L’écosystème en péril
Depuis plusieurs années, le milieu naturel se transforme. Trois professionnels des jardins du haut-pays dressent un triste constat
Le réchauffement climatique génère nombre de bouleversements au sein de l’écosystème. L’arrière-pays Grassois n’est pas épargné et nombre de jardiniers, horticulteurs et exploitants agricoles s’en inquiètent.
Depuis de nombreuses années déjà, Éric Eréteo a pris la suite de son père, Félix. Producteur de plantes, d’arbustes et oléiculteur, Éric Eréteo, président de la CUMA, s’inquiète pour le devenir des oliveraies. Les pluies torrentielles avaient fortement impacté la récolte de la saison dernière. « Cette année, les arbres sont chargés de fruits, mais il faut attendre et ne pas se réjouir trop vite. Tout dépendra de l’automne. » Le pépiniériste constate aussi que les thuyas, épicéa et autres conifères, essences importées, meurent à cause de la sécheresse, à l’image du chêne blanc, en voie de disparition. Quant aux rosiers, ils subissent l’attaque du mildiou. « La terre se réchauffe et cela est un phénomène géographique. Tout n’est pas dû à la pollution et à l’action des hommes. » Michel Perotti, est un jardinier installé dans la commune depuis 1996. Comme Éric Eréteo, il a poursuivi ses études au lycée horticole d’Antibes. « J’ai vraiment pris conscience du changement climatique lors de la sécheresse de 2003. Des dizaines de pins Sylvestre et des chênes verts sont morts. Ces arbres qui poussent dans un sol pauvre n’ont pas résisté. De fait, on trouve aussi moins de champignons. » Et Michel Perotti de constater que certains insectes, comme le capricorne, sont de plus en plus présents, surtout dans le bois des chênes. « Il faut aussi éviter de planter dans les jardins des espèces qui n’ont aucun lien avec le climat méditerranéen. »
« Éviter de traiter pour rien »
Éric Etrillard, jardinier spécialisé dans l’entretien, l’aménagement des jardins provençaux et la réfection des restanques, constate la même évolution que ses deux confrères. Il se réjouit toutefois de l’interdiction de certains produits, tel que le chlorate de soude, utilisé longtemps comme un désherbant
total qui génère une pollution des nappes phréatiques. Cet ancien élève du lycée agricole d’Hyères, note « que les cyprès roussissent, victimes des attaques de l’araignée rouge, que les cerisiers, amandiers et autres pruniers meurent en un laps de temps de plus en plus court. »
Quant aux tomates, elles noircissent et deviennent inconsommables. Et le jardinier d’insister sur le fait qu’il faut « éviter de traiter pour rien et surtout accepter des espèces indispensables à l’environnement, tel que le rat des jardins qui évolue dans nos propriétés. » Comme ses deux collègues, Éric se montre pessimiste pour l’avenir et sa conclusion sur le sujet semble irrévocable : « Nous ne sommes qu’au début de ce bouleversement. Les arbres mourront les uns après les autres, victimes du manque d’eau ou terrassés par de nouvelles maladies. Après le moustique tigre, le frelon asiatique, la pyrale du buis, nous verrons sans doute apparaître d’ici quelques années, la tortue alligator et le crapaud buffle sur les bords de la Siagne. À quoi ressemblera alors la Provence de Giono et de Pagnol ? Les viticulteurs remarquent que le vin rosé est de plus en plus alcoolisé. Que ce breuvage plus enivrant n’incite pas certains à oublier qu’à l’image du Néandertal, l’homme actuel peut disparaître à son tour. »