Bélarus : nouveau défilé en masse des opposants
Les partisans de l’opposition bélarusse se sont mobilisés en masse hier à Minsk contre le président Alexandre Loukachenko pour le deuxième dimanche consécutif, maintenant la pression après deux semaines d’un mouvement de protestation historique pour dénoncer une élection présidentielle contestée.
La mobilisation semblait équivalente à celle de la semaine passée, lorsque quelque 100 000 personnes étaient descendues dans la rue de la capitale bélarusse.
Au pouvoir depuis 26 ans, M. Loukachenko, 65 ans, avait juré cette semaine de « régler le problème » de la contestation, fruit d’un complot occidental selon lui, et même mis en état d’alerte l’armée, accusant l’Otan de manoeuvrer aux frontières du Bélarus.
Mais hier, brandissant des drapeaux blanc et rouge, l’étendard de la contestation, une foule immense s’est réunie sur la place et l’avenue de l’Indépendance à Minsk ainsi que les rues adjacentes, en scandant « Liberté ! ». Les manifestants ont fait face aux militaires et aux forces anti-émeutes déployés en nombre dans le centre-ville, sans toutefois que cela dégénère en affrontements. Le ministère de la Défense avait prévenu qu’en cas de troubles près des mémoriaux de la Seconde guerre mondiale, des lieux de manifestations ces deux dernières semaines, les responsables auraient à faire « à l’armée ».
La cheffe de file de l’opposition bélarusse qui s’est proclamée vainqueur du scrutin du 9 août, Svetlana Tikhanovskaïa, s’est déclarée samedi « fière des Bélarusses » qui ont surmonté leur peur pour « défendre leurs droits ». « Je les appelle à continuer », a déclaré à l’opposante, réfugiée en Lituanie voisine.
Solidarité des pays baltes
Dans ce pays, mais aussi en Estonie et en Lettonie, des milliers d’habitants ont commencé hier soir à former une chaîne humaine en solidarité avec les protestataires bélarusses, trois décennies après un geste similaire de défi, lorsque le 23 août 1989 les pays baltes avait exprimé leur désir d’indépendance de l’ex-Union soviétique. «Aujourd’hui, le moment est venu pour nos frères bélarusses d’exprimer leur désir de liberté. [Cette chaîne humaine] est notre main tendue en leur direction », a déclaré le président lituanien Gitanas Nauseda, qui avait participé à la chaîne humaine de 1989.
Sur le front diplomatique, l’Union européenne, qui a rejeté les résultats de la présidentielle et prévu des sanctions, a jugé qu’il restait nécessaire de « traiter» avec le président bélarusse. L’UE « n’a pas l’intention de convertir le Bélarus en une seconde Ukraine » où, après une révolte pro-occidentale, Moscou a annexé la Crimée et nourri une guerre séparatiste dans l’Est, a dit le diplomate européen en chef, Josep Borrell. Avant le scrutin, le président bélarusse accusait la Russie de travailler en sousmain pour le faire tomber. Mais face à la contestation, il a opéré un virage à 180 degrés, se targuant du soutien du Kremlin face à de supposées tentatives occidentales de déstabilisation. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a de son côté mis en garde hier contre « l’instigation de troubles depuis l’extérieur ».