Maux sans mots : la peur de la Covid plus forte que tout
Entre retards de diagnostic et traitements interrompus, les dégâts collatéraux liés à la pandémie sont indéniables. Mais qui pour en parler ?
Is sont vingt millions en France à souffrir de maladies chroniques. Détérioration de la qualité de vie, complications graves, invalidités, souffrances physiques et morales. C’est le quotidien d’un grand nombre d’entre eux.
Un autre chiffre : onze millions. Onze millions d’aidants familiaux qui accompagnent au quotidien un proche en situation de dépendance, en raison de son âge, d’une maladie ou d’un handicap. L’addition est simple : près de la moitié de la population française est familière des problèmes de santé, de quelque nature que ce soit et recourt régulièrement au système de soins. Une population très nombreuse mais étrangement silencieuse depuis plusieurs mois. Alors que l’espace sonore est occupé par tous ces discours chaotiques autour du coronavirus, cette population ne dit mot. Ni ne fait état de ses maux, pourtant nombreux. Fins de vie esseulées, grand âge emmuré, perte d’autonomie accélérée, maladies psychiques isolées, dépistages et diagnostics différés, interventions jugées « non urgentes » reportées pour réserver les moyens – matériels et humains – des blocs opératoires et d’anesthésie.
En France, comme dans de nombreux autres pays touchés par l’épidémie, les services de santé, mais aussi médico-sociaux ont été partiellement ou totalement perturbés. Et les malades chroniques, les personnes très âgées, porteuses de handicap, en ont fait les frais.
Autocensure
Traitements de l’hypertension, du diabète, du cancer, urgences cardiovasculaires… en France, comme ailleurs, des retards de soins hors Covid-19 ont été enregistrés – qui n’ont pu être rattrapés pendant l’été. Alors que l’épidémie repart de plus belle, la situation inquiète. Professionnels
de santé, directeurs d’établissements publics ou privés, redoutent que le système de santé, accaparé par les malades du coronavirus, continue de laisser sur le côté de nombreux Français atteints de maladies non transmissibles. Aujourd’hui, alors que le risque de deuxième vague semble se préciser de jour en jour, l’arrivée massive dans les hôpitaux de patients, autres que Covid, dans un état grave, est aussi une réalité.
Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour alerter sur ce risque de deuxième vague de malades non covid.
Mais qu’en pensent les premiers concernés ? En choisissant comme thème des dernières rencontres Santé matin : « Les leçons de la covid : les usagers du système de santé ont-ils réellement leurs « maux » à dire ? », nous nous attendions à ce qu’on rapporte les plaintes de ces millions d’ « oubliés » de la crise de la Covid-19. Erreur d’appréciation. Aucune voix – ou presque – pour exprimer une forme de révolte, voire de la simple colère. La peur de la Covid-19 a muselé les plaintes. Une autocensure. On a bien entendu ça et là quelques personnalités médiatiques appeler à la révolte contre les mesures anti-Covid. Au nom de la liberté. De la démocratie. De l’économie. De la vie. Ou encore de l’amour. Mais, on n’a pas encore entendu de malades prendre la parole pour dire que ces mesures avaient affaibli leur santé, physique ou psychique. Même si on sait aujourd’hui que cela a été le cas pour des milliers de Français. Pourquoi ce silence ? Parce que la peur de la Covid a été plus forte que tout.
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