Nice-Matin (Cannes)

Nice : la justice perd le dossier d’un parrain de la mafia

Biagio Crisafulli est enfermé à la prison de Fossombron­e (Italie). Il a assisté, à distance, à son procès pour blanchimen­t, au tribunal de Nice. Mais le dossier a été égaré…

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.Fr

Il flottait, il y a quelques semaines, sur le tribunal de Nice, comme un air de Gomorra, cette série télévisée à succès évoquant le trafic de stups au coeur de la mafia napolitain­e (1). Était jugé Biagio Crisafulli, 64 ans. Chez nos voisins transalpin­s, « Dentino », le Sicilien, surnommé ainsi pour ses petites dents, est considéré par la justice comme le boss de la mafia milanaise. Sa base arrière était le quartier populaire de « Quarto Oggiaro ». Il purge actuelleme­nt une peine de vingt ans de prison pour quatre meurtres et trafic de drogue en associatio­n avec la’Ndrangheta (organisati­on mafieuse de la Calabre).

Il ne peut espérer sortir de la centrale de Fossombron­e (Italie centrale) où il est incarcéré, avant mars 2036.

Une villa au Cap d’Antibes

Élégant, attentif, il comparaiss­ait, en visio conférence. Crisaffuli avait été arrêté le 17 octobre 1995 sur la Côte d’Azur, dans le centre de Nice, par l’antigang. Car « Dentino » gérait parfois ses affaires depuis la Côte d’Azur.

Il s’était offert un petit plaisir : une villa située sur le très huppé Cap d’Antibes, pour cinq millions de francs.

C’est ce volet-là qui lui valait de comparaîtr­e pour blanchimen­t. On lui reproche d’avoir payé la villa avec l’argent de la drogue. Sauf qu’au tribunal, tout ne s’est pas passé comme prévu.

La justice a en effet égaré son dossier en 2011. Un joli coup du sort. En se présentant à l’audience, son avocat aixois, Me Luc-Philippe Febbraro, pensait toutefois qu’on allait lui produire une copie certifiée conforme. Peine perdue, la justice française a offert un triste visage, avouant n’avoir en mains qu’une copie bricolée. « Le tribunal n’est pas en mesure de certifier et d’affirmer que le dossier est complet », a ainsi d’emblée annoncé le juge Édouard Levrault. Stupeur. Et un tapis rouge offert à la défense. Derrière la caméra, « Dentino » a apprécié le spectacle, si on en juge par son ton badin.

Mandat d’arrêt annulé

Le mafieux, titulaire de deux doctorats, qui lit volontiers Aristote, Platon ou Sénéque en attendant ses rendez-vous avec ses avocats, a visiblemen­t goûté l’incurie de la justice française.

Le tribunal s’est déclaré « non valablemen­t saisi » et a renvoyé la patate chaude au ministère public, lui demandant de tout mettre en oeuvre pour retrouver le dossier manquant. Las. « S’ils ne l’ont pas trouvé depuis 2011, ce n’est pas maintenant qu’ils vont réussir » ,a ironisé Me Febbraro. « Dentino » ne sera vraisembla­blement jamais jugé pour le dossier de blanchimen­t d’argent. Cerise sur le gâteau : le mandat d’arrêt décerné à son encontre a été annulé… Le « boss » s’est même payé le luxe de demander si la détention provisoire effectuée en France serait déduite de sa condamnati­on italienne. Le mafieux du Sud ne perd pas le nord… (1) Tirée d’un best-seller éponyme de Roberto Saviano

 ??  ?? C’est pour l’acquisitio­n d’une villa au très huppé Cap d’Antibes que « Dentino » est soupçonné de blanchimen­t et a comparu, en visioconfé­rence, au tribunal de Nice. (Photo drone Sébastien Botella)
C’est pour l’acquisitio­n d’une villa au très huppé Cap d’Antibes que « Dentino » est soupçonné de blanchimen­t et a comparu, en visioconfé­rence, au tribunal de Nice. (Photo drone Sébastien Botella)

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