Nice-Matin (Cannes)

Eric Barbier : « Ce Petit Pays n’était pas le mien »

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Qu’est-ce qui vous intéressai­t le plus au départ : l’histoire familiale de Gaël Faye ou celle du génocide rwandais ?

Clairement, l’histoire de la famille. J’avais été très touché dans le roman par le point de vue de l’enfant sur le divorce de ses parents. Une déflagrati­on qui coïncidait avec le déclenchem­ent de la guerre civile. Cela permettait de traiter les événements historique­s dans un contexte familial. La violence reste extérieure à la maison : ce sont les employés, la famille du Rwanda et, à la fin, la mère qui font entrer la guerre dans le nid familial où les enfants se sentaient à l’abri de tout…

L’adaptation du roman de Gaël Faye a-telle été plus facile que celle de La Promesse de l’aube ?

Nettement. D’abord, il y avait une grosse demande pour l’adaptation, de sorte que le film a été très facile à financer. La grosse difficulté avec La Promesse de l’aube, c’était de transcrire à l’écran la distance et l’humour que Gary mettait dans ses écrits.

L’écriture de Gaël Faye est plus premier degré. La seule difficulté, en vérité, c’est que je ne connaissai­s rien à l’Afrique. Il a fallu que je m’immerge dans la culture et l’histoire de ces deux pays. Ce Petit pays n’était pas le mien.

Avez-vous beaucoup modifié l’intrigue du roman ?

Non, je l’ai juste resserrée sur la famille. La petite soeur n’apparaissa­it vraiment qu’à la fin du roman : je l’ai mise un peu plus en avant. J’ai aussi été obligé de couper dans les scènes de souvenirs d’enfance qui tiennent une large place dans le livre.

Avez-vous pu tourner au Burundi ?

Non, hélas, car la situation politique est toujours compliquée. On a tourné au Rwanda voisin, qui est le petit frère du

Burundi. La plupart des acteurs non profession­nels du film ont été castés dans les camps de réfugiés burundais et on a tourné dans leur langue. Ça a demandé un gros travail de reconstitu­tion car, en  ans, cette partie de l’Afrique a beaucoup changé. Pour loger les gens, ils ont été obligés de raser les anciennes constructi­ons pour mettre des immeubles à la place. Petit pays est presque un film d’époque.

Jean-Paul Rouve est extra dans le rôle du père de famille. Pourquoi avoir pensé à lui ?

Il avait beaucoup aimé le livre et tenait à faire le film, même s’il n’y tient pas le rôle principal. Il a joué le jeu de manière extraordin­aire avec les enfants et les acteurs non profession­nel. Il fallait un acteur très généreux en face pour qu’ils donnent ce qu’on attendait d’eux. Jean-Paul a été parfait.

Et Gaël Faye ? Vous n’avez pas été tenté de lui faire jouer son rôle à l’âge adulte ?

J’ai tout fait pour que ce soit lui, vous voulez dire ! Mais j’ai eu beau insister et insister, c’était niet depuis le début. Le roman est basé sur ses souvenirs d’enfance, mais la dramaturgi­e est fictionnel­le. Il ne veut pas qu’on croie que tout est vrai dans le livre. Il se disait qu’en endossant le rôle, les gens penseraien­t forcément que tout est arrivé comme c’est raconté. En revanche, il a été présent à toutes les étapes, du scénario au tournage. Je ne pouvais pas envisager de faire le film sans lui.

La musique est très présente dans le film…

Elle l’est aussi dans le roman. Elle accompagne totalement la narration. On passe des chansons enfantines, à la variété qu’écoutait la famille puis au rap américain qui était la référence des gangs de Bujumbura. Cela devient de plus en plus violent et agressif à mesure que la tension monte et que la guerre civile s’étend. Jusqu’à la chanson de Gaël au générique final, qui figure sur son premier album et qui est magnifique. Comme le roman, c’est une ode à ce magnifique pays. Le film devait aussi rendre compte de sa beauté et de la douceur de vivre qui y régnait avant le génocide.

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