Nice-Matin (Cannes)

01 h 25, boulevard Franck-Pilatte : «Y’enatoute unebandelà!»

- G. L.

« Mais regardez, ils sont là ! Y’en a toute une bande là ! » De la route, on distingue à peine la riveraine qui apostrophe la patrouille depuis son balcon. On la voit désigner un camping-car qui jouxte sa résidence huppée du boulevard Franck-Pilatte près du port. Nous venons à peine d’arriver en voiture siglée police municipale, sur son appel. En quelques secondes, les agents tentent de comprendre la scène.

À une trentaine de mètres, derrière le camping-car, au pied des résidences, des jeunes squattent des bancs. Près de nous, côté mer, au niveau du Club nautique, une famille. Elle a carrément fait sienne toute la largeur de la promenade piétonne. Comme à la maison, ils sont quatre, confortabl­ement et tranquille­ment installés sur des chaises pliantes bleues déployées en arc de cercle autour de deux chichas de même couleur.

À terre, des monceaux d’écorces de graine qu’ils épluchent en discutant. La patrouille décide de se scinder en deux. « Vous ne pouvez pas rester ici, messieurs dames », indique un policier aux fumeurs de chicha. Car, depuis des années, les riverains se plaignent des nuisances sonores et des dégradatio­ns nocturnes. Notre quotidien avait consacré un article à ces « nuits folles » qui se sont aggravées post-confinemen­t. Au point que la mairie a pris des arrêtés pour faire fermer les plages nuitamment et a entrepris des travaux.

La famille fumeuse de chicha ne comprend pas vraiment qu’on la déloge. Le ton est si hautain que le policer doit intervenir. « Cela fait dix ans qu’on vient ici, on n’a jamais été contrôlés », proteste l’homme. À cette heure calme de la nuit, ils ne mesurent pas que, même sans crier, leurs voix portent et perturbent le voisinage. Il est 1h30 du matin.

Une scène digne d’une caméra cachée

La famille accepte finalement de tout ranger, sans faire plus d’esclandre. Elle entasse le matériel dans un coffre de voiture plein jusqu’à la gueule. « Vous savez, on a tout prévu, même une souffleuse ! », expliquent-ils pour prouver leur civisme.

S’ensuit une scène totalement surréalist­e qui n’étonne même plus les municipaux. Le père de famille s’empare d’un mini-aspirateur de bazar qu’il branche sur l’allume-cigare de la voiture. Un proche se met au volant et tente, reculant et avançant, de lui donner la longueur de câble suffisante pour aspirer le trottoir. Il est trop court. Le père de famille se retrouve parfois tiré par le câble branché à la voiture en mouvement. On croirait une caméra cachée, mais la bonne volonté est là. Au bout de vingt minutes, le trottoir est presque propre. Ils sont autorisés à repartir, sans verbalisat­ion. L’autre partie de la patrouille revient bredouille. Contrôlés, les jeunes que la riveraine avait désignés n’ont rien à se reprocher. La plaignante a disparu dans son appartemen­t. Toutes les nuits ou presque, les riverains du boulevard Franck-Pilatte appellent le 17 pour dénoncer des incivilité­s. Récemment, l’un d’entre eux a filmé des jeunes cassant un rétro et faisant tomber un scooter au sol pour le plaisir.

La patrouille devra nécessaire­ment revenir. Mais quand nous quittons les lieux, le calme est de retour sur le boulevard des nuits folles.

 ?? (Photo G. L.) ?? Chichas, fauteuils pliants : une famille s’est installée dans la largeur de la promenade piétonne, et discute tranquille­ment, à  h  du matin.
(Photo G. L.) Chichas, fauteuils pliants : une famille s’est installée dans la largeur de la promenade piétonne, et discute tranquille­ment, à  h  du matin.

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