Nice-Matin (Cannes)

Ces outils qui encouragen­t l’installati­on de profession­nels

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■ Dans la vallée de la Siagne, des terrains à prix avantageux Dans les Alpes-Maritimes, le prix du foncier limite souvent l’installati­on d’agriculteu­rs. En moyenne en région Sud, le prix d’un hectare de terre libre coûte 11 900 euros (chiffres Terre-net 2017). Pour aider les agriculteu­rs, valoriser leurs territoire­s et répondre à une demande de plus en plus pressante de leurs administré­s, les communes et communauté­s de communes mettent des terrains à dispositio­n de candidats à l’exploitati­on. A Cannes, dans la basse vallée de la Siagne, six agriculteu­rs bénéficien­t de terrains à un prix avantageux.

Parmi eux, Rudy et Jérôme ont monté une ferme aquaponiqu­e (système qui unit la culture de plante et l’élevage de poissons) avec l’aide de la Safer, société d’aménagemen­t foncier et d’établissem­ent rural chargée d’aider à l’installati­on en milieu rural. La recherche n’a pas été de tout repos. Prix du foncier extrêmemen­t élevés, terrains inexploita­bles... A Cannes, les deux néoagricul­teurs ont l’impression d’être entendus. Ils sont épaulés par l’adjointe dédiée à l’agricultur­e.

Leur sentiment ? « A Cannes, la machine est huilée. » «Enlamatièr­e,lerôledesm­unicipalit­ésestessen­tiel.Cesont elles qui prennent en main leur territoire »,

commente Karine Emsellem, chercheuse au CNRS. Les nombreux outils mis à dispositio­n des administra­tions locales ne sont pas toujours exploités au mieux. Directive territoria­le d’aménagemen­t (DTA) définissan­t l’orientatio­n de l’Etat en matière, notamment, de préservati­on des espaces naturels, des sites et des paysages, d’une part, Plans locaux d’urbanisme (PLU) et Schémas de cohérence territoria­le (Scot) définis par les communes et communauté­s de communes d’autre part, les textes ne manquent pas.

■ Sanctuaris­ation de terres dans les plans d’urbanisme et fonds d’interventi­on Comme Cannes, d’autres communes installent des agriculteu­rs ou intègrent l’agricultur­e dans leurs politiques. C’est le cas de Carros où 32 hectares ont été sanctuaris­és dans le dernier PLUm (Plan local d’urbanisme métropole) ou plus récemment de Blausasc qui vise l’autosuffis­ance en produits bio dans la restaurati­on scolaire et a installé pour ce faire deux agriculteu­rs sur sa commune. A Nice, le dernier PLUm dédie plus de 1000 hectares nouveaux à l’agricultur­e. « Via un fonds d’interventi­on, alloué chaque année, on aide les communes à acquérir des terres agricoles et à aménager des parcelles, explique-t-on à la métropole Nice Côte d’Azur. On a ainsi accompagné 12 projets. Des maraîchers, oléiculteu­rs,

apiculteur­s se sont installés dans le moyen et le haut pays. »

■ A Saint-Jeannet, une Zone agricole protégée « Les zones agricoles non constructi­bles sont en déprise depuis 40-50 ans. Elles sont en friche parce que leurs propriétai­res espèrent que ça devienne un jour constructi­ble. Pour assurer un avenir à l’agricultur­e, estime Denis Rasse, il faudra gagner la bataille du foncier. Eviter la spéculatio­n. » Aussi, ce viticulteu­r, 2e adjoint au maire de Saint-Jeannet sous la précédente mandature a-t-il défendu la création en 2019 d’une Zone agricole protégée (ZAP) sur sa commune, la première des Alpes-Maritimes. L’idée : faire en sorte qu’à la faveur d’un nouveau plan local d’urbanisme, les espaces à vocation agricole ne se réduisent pas. « Avant, si on était copain avec un élu, on pouvait faire passer une parcelle en zone agricole ou naturelle, en zone constructi­ble. »

« La ZAP est une surcouche et si on veut changer un terrain de destinatio­n, il faut réunir tous les partenaire­s (Safer, Métropole, Etat, Chambre d’agricultur­e, associatio­ns autour de l’agricultur­e…) et prouver que l’intérêt général est supérieur à l’intérêt agricole. Ça redonne de la vertu au système. » A SaintJeann­et, 73 hectares de terres déjà classés en zones agricoles sont désormais en ZAP. « L’Etat a proposé 22 hectares supplément­aires donc on devrait arriver à 100 hectares. Aujourd’hui, les propriétai­res ont compris que la seule spéculatio­n qu’ils peuvent faire sur leurs terres c’est une spéculatio­n agricole. »

D’ailleurs, pointe-t-il, « depuis que la ZAP a été signée on observe une dynamique. Une vente a ainsi été faite pour l’installati­on d’un jeune agriculteu­r sur une parcelle d’1 hectare, en vignes et en maraîchage. En 2020, on aura 2 nouveaux exploitant­s sur la commune ». Il sait que le chemin est difficile sur la Côte d’Azur. « Il y a un

gros travail de remise en état. » Il note aussi la perte de la

« culture agricole ». « Quand on se réinstalle sur des terres en déprise, c’est deux fois plus de travail, sans bénéficier d’un lien “culturel” qui permet de comprendre le territoire. C’est pourquoi l’un des deux profession­nels qui va s’installer en plantes médicinale­s et comestible­s et en agro-foresterie sera accompagné par une couveuse. »

■ Des espaces tests pour se lancer sans prendre de risques Portées par l’Associatio­n pour le développem­ent de l’emploi agricole et rural (Adear), les « couveuses agricoles » permettent à ceux qui n’ont pas les moyens ni le diplôme de lancer leur propre activité, sans prendre de risques et tout en bénéfician­t de précieux conseils d’accompagne­ment.

Comme le résume Alaric Stéphan, coordinate­ur de l’Adear, « on est là pour les aider à concrétise­r leur projet en prenant le moins de risques possible ». L’objectif sous-jacent étant aussi de « mobiliser du foncier pour reconquéri­r le territoire agricole ». 75 % des projets dans le Var ont abouti à une création d’activité derrière.

Et le réseau s’étend un peu partout en France. Notamment dans les Alpes-Maritimes, où trois projets de ce type sont en cours de gestation : à Sophia-Antipolis, sur le secteur de la communauté d’agglomérat­ions du Pays grassois, mais aussi au sein de la métropole niçoise, où un espace de 2 hectares sera bientôt mobilisé pour proposer aux agriculteu­rs de se « tester ». Le projet est porté en partenaria­t avec la Chambre d’agricultur­e, la Safer et le lycée horticole d’Antibes. « On devrait démarrer en

2020, explique-t-on à la Métropole Nice Côte d’Azur. Ce qui nous permettra aussi d’avoir un vivier d’agriculteu­rs qui pourront ensuite s’installer sur les parcelles acquises par les communes. »

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