Nice-Matin (Cannes)

Comment déminer les conflits autour des patous ?

Les chiens de protection terrorisen­t de nombreux randonneur­s, par méconnaiss­ance des bons gestes à adopter. La mission de médiation pastorale du parc du Mercantour tente d’y remédier

- ANTOINE LOUCHEZ alouchez@nicematin.fr

Et si tout ceci n’était finalement qu’un vaste malentendu ? Pour les éleveurs, les chiens de protection sont le moyen le plus efficace pour prévenir les attaques de loups sur les troupeaux. Mais ils sont aussi source de conflits avec les autres usagers de la montagne : randonneur­s, vététistes, trailers… Qui s’en plaignent régulièrem­ent sur les réseaux sociaux ou auprès des offices de tourisme, voire des mairies. Outrés de voir des troupeaux et « molosses » sur les sentiers. Les pouvoirs publics – préfecture en tête – essaient d’analyser le problème depuis deux ans. Conclusion­s : « Dans les signalemen­ts, il y a à boire et à manger, explique Nathalie Sieffert, cheffe de projet scientifiq­ue au parc national du Mercantour. Mais souvent, ce n’est pas un problème de comporteme­nt des chiens. Il y a toute une palette de situations : de la personne qui n’a pas fait gaffe et qui court de peur, à ceux qui donnent des coups de bâtons. En même temps, je comprends. Dix patous qui arrivent en aboyant… Même s’il n’y a pas de risque, c’est anxiogène ».

« Les gens ont eu peur »

Pour tenter de résoudre ce « conflit d’usage », le parc national a mis en place, l’an dernier, dans le cadre du plan national d’action loup, des médiateurs pastoraux. Leur mission : arpenter les sentiers en juillet et août, pour sensibilis­er les randonneur­s aux bons gestes à adopter [lire ci-dessous] et être en contact avec bergers et éleveurs, très isolés. « Nous voulons être alertes et anticiper les situations de tension », poursuit Nathalie Sieffert. En tout, ils sont cinq, dont deux dans la vallée de la Tinée, où la Métropole finance un poste de juin à septembre, pour appuyer le message dans les offices de tourisme d’Isola et Auron.

Mais ce jour de fin juillet, c’est vers le vallon de Gialorgues, sur les hauteurs de Saint-Dalmas-leSelvage, que s’est rendue la médiatrice Mathilda Jacques. Deux troupeaux paissent sur le secteur, dont un qui a récemment fait l’objet de deux signalemen­ts. Un cas d’école. « Comme après chaque signalemen­t, on est venu une première fois pour tester les chiens et on a vu qu’il n’y avait pas de problème, explique-t-elle, en chemin. La famille en question était avec des enfants, c’est vrai que ce n’est pas très rassurant. Mais ils ont juste eu peur. »

Cet alpage privé de 1 100 brebis est protégé par dix bergers d’Anatolie. L’éleveur, Cédric Issautier, se désole de l’incident : « Quand mes bêtes causent du souci, je suis gêné. C’est la première fois qu’on a un problème avec les randonneur­s. » Il l’explique par le déplacemen­t de son troupeau, plus près du chemin. Les bêtes sont parquées, mais les chiens étaient sur la route. La petite famille de randonneur­s a été terrorisée. «Il n’y a pas eu de morsure, ils ne sont pas agressifs, souligne Cédric Issautier. Ils ont eu peur. En même temps, quatre grands chiens avec des colliers à clous (contre les morsures de loup) ça ne rassure pas du tout. Mais il faut comprendre que les chiens sont une contrainte pour nous aussi. »

« Voir s’ils allaient nous défendre à  % »

Conscient que le problème ne fera qu’empirer : « La montagne est de plus en plus fréquentée » , il concède que l’initiative du parc va dans le bon sens. Ce qui est rare, en particulie­r dans la Tinée, où les rancoeurs des éleveurs contre le Mercantour sont profondes. «Au vu des relations avec le parc, on s’est méfié au début. On attendait de voir si c’était objectif, s’ils allaient nous défendre à 100 %. Et on a vu le travail bien fait. »

Cet après-midi-là, la médiatrice a croisé une douzaine de randonneur­s. Les arrêtant à chaque fois, pour échanger et dérouler la pédagogie. « Vous avez croisé un troupeau ? », « Vous connaissez la différence entre chien de conduite et chien de protection ? » Ilyade tout : des anciens, clairement rodés, d’autres qui ne connaissen­t pas du tout le sujet ou encore ceux qui sont surpris. «Mon premier réflexe, ça aurait été de courir ou de mettre un coup de bâton, concède un jeune Bordelais. Après, à voir si on arrivera à mettre tout ça en pratique, une fois en face des molosses. »

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Les chiens de protection­s (ici deux bergers d’Anatolie) protègent les troupeaux des attaques de loup. Ils travaillen­t en autonomie, surtout la nuit. (Photos A. L.)

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