Nice-Matin (Cannes)

Piano, l’homme de terre

L’un des sculpteurs-céramistes contempora­ins les plus créatifs de la sphère artistique de Vallauris offre avec générosité, humanité et créativité un art aux multiples inspiratio­ns

- PHILIPPE DEPETRIS

Mon art n’est pas un travail, c’est une passion. C’est une prolongati­on d’une réflexion sur moi-même et sur le monde ». Ainsi aime à se définir Marc Piano, en tant qu’artiste. Créateur dont la réputation a depuis bien longtemps largement dépassé au plan internatio­nal les frontières de Vallauris-Golfe-Juan : « Dès mon plus jeune âge je savais que je deviendrai céramiste et que je m’exprimerai avec ce matériau que j’utilise au naturel pour raconter des histoires fantastiqu­es. Mais pour cela, il m’a fallu apprendre à maîtriser toutes les techniques de la terre, à m’appuyer sur la tradition et les méthodes ancestrale­s pour mieux dessiner le futur de ma création ».

On l’avait quitté sur des propositio­ns quasi-architectu­rales aux pointes élancées vers le ciel ou des installati­ons de boules de collier symbolisan­t l’alignement des planètes dans le cosmos. On le retrouve ici dans la faune. « Les animaux sont une constante dans mon oeuvre », confie-t-il.

Un processus créatif poussé par la réflexion

Voici un rapace aux griffes démesurées qui illustre sa réflexion sur le mouvement et la compositio­n. Ailleurs un autre oiseau issu de son univers onirique démontre la virtuosité du travail de l’artiste.

Techniquem­ent, ses sculptures en grès, travaillée­s à la plaque ou à la boulette, naissent de ses mains expertes qui créent le mouvement et expriment force faiblesse ou dynamisme. Le créateur adapte sans cesse son travail physique à sa pensée alimentée par une réflexion antérieure à la gestation. Lorsque le processus créatif est lancé, il ne peut s’interrompr­e. Les émaillages illustrent aussi cette technicité. La terre cuite à 1180 degrés puis émaillée et recuite à 1080 degrés ou à basse températur­e à 980 degrés pour les rouges. Ils font partie intégrante de la propositio­n artistique.

Un acte d’amour à plusieurs degrés

Mais qu’est-ce qui inspire Marc Piano et donne à son imaginaire créatif cette diversité qui est sa marque de fabrique ? « Je fais tous les jours de nouvelles rencontres. Pas forcément artistique­s, mais humaines et parfois des choses se déclenchen­t. » Toujours hors du temps et jamais dans la provocatio­n, l’art de Marc Piano se joue des modes et des influences. Pour autant le céramiste qui a décidé « de ne jamais subir » ne crée pas pour lui-même. « Si mon art est très personnel, il est tourné vers autrui dans la mesure où je le propose et je le donne à voir aux autres », déclare-t-il : « Mais je me laisse le temps qu’il faut pour travailler et exposer n’est pas ma préoccupat­ion première. » Marc Piano montre alors une planche sur laquelle est accrochée une collection de masques inspirés de l’Afrique. Têtes de gorilles, de poulpes ou d’oiseaux fantasmago­riques nés d’une imaginatio­n toujours en éveil, saisissent le regard, signes d’une riche créativité. L’art de Marc Piano est profondéme­nt original. Juste. Ce qui le rend si présent dans les émotions artistique­s qu’il engendre, c’est qu’il est en fin de compte un acte d’amour.

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(Photo Ph.. D.) Marc Piano et son «Mondo bizarro».

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