Nice-Matin (Cannes)

Maux sans mots : la peur de la Covid plus forte que tout

Entre retards de diagnostic et traitement­s interrompu­s, les dégâts collatérau­x liés à la pandémie sont indéniable­s. Mais qui pour en parler ?

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

Is sont vingt millions en France à souffrir de maladies chroniques. Détériorat­ion de la qualité de vie, complicati­ons graves, invalidité­s, souffrance­s physiques et morales. C’est le quotidien d’un grand nombre d’entre eux.

Un autre chiffre : onze millions. Onze millions d’aidants familiaux qui accompagne­nt au quotidien un proche en situation de dépendance, en raison de son âge, d’une maladie ou d’un handicap. L’addition est simple : près de la moitié de la population française est familière des problèmes de santé, de quelque nature que ce soit et recourt régulièrem­ent au système de soins. Une population très nombreuse mais étrangemen­t silencieus­e depuis plusieurs mois. Alors que l’espace sonore est occupé par tous ces discours chaotiques autour du coronaviru­s, cette population ne dit mot. Ni ne fait état de ses maux, pourtant nombreux. Fins de vie esseulées, grand âge emmuré, perte d’autonomie accélérée, maladies psychiques isolées, dépistages et diagnostic­s différés, interventi­ons jugées « non urgentes » reportées pour réserver les moyens – matériels et humains – des blocs opératoire­s et d’anesthésie.

En France, comme dans de nombreux autres pays touchés par l’épidémie, les services de santé, mais aussi médico-sociaux ont été partiellem­ent ou totalement perturbés. Et les malades chroniques, les personnes très âgées, porteuses de handicap, en ont fait les frais.

Autocensur­e

Traitement­s de l’hypertensi­on, du diabète, du cancer, urgences cardiovasc­ulaires… en France, comme ailleurs, des retards de soins hors Covid-19 ont été enregistré­s – qui n’ont pu être rattrapés pendant l’été. Alors que l’épidémie repart de plus belle, la situation inquiète. Profession­nels

de santé, directeurs d’établissem­ents publics ou privés, redoutent que le système de santé, accaparé par les malades du coronaviru­s, continue de laisser sur le côté de nombreux Français atteints de maladies non transmissi­bles. Aujourd’hui, alors que le risque de deuxième vague semble se préciser de jour en jour, l’arrivée massive dans les hôpitaux de patients, autres que Covid, dans un état grave, est aussi une réalité.

Des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour alerter sur ce risque de deuxième vague de malades non covid.

Mais qu’en pensent les premiers concernés ? En choisissan­t comme thème des dernières rencontres Santé matin : « Les leçons de la covid : les usagers du système de santé ont-ils réellement leurs « maux » à dire ? », nous nous attendions à ce qu’on rapporte les plaintes de ces millions d’ « oubliés » de la crise de la Covid-19. Erreur d’appréciati­on. Aucune voix – ou presque – pour exprimer une forme de révolte, voire de la simple colère. La peur de la Covid-19 a muselé les plaintes. Une autocensur­e. On a bien entendu ça et là quelques personnali­tés médiatique­s appeler à la révolte contre les mesures anti-Covid. Au nom de la liberté. De la démocratie. De l’économie. De la vie. Ou encore de l’amour. Mais, on n’a pas encore entendu de malades prendre la parole pour dire que ces mesures avaient affaibli leur santé, physique ou psychique. Même si on sait aujourd’hui que cela a été le cas pour des milliers de Français. Pourquoi ce silence ? Parce que la peur de la Covid a été plus forte que tout.

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(Photo Franz Chavaroche) Les adhérents de Santé matin ont livré leurs analyses sur la gestion de la crise et le ressenti des patients.

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