Les aînés stigmatisés
L’hôpital gériatrique privé Les Sources à Nice s’est rapidement retrouvé dans l’oeil du cyclone, les personnes âgées ayant été identifiées dès le départ comme à haut risque vis-à-vis de la Covid. « Dès le départ, nous avons pris un maximum de précautions en confinant totalement notre patientèle – âgée en moyenne de ans, note le Dr Muriel Jourdan, présidente de CME et cheffe du département SSR - USLD. Faute de bases scientifiques, il était impossible de prendre le moindre risque. D’autant que nous étions prêts à recevoir des patients Covid + du CHU si la situation sanitaire devenait critique. » Pour elle, le constat est plutôt simple : « Les patients ont bien accepté les contraintes, l’absence de visites, etc., parce qu’ils ont compris quels étaient les enjeux. Nous avons beaucoup dialogué avec eux et avec les familles. De ce fait, il y a eu chez eux une résilience incroyable, nous n’avons pas eu de vrais syndromes de glissement. »
Le Dr Lydia Martinez est quant à elle médecin coordonnateur d’Ehpad au centre hospitalier d’Antibes-Juan-les-Pins. Elle confirme : « Nous avons fortement subi le confinement. Et avec lui s’est posé un problème éthique : qu’est-ce qui prime entre la mise en sécurité et le respect de la liberté individuelle d’aller et venir ? Certes les pensionnaires sont des personnes particulièrement fragiles mais il ne faut pas oublier que l’Ehpad est avant tout un lieu de vie et non un lieu d’hospitalisation. Mais comme nous étions hantés par la crainte de la contamination, nous n’avons pris aucun risque. » Là encore le personnel s’est adapté, a tout fait pour adoucir le quotidien des aînés et maintenir le lien avec leurs proches. Pour autant « chez certains résidents, la situation a été très durement ressentie : ils disaient se sentir en prison, certains parlaient même de camp de concentration...» Alors il a fallu redoubler d’efforts. Sans oublier de gérer la souffrance des familles. Sonia Baumgarten, dont le papa est pensionnaire dans cet Ehpad témoigne : « On a eu peur au début. Et puis finalement, les choses se sont bien passées parce que mon père a été stimulé par l’équipe. S’il n’avait pas été pris en charge avec autant de prévenance, ç’aurait été catastrophique pour lui. » À chaque fois, les récits se ressemblent. « Lorsque les familles se plaignaient c’était lié à des difficultés de communication, remarque Émilie Davain, cadre de santé à l’Ehpad Les balcons de la Fontonne. Aussi, nous nous sommes efforcés de beaucoup discuter avec elles. En revanche, ce qui était très compliqué pour nous c’était lorsque le gouvernement produisait de nouvelles réglementations le vendredi soir à appliquer le lundi matin ! »
Le Dr Martinez conclut en allant droit au but : « Ce que nous ont dit de façon unanime nos pensionnaires c’est qu’ils préféraient perdre quelques mois de vie mais pouvoir profiter de leurs proches jusqu’au bout. Un nouveau confinement serait dramatique. Y compris pour le personnel qui est épuisé. » Dans le même ordre d’idées le Dr Muriel Jourdan, rapporte les propos qu’une dame de ans lui a tenus : « ce n’est pas la Covid qui me fait peur ; c’est la solitude. »