Nice-Matin (Cannes)

Le portier d’un club libertin cannois aux assises

- CHRISTOPHE PERRIN chperrin@nicematin.fr

L’entrée du club libertin L’Anonyme est pour le moins discrète, au premier sous-sol du parking Mozart boulevard Carnot à Cannes. Il faut gravir un étroit escalier pour se retrouver face à une première porte qui donne accès à un sas d’entrée. C’est à cet endroit que Thierry, touriste américain retraité, client de l’hôtel voisin, cherche à entrer dans l’établissem­ent le 23 octobre 2016 vers 1 heure du matin. Sait-il qu’il s’agit, comme le dit la brochure, « d’un club de divertisse­ment pour adultes » ? Mystère. Il parlemente avec Salvatore Mendes, 46 ans, le portier. La soirée est réservée aux couples. Le touriste à qui l’on refuse l’accès ne parle pas français. Il insiste, sans agressivit­é, selon plusieurs témoins.

Quinze mètres plus bas

Des clients souhaitent sortir. Salvatore Mendes s’impatiente et pousse violemment l’importun au niveau de la poitrine. Un geste aux conséquenc­es désastreus­es.

Thierry part en arrière sur ce palier exigu et glissant, visiblemen­t peu sécurisé. Il heurte le garde-corps à moins de 2 mètres de la porte d’entrée. Il bascule dans le vide et s’écrase au sixième sous-sol, quinze mètres plus bas. A l’arrivée des secours, il n’y a plus rien à faire. « C’était comme un jouet complèteme­nt cassé », un mannequin démantibul­é, témoigne un officier de police.

Depuis hier, le vigile comparaît devant la cour d’assises pour violences volontaire­s ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Un crime passible de quinze ans de réclusion. Après 18 mois de détention provisoire, l’accusé comparaît libre. L’homme, célibatair­e, père d’un enfant, est agent dans une collectivi­té locale. Il est par ailleurs pompier volontaire. Les experts, psychologu­e et psychiatre n’ont décelé chez lui aucun signe inquiétant. Ils évoquent au contraire « un homme éprouvé avec une réminiscen­ce douloureus­e des faits », « une réelle empathie ».

« Je n’ai jamais souhaité la mort de ce Monsieur », répète à la Cour et aux jurés Salvatore Mendes. A l’époque, il ajoutait à ses deux activités déclarées un petit boulot au noir de portier, un samedi sur deux, à L’Anonyme. « Pour arrondir les fins de mois et payer la pension alimentair­e pour ma fille », précise l’athlétique accusé.

« Sérieux et courageux »

Fils d’un couple espagnol plutôt aimant, rien dans la vie de cet homme qualifié de « timide », « discret », ne laisse prévoir pareil destin. S’il a interrompu sa scolarité en classe de 3e, il a toujours travaillé, notamment comme maçon ou conducteur de poids lourd. Ses employeurs se félicitent de ce garçon « courageux, sérieux, disponible ». Seule voix discordant­e : son ex-compagne qui décrit une relation de quatre ans à la fois passionnel­le et conflictue­lle. «Il avait des accès de colère et de violence. Il m’a giflée alors que j’avais notre fille dans les bras. » Une plainte aurait abouti à un simple rappel à la loi. «Leseultémo­ignage défavorabl­e », tempère aussitôt Me Michel Valiergue, l’avocat de la défense. Salvatore admet, non sans difficulté devant la présidente Catherine Bonnici, avoir consulté un psychiatre pour tenter de réguler ses sautes d’humeur. La nuit du drame, son comporteme­nt reste incompréhe­nsible. Bérangère, une habituée, attendait dans le sas pour sortir du club au moment du drame. Selon ce témoin, c’est « un mauvais concours de circonstan­ces. » Elle témoigne : « La personne ne paraissait pas agressive. Salva l’a violemment poussée des deux mains. J’ai entendu un gros bruit métallique. Salva a alors refermé la porte. Son comporteme­nt était en total décalage avec ce qui venait d’arriver. » Suite et fin de ce procès aujourd’hui.

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C’est ici qu’un touriste américain de  ans a fait une chute fatale, repoussé par le vigil qui lui refusait l’entrée du club. (Photo P. Lapoirie)

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