Nice-Matin (Cannes)

La Covid fait plus peur que le cancer ?

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« Nous recevons des personnes fragiles, il ne fallait pas prendre le moindre risque. Aussi, dès les tout premiers temps de l’épidémie, alors qu’on ne savait encore rien de ce coronaviru­s, nous avons sécurisé au maximum l’établissem­ent », introduit le Pr Emmanuel Barranger, directeur général du CAL (Centre Antoine Lacassagne). Une sécurisati­on passant par l’interdicti­on de toutes les visites. « Cette situation était effroyable pour certains patients, reconnaît le spécialist­e. Je garde en tête le cas d’une jeune maman hospitalis­ée qui n’a pas pu voir son enfant pendant plusieurs semaines. C’était très difficile et quoi qu’on en dise, la tablette, le téléphone, ne remplacent pas le contact humain. Aujourd’hui, les visites sont de nouveau autorisées mais encadrées pour limiter les risques. Psychologi­quement, tout cela a été très éprouvant. Et ça a laissé des traces. » Pour ce spécialist­e du cancer, l’absence de « rébellion » des patients face à ces mesures s’explique facilement : « ils sont concentrés sur leur maladie et ont peur de la Covid. Une de mes patientes m’a confié n’être sortie que deux fois en  mois. » Gérard Van Den Bulcke, directeur général du comité  de la Ligue contre le cancer, va encore plus loin : « il y a eu une crainte plus forte vis-àvis de la Covid que du cancer. Il y a encore des gens qui hésitent à sortir de chez eux. Nous avons aussi constaté qu’un certain nombre de patients n’étaient pas revenus à l’Espace Ligue. » Le Pr RenéJean Bensadoun (oncologue radiothéra­peute et responsabl­e du Centre de Haute Énergie) fait la même analyse : «le cancer est passé derrière la Covid ! On peut presque dire qu’on a pris en charge certains malades malgré eux. Nous les avons rappelés, rassurés et surtout nous leur avons expliqué l’importance de poursuivre leurs traitement­s parce que la perte de chance liée à un report des soins dans le cancer, peut-être catastroph­ique. De ce fait, nous nous sommes adaptés, nous avons élargi nos horaires le soir, nous avons ouvert le samedi afin d’éviter aux personnes de se côtoyer dans les salles d’attente. Tout ceci conjugué fait que nous sommes parvenus à limiter à moins de  % la baisse d’activité. » Preuve de l’impact énorme de cette pandémie sur le cancer, « tous les centres de lutte contre le cancer ont constaté une diminution de  % en moyenne du nombre de nouveaux cas. Cela ne veut pas dire qu’il y a moins de cancers mais bien une baisse du nombre de diagnostic­s, pointe le Pr Barranger.

Or le retard de prise en charge peut, en fonction de l’organe touché et du type de cancer, être très délétère. » Gérard Van De Bulcke évoque quant à lui des prévisions « qui feraient état de  à , % de décès supplément­aires par cancer l’an prochain », encore une fois en lien avec le décalage dans les diagnostic­s et/ ou traitement­s. Et de marteler « il faut resituer la lutte contre le cancer où elle doit être. » Rappelons que  personnes meurent du cancer en France chaque jour. C’est bien plus que les décès liés à la Covid.

Sans abandonner évidemment les gestes barrières et autres mesures contre le coronaviru­s, il est urgent de se souvenir que d’autres maladies tuent et être vigilant, notamment sur le dépistage.

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