Nice-Matin (Cannes)

SIDÉRATION

• Professeur­s, parents et élèves sous le choc • L’hommage de Plantu Qui était l’enseignant Samuel Paty ?

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Les fleurs s’amoncellen­t devant le collège du Bois d’Aulne. En file indienne, des dizaines d’élèves et de parents se succèdent pour déposer une rose blanche au pied des grilles. Pas un mot, pas un bruit, juste quelques affichette­s « Je suis enseignant » brandies comme un défi à l’horreur.

Au lendemain de la décapitati­on d’un professeur d’histoire, Samuel Paty [lire son portrait en page suivante],

qui avait montré des caricature­s de Mahomet à sa classe, la ville de ConflansSa­inte-Honorine (Yvelines) reste comme tétanisée

« Mon fils ne veut plus en parler »

Escortés par des CRS, des élèves accèdent timidement à l’établissem­ent. À l’intérieur, des équipes du Samu du centre hospitalie­r de Versailles, la préfecture des Yvelines et le rectorat de Versailles ont mis en place une cellule psychologi­que. « C’est l’horreur, c’est très compliqué de discuter avec mon fils de ce qu’il s’est passé, ce matin il ne veut même plus en parler », explique une mère de famille, qui préfère témoigner sous couvert d’anonymat, car son « fils n’aimerait pas voir mon nom dans la presse ».

Marie, actuelleme­nt en seconde, est venue devant son ancien établissem­ent déposer des fleurs en « hommage à son ancien professeur ». « Je me souviens de son cours sur la liberté d’expression. On avait parlé de Charlie, on avait fait des dessins qui sont encore accrochés dans le collège », explique la jeune fille, émue, venue avec deux copines.

Selon les premiers éléments de l’enquête, l’enseignant avait montré à ses élèves, la semaine dernière, une caricature de Mahomet, dans le cadre d’un cours sur la liberté d’expression. Un signalemen­t était parvenu à Rodrigo Arenas, coprésiden­t de la FCPE, la première associatio­n de parents d’élèves, qui a fait état « d’un père extrêmemen­t énervé ».

« Faire face »

Hugo, en 3e, était un des élèves de Samuel Paty, qui lui dispensait des cours de soutien chaque semaine. «Il était super, très conciliant, et à l’écoute », assure-t-il. Mais « depuis la semaine dernière l’ambiance était tendue, c’était sûr que ça allait mal finir ».

Sa mère Sabrina acquiesce :

« Il m’en parlait beaucoup depuis une semaine, on a même reçu un texte de la principale sur l’intranet, qui disait qu’il y avait des problèmes entre des parents d’élève et ce prof. »

« Effrayée »

« Chacun apportait son opinion pendant ses cours, c’était super. Maintenant il faut continuer et faire face, il ne faut pas leur donner raison », lance un ancien élève, aujourd’hui en classe de première à Gennevilli­ers. Plus loin, Ludovic, 40 ans, père d’une fille de 13 ans en 4e au collège, peine encore à croire ce qui s’est passé la veille. « Comment croire qu’un professeur qui avait montré des dessins se fasse décapiter ? », s’interroge-t-il, dans un flot de paroles.

« Des jeunes nous criaient “rentrez vite chez vous, il y a quelqu’un qui a des armes” mais nous avons cru qu’ils faisaient des blagues », raconte Marie-Claude, 74 ans, en peignoir devant la grille de la maison qu’elle occupe depuis quarante ans, juste en face de l’établissem­ent scolaire.

« C’est seulement en regardant les informatio­ns hier soir que nous nous sommes rendu compte que c’était vrai », ajoute la retraitée, « effrayée ».

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Une manifestat­ion de soutien a été organisée hier à Nice.
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À la manière de « Je suis Charlie », les habitants de Conflans-Sainte-Honorine ont manifesté, hier, leur soutien au professeur lâchement assassiné vendredi.

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