tolérance pour l’arrêté qui interdit d’être sur la plage audelà de 22 heures », confie Jean-Christophe Flament. « En revanche, pour l’alcool, tolérance zéro. » La municipale fait jeter les bouteilles. Ceux qui refusent doivent quitter la Prom’. 160 personnes ont ainsi été évacuées.
Minuit « Shit on the rocks »
« Le cannabis, on en trouve énormément, de jour comme de nuit », souligne Jean-Christophe Flament. Bienvenue à « shit on the rocks ». Parcourir les galets, c’est naviguer entre l’odeur parfumée de la chicha et celle, plus agressive, du cannabis. Un jeune homme est interpellé en douceur : sur lui une barrette de dix euros et deux têtes d’herbe. Il sera présenté à un officier de police judiciaire. Pendant le contrôle, le contrevenant engloutit une bouteille d’eau, comme un damné. Comme si elle renfermait le pouvoir magique de dissiper la ganja. Pas gagné.
h Le ton monte
À cette heure de la nuit sur la Prom’, l’alcool opère. Les pneus crissent plus fort, le ton monte. Un SDF, très agité, provoque les policiers. Nouveau contrôle des masques. Trois hommes, dont un taillé comme une armoire normande, refusent de le mettre. « Vous n’avez pas le droit de prendre mon identité ! » Le plus baraqué hausse le ton, montre les muscles. Puis, I’oeil mauvais, menaçant, énervé d’avoir été verbalisé, il suit carrément la patrouille avec ses acolytes et la filme. Deux agents au physique imposant, tatoués, armés de lanceurs de balles de défense, observent leur manège. Ils sont en protection de leurs collègues.
h Ivre au volant
Juste après une intervention boulevard Franck-Pilatte (lire ci-contre), un automobiliste, ivre, grille le feu devant notre patrouille, au niveau du boulevard Carnot. Direction la caserne Auvare. Des amis ramèneront la voiture et sa compagne.
1. La plus grande place de Lyon
Pour l’alcool, c’est tolérance zéro »