Mobilisés pour sauver l’agriculture
Les chefs d’exploitation azuréens sont dix fois moins nombreux qu’il y a trente ans. Comment préserver les terres agricoles de la pression immobilière, favoriser l’installation de jeunes agriculteurs ? Quels sont les projets innovants ?
Chaque année, des centaines d’agriculteurs mettent la clé sous la porte ou partent à la retraite, sans être remplacés. « C’est une chute assez vertigineuse », s’alarme Annie Sic, membre du comité départemental (06) de la Confédération paysanne. Autrefois, les Alpes-Maritimes étaient une terre d’agriculture. Couverte de vergers, de restanques et de serres comme la Ligurie l’est encore (un peu), de l’autre côté de la frontière.
Aujourd’hui, les chefs d’exploitation sont dix fois moins nombreux qu’il y a trente ans (1). Au total, ils sont à peine plus de 2 000 à vivre de l’agriculture dans notre département où le nombre d’exploitations en agriculture biologique progresse (+16,8 %) depuis 2018. Les Alpes-Maritimes importent 98 % des denrées alimentaires qui y sont consommées. « Les gens ont beau avoir envie de manger local, on ne produit pas assez pour toute la population », regrette Annie Sic. Difficile pour les nouveaux venus de trouver des terrains dans « un département bétonné » où le mètre carré vaut de l’or. Chargée d’aider les agriculteurs à s’installer, la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) reconnaît que les Alpes-Maritimes restent un département compliqué. « Nous avons dû effectuer une régulation sur des prix du foncier très élevés », explique Camille Gonzalez, directrice départementale.
Le malaise agricole
De plus en plus d’agriculteurs se disent victimes « d’agressions en tout genre ». «Ilyaun manque de considération évident pour notre métier qui est le plus beau du monde », regrette Jean-Philippe Frère, oléiculteur et président de la Fédération départementale (06) des syndicats et exploitants agricoles (FDSEA). Lui appelle ça « l’agribashing ». Et de rappeler que la profession voit aussi « le nombre de suicides augmenter. Même les banques ne nous font plus confiance ».
A ce cortège de difficultés s’ajoute la nécessité de s’adapter aux changements climatiques qui touchent « toutes les filières ». JeanPhilippe Frère explique que « la sécheresse se fait ressentir depuis huit ans, et tout particulièrement ces trois dernières années ».
Quelles solutions ?
Pour aider les agriculteurs à s’installer, des communes mettent des terrains à leur disposition comme à Cannes, Carros... «Deplusen plus de petites municipalités font des efforts, constate Annie Sic. Il y a aussi ces fermes communales qui voient le jour comme à Levens ou Guillaumes, ou des projets mixtes avec des petits maraîchers qui se lancent dans le safran ou la spiruline. Ce sont ces petites exploitations qu’il faut encourager. » De son côté Camille Gonzalez constate aussi que «les choses bougent ». « Depuis deux ans, on assiste à une implication plus grande des collectivités. Les débats sur le changement climatique, l’alimentation, la forte demande de la population locale, importante et exigeante, impactent les politiques publiques. » Et en premier lieu celle des municipalités. Ainsi, en matière de foncier, Saint-Jeannet a créé en 2019 la première zone agricole protégée (ZAP) pour sanctuariser les terres agricoles.
Les citoyens aussi se mobilisent. Pour sauver des fermes, ils financent, au sein de Terre de liens, l’achat de terres agricoles. Par ailleurs l’association Solidarité paysans lutte contre la solitude qui frappe les exploitants. Gros plan sur des initiatives menées pour préserver l’agriculture locale.
1. Dans le détail, le département des Alpes-Maritimes comptait au dernier recensement 324 exploitations d’élevage, 614 exploitations en production végétale (maraîchage, oléiculture, horticulture...) et 35 exploitations viticoles.
Dossier : Sophie Casals, Flora Zanichelli, Aurore Malval solutions@nicematin.fr Photos : Franck Fernandes