La semaine de Claude Weill
Dimanche
Flânerie dans les rues. Temps radieux. Les Parisiens profitent. Dans les rues, presque tous les passants sont masqués : la peur du gendarme. Mais les salles et terrasses des cafés sont bondées. Et les masques, posés sur la table. On boit des demis, on se parle nez contre nez. À Paris, où la plupart des cafés servent aussi à manger, la fermeture des bars est une vaste blague. Une mascarade. Pressentiment que l’annonce de nouvelles mesures de restriction ne va pas tarder…
Lundi
Coup de gueule d’Axel Kahn, président de la Ligue nationale contre le cancer, contre « la brochette d’abrutis qui endorment la vigilance des gens » face au coronavirus. Les
« abrutis » se reconnaîtront.
Dans un style plus châtié, le professeur Pittet, l‘infectiologue suisse chargé de diagnostiquer la gestion française de la crise, s’inquiète de la vague d’infodémie qui sévit dans le sillage de la pandémie, particulièrement en France. Infodemia : épidémie d’informations fallacieuses. Depuis des semaines, toute une cohorte de charlatans, d’experts autoproclamés et de télé-bateleurs, voire de complotistes, s’offrent leur quart d’heure de gloire médiatique en multipliant les fausses prophéties – « il n’y aura pas de deuxième vague », « l’épidémie est finie », « les patients Covid vont bien » (dixit une députée accro aux fakenews) et autres calembredaines, qui n’auront servi qu’à troubler les esprits. Aucun d’entre eux, bien sûr, ne sera poursuivi pour mise en danger de la vie d’autrui. Et pourtant…
Mercredi
La Convention citoyenne sur le llimat interpelle le président de la République : et nos propositions ? Qu’attendez-vous pour les appliquer ? Vous avez promis. Exécutezvous !
Les conventionnels, décidément, prennent leur rôle très au sérieux. Trop ? Envie de leur répondre : il n’y a pas que le CO dans la vie. Il y a aussi l’économie, l’emploi, le pouvoir d’achat. Gouverner c’est arbitrer, fixer l’ordre des priorités. L’économie subit aujourd’hui la plus violente récession depuis la Seconde Guerre mondiale. Des secteurs entiers sont à l’agonie, comme les transports aériens. Il y a peut-être plus urgent que de leur imposer de nouvelles taxes et contraintes, non ? À un malade souffrant d’anémie, on n’ordonne pas une diète sévère.
Jeudi
Perquisitions, au petit matin, aux domiciles d’Édouard Philippe, Olivier Véran, Agnès Buzyn, Sibeth Ndiaye et Jérôme Salomon. Une opération policière de cette envergure, visant ministres et anciens ministres : à notre connaissance, le
procédé est inédit chez nous, et sans équivalent dans aucun autre pays confronté au coronavirus. Il évoque plutôt les méthodes déployées contre le grand banditisme. La justice est saisie, elle suit son cours, dira-t-on. Sans doute. Mais ne soyons pas naïfs…
Le fait, très inhabituel, de lancer des perquisitions alors que l’enquête débute à peine ; le calendrier (entre l’annonce du couvre-feu par le chef de l’État et la prestation du ministre de la Santé sur France ) ; l’indifférence à la situation sanitaire : pour les avocats que nous consultons, y compris les moins bien disposés envers le gouvernement, tout indique qu’on est en présence d’une opération politique autant que judiciaire. Une « déclaration de guerre au pouvoir politique », comme le dit Gilbert Collard ? En tout cas un message. Ou un coup de pression.
« La haute hiérarchie et les syndicats de magistrats n’ont pas digéré la nomination de Dupond-Moretti, qu’ils vivent comme une offense et une menace, décrypte une robe noire. Ces perquiz’ sont une démonstration de force. Une façon de dire : si vous nous cherchez, vous nous trouverez… »
Vendredi
Avec la décapitation d’un professeur d‘histoire qui n’avait fait que son devoir en enseignant à ses élèves la liberté d’expression, un nouveau degré a été franchi dans l’horreur et la barbarie. À travers lui, c’est à la République, à la laïcité, à notre pacte social que le meurtrier s’est attaqué.
Face à la terreur que prétend imposer le totalitarisme islamiste, à nous de montrer que nous ne nous laissons pas intimider : vous n’aurez pas notre peur !
Dès la semaine prochaine, il faudra expliquer dans chaque école, dans chaque classe – puisque là est la première ligne – que la laïcité, notre trésor commun, est liberté : liberté de conscience, liberté de croire ou de ne pas croire, de dire ou de taire, de critiquer et de moquer.
« Que répondre à un homme qui vous dit qu’il aime mieux obéir à Dieu qu’aux hommes et qui est sûr de mériter le ciel en nous égorgeant ? », s’interrogeait Voltaire dans son Dictionnaire philosophique (). Répondre non, rien audessus de la loi commune. Non au fanatisme et au séparatisme. Un non ferme et définitif.
Que la justice passe. Que les complices paient. Que soient sanctionnés les lâches et les agitateurs. Et s’il faut par un geste sceller notre détermination à défendre les valeurs qui nous rassemblent, rebaptisons le collège de Conflans du nom de celui qui les a incarnées au prix de sa vie : Samuel Paty.
« L’économie subit aujourd’hui la plus violente récession depuis la Seconde Guerre mondiale »